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CHAPITRE II Ŕ CADRE MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

2.3. Présentation du corpus de sources

2.3.1. Sources bibliographiques

Considérant que l’ethnologie ne se limite pas à la simple association avec l’une de ses méthodes, l’enquête orale, nous avons eu recours, de la collecte à l’analyse des données, à la recherche documentaire. En plus de nous familiariser avec les discours relatifs à une congrégation religieuse, la recherche documentaire nous a permis de comprendre l’évolution des Sœurs du Bon-Pasteur de Québec sous une perspective historique et de repérer ses pratiques significatives.

Nous avons, d’une part, consulté des articles et ouvrages afin de comprendre la genèse de la congrégation, son contexte de fondation et la mise en place des structures d’entraide en milieu urbain dans la seconde moitié du XIXe siècle. Un apport de provenances disciplinaires diverses a été sollicité, ces sources s’inscrivant dans les champs de l’histoire sociale, de l’histoire socio-religieuse et de l’histoire des femmes et de la famille. Nous nous sommes intéressée, d’autre part, à l’historiographie communautaire et aux documents portant spécifiquement sur les Sœurs du Bon-Pasteur et leur patrimoine. Citons notamment Présence d’avenir au cœur du monde depuis 150 ans : les Servantes du

Cœur Immaculé de Marie dites Sœurs du Bon-Pasteur de Québec66 (1999), écrit afin de commémorer le 150e anniversaire de fondation de l’œuvre. L’ouvrage, qui repose sur un important travail de dépouillement des archives, retrace l’histoire de la congrégation et dresse un portrait de ses œuvres sociales et d’enseignement. D’abord conçu comme un guide à l’intention des visiteurs du Musée Bon-Pasteur, Au cœur de notre histoire : le

patrimoine du Bon-Pasteur de Québec67 (2000) aborde le patrimoine architectural, immobilier et archivistique, puis le patrimoine immatériel et les savoir-faire de la communauté de Québec. L’ouvrage, rédigé par Carole Laurin, consultante en muséologie, évoque sommairement les premières actions de sauvegarde du patrimoine et l’ouverture officielle du Musée Bon-Pasteur.

66 Céline Jalbert, Présence d’avenir au cœur du monde depuis 150 ans : les Servantes du Cœur Immaculé de

Marie dites Sœurs du Bon-Pasteur de Québec, Québec, Congrégation des Sœurs du Bon-Pasteur de Québec,

1999.

67 Carole Laurin, Au cœur de notre histoire : le patrimoine du Bon-Pasteur de Québec, Québec, Congrégation

2.3.2. Sources archivistiques

En plus de se révéler essentielles à la compréhension du patrimoine des Sœurs de Bon-Pasteur, à Québec et en paroisses, les archives de la congrégation nous ont permis de croiser les parcours de religieuses ayant eu une importance certaine dans l’éveil patrimonial de la communauté étudiée. La consultation des sources archivistiques ŕici principalement composées des Annales de la Maison-mère, des Constitutions68, de sources iconographiques69, de notices biographiques et d’albums de commémorationŕ a par ailleurs clarifié les enjeux de la recherche. Bien que les archives se soient révélées essentielles au travail de reconstruction de la collection, le caractère obligatoirement sélectif des données obtenues devait être considéré.

Le dépouillement des Annales a notamment mis au jour les initiatives ŕ personnelles ou communautairesŕ des sœurs visant à rappeler la fondation, à préserver la mémoire ou à entreprendre le collectionnement. Dans toutes les maisons de la congrégation des Sœurs du Bon-Pasteur, les Annales représentent la première source documentaire. Ces écrits, tenus sur une base quotidienne ou périodique, consignent les événements et souvenirs attachés à l’histoire de la congrégation, à la vie communautaire ou religieuse. Les moments s’y succèdent chronologiquement, une datation étant associée à la structure même du récit. Dotées d’un caractère officiel, les Annales relèvent de l’institution et en expriment le point de vue70. Enfin, l’analyse des sources archivistiques s’est effectuée au Service des archives71 de la congrégation, à la Maison généralice des Sœurs du Bon-Pasteur, à Québec.

68 Les Constitutions fixent l’organisation et la structure d’une congrégation religieuse. Elles régissent

l’ensemble des rapports entre les autorités au sein de la congrégation, les structures administratives et les droits et devoirs des religieuses.

69 Afin d’évaluer et de saisir l’étendue du patrimoine des Sœurs du Bon-Pasteur, nous nous sommes penchée

sur diverses photographies des collections et artefacts du Musée Bon-Pasteur et des espaces d’exposition de la Maison généralice ŕMusée Émilie-Langlois, Salon Muir, Salon Mme Roy, vitrines disposées dans les couloirs. L’examen nous a permis de dégager les principaux artefacts dignes d’intérêt pour les Sœurs du Bon- Pasteur, l’étendue des collections et les premières propositions de collectionnement et de classement.

70 Krzysztof Pomian, « De l'histoire, partie de la mémoire, à la mémoire, objet d'histoire », Revue de

métaphysique et de morale, No 1, janvier-mars 1998, p. 76-78.

71 Les fonds du Service des archives des Sœurs du Bon-Pasteur totalisent plus de 200 mètres linéaires

d’archives, regroupés autour des thèmes suivants : Fondation, Administrations générales, Administrations provinciales, Administrations locales, Sœurs de la communauté, Annales et registres, Conseils généraux et Dossiers des élèves. Les archives de la congrégation comprennent également plus d’une trentaine de mètres

L’inégalité de la tenue et de la conservation des sources selon les époques et la rigueur des religieuses ŕrappelons que la communauté a été fondée en 1850 et qu’on commence à rédiger rétroactivement les Annales en 1872ŕ a ainsi été prise en compte. L’idée de créer un musée n’ayant germé qu’à la seconde moitié du XXe siècle, les acquisitions de la congrégation ou les manifestations d’une pratique patrimoniale n’ont pas été systématiquement consignées. Enfin, nous avons étudié les sources archivistiques en gardant à l’esprit le caractère officiel de certains documents, notamment les Annales, qui présentent l’image d’un passé communautaire, en expriment les valeurs et en défendent les intérêts72.

2.3.3. Sources manuscrites

Composées des observations et des réflexions du terrain de recherche, les sources manuscrites ont également été utilisées. Leur pertinence « tient [principalement] dans la relecture [qui en est faite]. Cette relecture révèle la distance entre celui qui a noté et celui qui relit73». Notre terrain a ainsi comporté une part d’observations pendant et après les entretiens et les visites guidées ou libres du Musée Bon-Pasteur. Ces observations nous ont permis de percevoir certains éléments inaccessibles par le seul discours des informatrices. Aussi, les observations et réflexions de terrain notées ont-elles permis d’évaluer et de comprendre la nature et l’étendue du patrimoine des Sœurs du Bon-Pasteur, de même que les propositions de collectionnement et de mise en exposition. Le carnet de terrain, où sont consignés les conditions de l’enquête, des réflexions, des hypothèses, des doutes, « constitue de ce fait quelque chose comme des archives de soi-même74 ». À cet effet, les sources manuscrites engagent une première démarche réflexive. Les données recueillies par observation ou lors d’entrevues informelles ont aussi été inscrites dans un carnet de terrain, complétant les sources orales.

linéaires d’albums photos et de photographies, plus d’une quarantaine de films et quatre mètres linéaires d’images pieuses et de cartes postales.

(Laurin, op. cit., p. 19.)

72 Pomian, loc. cit., p. 78-79.

73 Stéphane Beaud et Florence Weber, Guide de l’enquête de terrain. Produire et analyser des données

ethnographiques, Paris, Éditions La découverte, 2010, p. 81.

2.3.4. Sources orales

Dans l’intention d’avoir accès à la conscience et à la pratique patrimoniale des Sœurs du Bon-Pasteur de Québec telle qu’entendues par les religieuses, nous avons eu recours aux sources orales. L’enquête ethnologique nous est effectivement apparue comme un outil approprié à la saisie de l’expérience vécue et ressentie par les religieuses et les laïques côtoyant la congrégation. Son intérêt réside d’ailleurs dans l’obtention d’informations directes, internes et de nature sensible. Aussi les sources orales offrent-elles une vision du patrimoine ancrée dans le présent, de laquelle transparaît une évolution du discours.

2.4. Méthodes d’enquête

Aux fins de l’enquête75, l’entretien ŕ ou entrevue76 ŕ s’est avéré un outil de collecte des données pertinent afin de saisir l’expérience des religieuses77. L’entrevue consiste en un instrument de production de l’information et se définit comme un entretien en face à face avec le participant, lequel échange repose sur une relation interpersonnelle et un dialogue78.

Considérée comme un « producteur » de données, l’entrevue semi-dirigée, du moins le témoignage qui en émerge, se présente à la fois comme une construction de l’informateur et de l’ethnologue. Se situant entre l’entrevue libre et celle dirigée, l’entrevue semi-dirigée accorde davantage de spontanéité au participant, tout en permettant d’orienter les propos vers les intérêts et objectifs du chercheur. L’entrevue semi-dirigée permet par exemple à l’ethnologue de demander certaines précisions ou informations de contextualisation,

75 L’enquête est « une méthode de collecte d’information auprès d’un échantillon d’individus, lequel

représente une fraction de la population étudiée. »

(Serge Moscovici et Fabrice Buschini, dir., Les méthodes des sciences humaines, Presses universitaires de France, Paris, 2003, p. 39.)

76 Les termes « entretien » et « entrevue » sont ici employés sans distinction.

77 Notre méthodologie de recherche a fait l’objet d’une évaluation du CÉRUL (Comité d’éthique de la

recherche avec des êtres humains de l’Université Laval) validant la conformité de notre projet aux règles d’éthique. Notre projet a reçu le numéro d’approbation 2012-111 le 25 mai 2012.

78 Martine Roberge, Enquête orale : trousse du chercheur, Québec, Laboratoire d’ethnologie urbaine,

d’intervenir pour faire développer les réponses79. Privilégiés dans la mesure du possible, les entretiens approfondis, d’une durée d’une heure à une heure trente, ont favorisé l’intervention de certaines informatrices plutôt que d’autres, ne visant pas à produire des données quantifiées. La représentativité ne pouvant être atteinte qu’en couvrant la totalité du milieu enquêté, la méthode de l’enquête ethnologique nous a conduit à faire des choix, privilégiant l’intervention d’informatrices davantage concernées par la conscience et la pratique patrimoniale. Chaque participante a exprimé un point de vue particulier, personnel, qui a été mis en relation avec les autres témoignages. Nous avons aussi confronté les témoignages des religieuses au discours institutionnel, officiel, de la congrégation.

2.4.1. Récit de vie

Nos objectifs de recherche ont principalement favorisé l’approche par le récit de vie, ce type d’enquête employant une forme narrative et donnant accès à l’expérience des informatrices80. L’intérêt du récit repose sur la production de connaissances, le récit étant orienté vers les intentions du chercheur et l’obtention de témoignages sur l’expérience vécue. En évoquant des expériences concrètes, l’informateur révèle des contextes et des processus nécessaires à notre compréhension du sens et de la valeur accordés au patrimoine. Les récits facilitent ainsi « le va-et-vient entre le sens et la chose, entre l’immatériel et le matériel, et la conception même du patrimoine81.»

2.4.2. Schéma d’entrevue

Bien que nous ayons privilégié l’entrevue semi-dirigée, il importait que les entretiens soient préparés et structurés. Le schéma d’entrevue a toutefois laissé place à l’improvisation et a fait preuve de souplesse, subissant quelques modifications au fil des entretiens. En plus de constituer un guide en cours d’enquête, le plan a servi au classement préliminaire des données lors du traitement des entrevues. Le schéma s’est organisé par

79 Ibid., p. 14.

80 Voir Daniel Bertaux, Le récit de vie. L’enquête et ses méthodes, 3e édition, Paris, Armand Colin, 2010,

126 p.

81 Laurier Turgeon et Louise Saint-Pierre, « Le patrimoine immatériel religieux au Québec : sauvegarder

thèmes et sous-thèmes en fonction des pratiques abordées dans les entrevues. Ces dernières se sont articulées autour de quatre axes consacrés à la présentation de l’informatrice, à l’historique de la conscience patrimoniale chez les Sœurs du Bon-Pasteur, aux initiatives, manifestations ou politiques émergeant de cette conscience et, enfin, à la diffusion et la transmission du patrimoine des Sœurs du Bon-Pasteur.