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Les diverses sources d’énergie

Dans le document Le péage de Milan (Page 65-70)

Mme Fabienne Keller, sénatrice, co-rapporteure. Voici quelques sujets de cette première table ronde consacrée au grand enjeu de l’énergie. Premier volet : Comment consommer moins d’énergie ? Comment mieux se déplacer, moins gaspiller ? Comment réinterroger les performances ? Deuxième volet : la sécurité énergétique. Comment réduire la dépendance en énergie fossile ? Aller vers des sources renouvelables ? Troisième volet : les gaz à effets de serre, l’impact sur le climat, les engagements européens « 3 fois 20 ». Quatrième volet : mobilité et habitation. Comment stocker les énergies dont la production peut être dépendante de conditions climatiques ?

Chacun s’exprimera en deux minutes.

M. Nicolas Bardi, chef du département des Technologies Biomasse et Hydrogène, CEA-Liten à Grenoble (Agro-carburant). La biomasse est effectivement une ressource renouvelable qui a des usages très variés dans le domaine de l’énergie. J’ai repris quelques chiffres qui dataient du Grenelle de l’environnement. Quand on regarde les besoins en chaleur, les besoins en électricité par la cogénération, ou les besoins en carburant, à chaque fois on compte la biomasse comme une ressource potentielle. Cela va des poêles à granulés de bois ou des chaudières à cogénération de bois, qui se développent énormément dans notre pays, jusqu'aux biocarburants des différentes générations.

Tout cela pour dire que cette ressource est précieuse. On peut créer beaucoup d’emplois non délocalisables dans l’exploitation de la biomasse de façon durable. Par contre, on doit se poser la question des conflits d’usages et vers quels usages on va orienter l’utilisation de cette biomasse.

Quelques chiffres un peu anciens, mais les ordres de grandeur sont là.

En termes de potentiel des biocarburants à l’échelle mondiale, l’ordre de grandeur est à peu près 10 % de la consommation actuelle d’énergie. On pourra faire peut-être un peu plus. Tout dépend des conditions dans lesquelles on exploite cette biomasse. Mais en tous les cas, on ne couvrira pas 50 %, ou plus, de la demande mondiale en énergie avec la biomasse et les biocarburants.

Par exemple, dans l’usage aéronautique, où l’on a moins de solutions de substitution au carburant liquide, le potentiel de croissance de cette consommation s’élève à des ordres de grandeur aux alentours de 500 Mtep qui sont de l’ordre de

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grandeur du potentiel de biocarburants de deuxième génération.

En quelques mots, je dirais qu’à mon avis, on a intérêt à focaliser l’usage de la biomasse sur des usages pour lesquels il existe moins de solutions de substitution ou d’alternatives. Évidemment, la règle numéro 1, c’est d’économiser toute l’énergie qu’on peut, et développer les filières électriques et hydrogène.

Règle numéro 2, regarder comment on peut favoriser le déploiement des biocarburants dans des types de transport qui en ont besoin. Règle numéro 3, développer des modes de conversion à rendement maximal. La biomasse est une ressource renouvelable, mais qu’il faut exploiter de manière durable. Et il faut s’assurer que dans le mode de fabrication des carburants eux-mêmes, on a le rendement de conversion maximal. Et puis après, également avoir un mode de conversion maximal dans le véhicule. Et là, l’hydrogène peut jouer également un rôle en complément des biocarburants.

M. Joseph Beretta, président de l’AVERE-France. L’AVERE-France est l’association pour la mobilité électrique. Je vais vous expliquer comment la mobilité électrique traite les enjeux de l’énergie dans les transports.

L’électricité est un vecteur énergétique et l’on peut effectivement fabriquer et mettre à disposition de l’électricité par tous les moyens qui ont été cités : l’éolien, la biomasse, ou autres. Il faut tenir compte de l’écosystème.

On se projette sur un véhicule qui doit être à 2 litres/100 km, et aujourd'hui, le véhicule électrique, c’est un véhicule à moins de 2 litres/100 km, à moins de 2 euros/100 km, et tout ce qui nous manque, c’est de le rendre accessible à tous. Il va falloir se concentrer sur le grand enjeu de la réduction du coût de ces nouvelles technologies, et donc du coût de l’électrification du véhicule. Parce que la mobilité électrique, ce n’est pas seulement le véhicule électrique à batterie, c’est aussi toutes les déclinaisons hybrides.

Voilà les grands défis de demain. Les véhicules électriques ou à batterie présentent un autre avantage : ils pourront stocker de l’énergie électrique à travers les smart grids, si tout cela se met en place progressivement.

Mme Fabienne Keller. On pourra peut-être aller plus loin sur les smart grids, pour voir si l’investissement vaut le coup.

M. Joseph Beretta. Tout à fait. Il faut y réfléchir prudemment, mais il faut le prendre en compte dès aujourd'hui.

M. Denis Baupin, député, co-rapporteur. Pour vous, c’est tout électrique, hybride ?

M. Joseph Beretta. Cela ne peut pas être tout électrique. Dans l’écosystème dont j’ai parlé, il y a aussi l’usage qu’on doit faire de la mobilité.

L’électrique est limité par son autonomie. Si l’on veut des usages qui sortent des

villes ou des courtes distances, il faut jouer avec l’hybride dans toutes ses déclinaisons. Il faut vraiment adapter la solution technologique à l’énergie disponible et à l’usage.

M. Dominique Herrier, IFP énergies nouvelles. Je représente le secteur Transport de l’IFP. Je souhaite intervenir sur trois points pour rappeler les leviers qui permettront d’améliorer le bilan énergétique des véhicules.

Traditionnellement, on peut penser à la voie technologique, c'est-à-dire les leviers relatifs à la motorisation. En particulier, il faut rappeler que les motorisations conventionnelles ont encore des potentiels d’amélioration très importants.

Un deuxième point important qui vient d’être mentionné, c’est l’électrification du véhicule, avec un potentiel d’amélioration qui est extrêmement intéressant par rapport à ce qui existait jusqu'à présent avec les motorisations conventionnelles. Il faut absolument investir sur ce levier au plan des innovations.

Bien sûr, il y a beaucoup de difficultés à résoudre, que ce soit au niveau du stockage de l’énergie à bord du véhicule ou des différents composants électriques qui seront nécessaires pour alimenter et équiper ces différents véhicules. Il y a beaucoup de travaux dans ce domaine.

Je voulais aussi mentionner les carburants. N’oublions pas les carburants alternatifs « bas carbone », qui ont été mentionnés, notamment les biocarburants de génération 2, mais aussi le gaz naturel et le biogaz qui ont également été précisés. Je pense que le potentiel est conséquent. Par exemple, l’utilisation du gaz naturel sur un véhicule conventionnel représente d’emblée plus de 20 % de gains en termes d’émission de CO2. En le couplant à l’électrification, on peut avoir un gain encore plus important.

Un troisième point me paraît essentiel, c’est l’éco-conduite, ou plus exactement tout ce qui permet d’améliorer non seulement l’utilisation du véhicule, mais aussi la gestion du trafic. Là aussi, cela représente un potentiel conséquent, qu’il ne faut pas oublier, à travers tous les outils qui permettront d’optimiser l’utilisation du véhicule suivant son usage, de façon à améliorer et optimiser l’énergie à bord de ce véhicule et dans son environnement.

Mme Fabienne Keller. Les agro-carburants, M. Jeanroy ?

M. Alain Jeanroy, directeur général, Confédération générale des betteraviers. Je parlerais plutôt des biocarburants, si vous le permettez.

Mme Fabienne Keller. Comme vous voulez.

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M. Alain Jeanroy. La politique française en matière de biocarburants a été initiée dans les années 90, je le rappelle, notamment avec la production et l’incorporation d’abord de TPE dans les essences. Elle a ensuite été accélérée à partir de 2005, en écho à la directive « Promotion des biocarburants » qui a été adoptée par l’Union européenne en 2003, fixant des objectifs indicatifs à 5,75 %.

Cette politique répondait à deux objectifs : réduire les émissions de gaz à effet de serre et réduire les dépenses énergétiques de l’Union européenne.

Ces objectifs restent pleinement d’actualité – et d’ailleurs les thématiques de cette table ronde l’illustrent –, avec l’adoption du « Paquet Énergie-Climat » en 2009, et notamment la directive européenne sur les énergies renouvelables (ENR) qui établit l’objectif contraignant, d’une part, de 10 % d’énergies renouvelables dans les transports en 2020, et l’objectif du Grenelle, d’autre part, de 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie du pays.

C’est pourquoi il importe de poursuivre l’impulsion donnée voilà maintenant huit ans. Les filières françaises ont répondu en investissant massivement : 1 milliard d’euros par filière, et en créant, ou en maintenant, des milliers d’emplois dans notre pays : 8 900 emplois directs, indirects et induits pour la seule filière éthanol.

La France occupe aujourd'hui les tout premiers rangs européens. En matière de production de bioéthanol, elle est à la première place, loin devant l’Allemagne ou l’Espagne. En matière de production de biodiesel, elle occupe le deuxième rang derrière l’Allemagne.

Le bilan environnemental a été totalement mis à jour en 2010 sous l’égide de l’ADEME, avec des résultats probants, tant en termes de réduction des gaz à effet de serre que d’efficacité énergétique. Depuis 2010, des critères de durabilité ont été imposés par Bruxelles : réduction minimale des gaz à effet de serre, statut des terres utilisées, protection de la biodiversité et des forêts primaires. Le respect de ces critères est effectif, documenté par une certification exemplaire en matière de durabilité.

Reste la question du changement d’affectation des sols indirect, qui est en cours d’instruction à Bruxelles sur la base d’une proposition de directive faite par la Commission européenne en octobre 2012. Malheureusement, vous savez qu’aucun expert international n’a le même avis.

Dès lors, on peut considérer que les biocarburants ont fait la preuve qu’ils répondent en tous points aux objectifs qui leur ont été fixés.

En ce qui concerne la concurrence avec l’alimentation, rappelons ici deux éléments d’importance : la production française d’éthanol nécessite d’y consacrer seulement 1 % de toutes les surfaces agricoles. Chaque hectare

apparemment consacré au biocarburant fournit en moyenne l’équivalent d’un demi-hectare pour l’alimentation animale. Il y a donc complémentarité et non pas opposition.

Depuis 2010, l’objectif d’incorporation est fixé à 7 % et il peine à être atteint, en particulier par l’éthanol, alors que tous les moyens sont réunis pour que ce soit le cas. Je vous rappelle qu’il existe un certain nombre de dispositifs visant à rendre obligatoire cette incorporation.

Nous étions prêts à faire des investissements en 2012.

Malheureusement, ces investissements dans de nouvelles unités de production, avec des créations d’emplois en zone rurale, ont été arrêtés, du fait de la décision de la France de faire une pause. Jusqu'à quand ? Je ne le sais pas.

La voie des biocarburants est donc à ré-explorer pour permettre d’apporter des réponses aux grands enjeux dans les secteurs des transports. Les objectifs établis pour 2020 doivent bien sûr être préparés dès aujourd'hui. Et j’ajoute qu’il n'y aura pas de deuxième génération sans la première génération. Je pense que ce point est très important. Nous-mêmes, qui avons investi des milliards d’euros dans la production de biocarburants en France, nous sommes dans la deuxième génération.

Un autre point doit également ne pas être oublié. La France pourrait avoir un rôle stratégique à l’avenir, en devenant la productrice de référence de biocarburants en Europe.

Mme Fabienne Keller. Merci pour cette présentation très complète.

M. Joël Pedessac ?

M. Joël Pedessac, directeur général, Comité français du butane et du propane (CFBP). Juste une petite présentation des GPL. Je représente les distributeurs de gaz, et en gros les producteurs. Les GPL, ce sont seulement deux molécules parmi plusieurs centaines de molécules dans le gazole et dans l’essence.

Ces deux molécules sont le butane et le propane qui sont utilisés indifféremment dans trois domaines : les combustibles pour le chauffage, les usages domestiques ou tertiaires ; le carburant qui représente 10 % des usages au niveau mondial ; la production d’éthylène, c'est-à-dire les matières plastiques dans les vapocraqueurs.

Étant liquides à température ambiante, ces gaz ont tous les avantages et les attraits à la fois des énergies liquides en termes de stockabilité, de transport et de densité énergétique, et des gaz en termes de combustion plus propre, moins de CO2, de NOx et de particules.

Les GPL représentent 2 % de l’énergie primaire au niveau mondial et 1,2 % au niveau français. En France, il y a 10 millions d’utilisateurs, principalement dans les secteurs domestiques et tertiaires, et seulement

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200 000 utilisateurs de GPL carburant en France, contre 21 millions dans le monde.

La puissance développée par les installations GPL en France représente l’équivalent de 30 EPR. C’était une petite anecdote.

M. Denis Baupin. Pouvez-vous développer ?

M. Joël Pedessac. Quand on met une bouteille de gaz ou une citerne chez un client, cette installation fournit de l’énergie et de la puissance. Une plaque à gaz représente 2 à 3 kW de puissance. Si vous faites la somme de ces installations chez les 10 millions de consommateurs, la puissance que vous fournissez instantanément, au moment où les gens cuisinent ou allument leur chaudière, représente l’équivalent de 30 EPR en puissance. Pas en production d’énergie.

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