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3.2 Choisir des scientifiques

3.2.4 Sortir des amphithéâtres Darboux et Hermite

En captant ces invités, les dirigeants de l’IHP visent clairement à doter cet institut d’une légitimité scientifique sur une échelle internationale. Mais ces dirigeants s’assurent également de la valorisation des contenus scientifiques en communicant autour de ces conférences. Tout d’abord, le programme de ces conférences est communiqué par un sys- tème d’affichage. Ensuite, les Annales de l’Institut Henri Poincaré rendent public les contenus de 62 des 108 conférences (57 %). Ce journal permet ainsi de projeter la légiti- mité scientifique de l’IHP à une échelle au moins nationale et contribue à valoriser certains contenus scientifiques présentés dans les amphithéâtres de cet institut.

Ce journal paraît avec le sous-titre « recueil de conférences et mémoires de calcul des probabilités et physique théorique. » Ainsi, outre les conférences organisées par l’IHP, ces Annales visent également à publier d’autres textes, spécifiquement dédiés au calcul des probabilités et à la physique théorique. Quatre textes sont publiés sans avoir fait l’objet d’une conférence à l’IHP : Simon Stoïlow, « Les propriétés topologiques des fonctions analytiques d’une variable » (1932)735, Jan Schouten, « La théorie projective de la re- lativité » (1934)736, Louis de Broglie, « Passage des corpuscules électrisés à travers les barrières de potentiel » (1933)737 et Richard von Mises, « Les lois de probabilité pour les fonctions statistiques » (1936)738.

Cette publication ne fait pas partie des missions de l’IHP telles qu’elles sont définies 735. Conférence organisée par la faculté des sciences, voir Annales de l’Université de Paris, 1932, « en- seignements donnés par des savants étrangers », p. 3.

736. Conférence organisée par la faculté des sciences, voir Annales de l’Université de Paris, 1935, « En- seignements donnés par des savants étrangers », p.3.

737. Cours donné en 1931-1932 par Louis de Broglie à la chaire de TP pour laquelle il est maître de conférences.

3.2. Choisir des scientifiques

dans ses statuts. En particulier, il n’est pas prévu de personnel ou de financement pour travailler sur ce journal. Cette situation explique sans doute qu’aucune archive relative à ce périodique n’est conservée dans les archives de l’IHP. Les PUF assurant la publication, il reste à chercher du côté des archives de cette maison d’édition pour essayer de trouver des informations détaillées, ce que nous n’avons pu faire739.

Pour autant, les archives de l’IHP donnent sporadiquement des informations sur ses Annales. Les dossiers d’invitation mentionnent parfois « une rédaction [des] conférences » pour être publiée. Les traces d’une telle demande sont rares et sont visibles lors de l’invi- tation envoyée par Mme Fournier ou dans les réponses à une invitation. Les informations glanées permettent d’affirmer que ce périodique est vraisemblablement envisagé à partir de novembre 1929. En effet les premières demandes de rédaction, sont lancées en dé- cembre 1929. En particulier, Paul Lévy écrit à Mme Fournier le 30 avril 1930 : « je ferai très volontiers la rédaction [que le comité de direction] me demande. Toutefois, comme je n’avais pas prévu que j’aurai à rédiger ma conférence, il me faudra quelque temps. » Il semble donc qu’on demande à Lévy d’écrire sa conférence près d’un an après l’avoir faite et sans le lui avoir demandé au préalable. Au demeurant il semble plausible que toutes les conférences publiées ne soient pas rédigées par les conférenciers eux-mêmes. En particulier Fermi écrit à Mme Fournier le 15 décembre pour renvoyer le manuscrit de ses conférences et la remercier « d’avoir [pris soin de]740 la rédaction française de ce que j’ai dit », suggé- rant ainsi que la publication est en fait issue d’une prise de notes de Mme Fournier lors de la conférence, même si aucune mention n’est faite à ce sujet dans le numéro des AIHP. Les échanges lors des invitations montrent qu’au plus tard en août 1936, Alexandre Proca (1897-1955)741 assure le rôle de secrétaire de rédaction. La première trace de Proca que nous avons trouvée742, concerne l’édition de la conférence de Bruno de Finetti743. En août 1936, Proca écrit à De Finetti pour lui signaler qu’il n’a pas reçu le manuscrit de sa 739. Nos échanges avec Valérie Tesnière n’ayant pas encore pu aboutir à une consultation des archives des PUF, les archives de cette maison d’édition étant en cours de transfert au moment de nos recherches. 740. « Je vous envoie le manuscrit des conférences que j’ai fait à l’Institut Henri Poincaré. Je vous remercie beaucoup d’avoir curé la rédaction française de ce que j’ai dit. » Lettre de Fermi à Fournier, 15 décembre 1929, Bibliothèque de l’IHP, Dossier Fermi.

741. Alexandru Proca est physicien. Il naît et fait ses études en Roumanie. Il arrive à Paris en 1923. Il obtient une licence à l’université de Paris en 1924. Il travaille à l’Institut Curie de 1925 à 1927. Il obtient la nationalité française en 1931. Il soutient une thèse de physique en 1933. Il obtient une bourse Rockefeller et passe un an en Allemagne et quelques mois à Copenhague. Il revient en suite à Paris.

742. Nous n’avons pas trouvé d’archives concernant les Annales. Nous n’avons non plus réussi à accéder aux archives des PUF où sont publié les volumes.

conférence de mai 1935744. Ce manuscrit arrive finalement en novembre. Au cours de ces échanges, Proca demande la rédaction d’introduction et de transition entre les différentes parties. Il propose également des corrections et des compléments. En l’absence de titre général donné par de Finetti, il fait une proposition. Néanmoins Proca affirme que « notre principe est de ne jamais toucher au texte des auteurs ; nous nous permettons simplement de leur signaler les points où eux-mêmes seraient d’accord pour apporter certaines modi- fications et nous leur proposons une version nouvelle. » Il ajoute que « l’habitude ayant prévalu de ne pas donner aux articles des Annales la forme de conférences lesquelles dé- butent toutes par des remerciements ; vous les rétablirez sur les épreuves si vous le jugez nécessaire. » Proca est également mentionné au moment de l’invitation de Max Born en février 1937. En janvier 1938, Borel précise à Birkhoff que Proca est le « secrétaire de la rédaction ». Proca assure certainement un travail de liaison mais il semble également disposé à assurer des traductions. Ainsi Max Born demandant de l’aide pour la version française du texte se voit proposer l’intervention de Proca. Il semble également disposé à aider van Vleck pour la version française de son texte en avril 1939.

3.3 Le positionnement disciplinaire l’IHP : des stratégies différenciées