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3.1 Construction et fonctionnement de l’Institut Henri Poincaré

3.1.2 Un centre de recherche et d’enseignement

La Fondation Rockefeller, par le biais de l’IEB, intervient donc suivant un agenda spécifique. Or, elle intervient à un moment où le calcul des probabilités connaît un déve- loppement remarquable à Paris, principalement grâce à l’engagement de Borel. De sorte que ce projet d’institut s’insère dans la politique scientifique du mathématicien concer- nant le développement de la stochastique à Paris. Comme nous l’avons vu, depuis 1920 Borel défend un enseignement mathématique des probabilités au sein de l’université de Paris en tant que professeur562 et soutient les publications de recherches sur les proba- bilités en tant qu’académicien563. En ajoutant le lancement du projet éditorial du Traité du calcul des probabilités et des ses applications, Borel contribue à initier et structurer

558. [Siegmund-Schultze, 2001, p. 27 – 30] 559. [Siegmund-Schultze, 2001, p. 58] 560. [Siegmund-Schultze, 2001, p.38 – 42] 561. [Siegmund-Schultze, 2001, p.143 – 185] 562. Voir chapitre 1, p. 10-28. 563. Voir chapitre 2, p. 67-86

une dynamique scientifique autour des probabilités à Paris564. Ajoutons à cela, que Borel s’engage activement dans la statistique, notamment au sein de la SSP565. En outre cette dynamique est en partie alimentée par des travaux scientifiques développés hors de Paris et hors de France.

L’élaboration du projet et la construction de l’IHP se déploient entre 1926 et 1928. En prenant comme angle d’analyse le point de vue de l’IEB, Siegmund-Schultze566 met en évidence le rôle joué par Borel dans la négociation avec l’IEB entre mai 1926 et janvier 1927. Au cours de cette période un projet d’institut est conçu et se cristallise sur le modèle d’un institut de la faculté des sciences dédié aux mathématiques et à la physique mathématique, rassemblant deux chaires, organisant des conférences et prenant siège au sein d’un nouveau bâtiment rue Pierre Curie qui est construit entre 1927 et 1928.

Les archives de l’université de Paris concernant l’IHP signalent toutefois que les négo- ciations mobilisent d’autres acteurs. Les discussions avec l’université de Paris, le doyen de la faculté des sciences (Charles Maurain) et les banquiers de Rothschild Frères, conduisent à définir l’IHP comme un institut de faculté et à préciser ses missions d’enseignement et de recherche. En particulier la question de la charge financière représentée par cet institut constitue un point d’achoppement qui façonne l’insertion de l’IHP au sein de l’univer- sité et de la faculté des sciences. Par ailleurs, la définition de l’activité de cet institut, progressivement élaborée au cours de cette période, inclut à la fois un enseignement (lié à deux chaires) et une présentation de recherches contemporaines (conférences faites par des savants français ou étrangers). De façon remarquable, le périmètre scientifique couvert par les conférences est abordé dans une formulation plutôt vague.

Nous revenons donc sur la question de la conception de cet institut en mobilisant les archives de l’IHP. Une partie des informations est tirée des comptes rendus des conseils de la faculté des sciences de Paris567 et des archives concernant les instituts au sein de l’université de Paris568. Nous avons également repris les archives de cet institut aux archives nationales569 et à la bibliothèque de l’IHP. L’ensemble de ces documents donne des informations sur le processus de création de cet institut du point de vue de l’université

564. Voir chapitre 2, p. 67-86. Voir également [Bustamante et al., 2015]. 565. Voir chapitre 1, p. 37. Voir également[Mazliak, 2010a].

566. [Siegmund-Schultze, 2001].

567. AJ/16/5124B, conseils de la faculté des sciences de Paris, janvier 1929 - décembre 1932 séance du 12 février 1931

568. AJ/16/5775 569. AN 20010498/130

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de Paris et de sa faculté des sciences. Enfin, pour rendre compte du point de vue de l’IEB, nous utilisons les documents et analyses publiés par Siegmund-Schultze570.

Un institut dédié à la physique et aux mathématiques

L’idée de créer un institut dédié à la physique et aux mathématiques apparaît en mai 1926 et semble suscitée par le mathématicien étasunien George Birkhoff (1884-1944). Une lettre de Paul Montel (1876-1975)571 mentionne une conversation avec cet homologue en mai 1926 dans laquelle ce dernier évoque son souhait de créer un institut à Paris orienté de façon équitable entre la physique et les mathématiques572. En réponse, Montel propose de rassembler « à un déjeuner différentes personnalités du monde des mathématiques et de physique mathématique »573. Il se tient au Cercle de la Renaissance, rue de Poitiers, en présence de Birkhoff, Borel, Élie Cartan, Hadamard, Ernest Vessiot (1865-1952) et Montel.

Le 29 mai 1926, Borel et Birkhoff se rendent dans le bureau de Trowbridge. D’après le memorandum rédigé par Trowbridge574, la discussion lors du dîner du 27 mai porte sur les moyens pour « renforcer le groupe de mathématiques, de physique mathématique et de physique à Paris »575. Une solution avancée lors de la discussion consiste en la création d’un nouvel institut. Borel envisage notamment un petit institut rue Pierre Curie, où se trouvent les nouveaux laboratoires de J. Perrin et Marie Curie (1867-1934) ce qui permettrait de « créer une liaison rapprochée entre les groupes de mathématiques et de physique et ainsi permettre de revitaliser en quelque sorte les départements notablement plus faibles que le département de mathématiques pures »576.

Plus précisément, l’institut se limiterait à un bâtiment modeste constitué « d’un am- phithéâtre, d’une bibliothèque dédiée aux mathématiques et à la physique, et de quelques

570. [Siegmund-Schultze, 2001].

571. Lettre du 20 juin 1944 de Paul Montel à Monsieur Guillet, reproduite dans [Siegmund-Schultze, 2001, p. 251 – 252].

572. « he would be happy to create one [institute] in Paris as well, one which would have to be oriented equally towards Mathematics and Physics »[Siegmund-Schultze, 2001, p. 251].

573. « I proposed to him gathering at a dinner [déjeûner] different personalities of the worlds of mathe- matics and mathematical physics »[Siegmund-Schultze, 2001, p. 251].

574. Voir [Siegmund-Schultze, 2001], appendice 4 p. 251, appendice 5 p. 253 et p.156 et suivantes. 575. « Memorandum of conference in office with Emile Borel mathematician, University of Paris », Augustus Trowbridge, 29 Mai 1926, [Siegmund-Schultze, 2001, p. 253-255].

576. « this would bring about a closer liaison between the Mathematical and Physical groups and would serve to re-vitalize somewhat the departments which are distinctly weaker than the department of Pure Mathematics. »[Siegmund-Schultze, 2001, p. 253].

bureaux pour les professeurs »577. Borel souligne au passage l’exiguïté des locaux de la Sorbonne, en particulier pour les professeurs de mathématiques578. Il mentionne égale- ment la création de « trois ou quatre nouvelles chaires de physique mathématique, de mathématiques appliquées, etc. »579

Devant ce projet, le directeur du bureau parisien de l’IEB se montre inquiet sur deux points. Tout d’abord, il estime que la question de la situation monétaire de la France est « extrêmement importante »580. Mais Borel semble avoir anticipé cette inquiétude et il se montre particulièrement persuasif quant à l’amélioration de cette situation. La seconde inquiétude porte sur le niveau scientifique et renvoie à la formule de Wickliffe Rose : « to make the peak higher ». En effet Trowbridge s’inquiète de l’absence d’ « hommes d’exception »581 et Borel, malgré ses efforts, ne se montre pas suffisamment convaincant. Un première formulation : un projet parisien.

Cela étant, le 10 juin 1926, Borel présente une nouvelle version du projet d’« Institut de mathématiques et de physique mathématique » au conseil de la faculté des sciences. Ce projet est ensuite présenté, et adopté, au conseil de l’université le 28 juin 1926582. Dans le procès verbal de cette séance, on trouve des précisions et des modifications de l’ébauche initiale. Dans ce nouveau projet, il est question de créer une seule chaire et deux maîtrises de conférences et de financer 100 conférences. En outre ce projet inclut la construction d’un bâtiment sur les terrains inoccupés de la rue Pierre Curie qui appartiennent à l’université de Paris, réservé à la faculté des sciences pour les services de chimie.

L’introduction des conférences propose une solution aux inquiétudes de Trowbridge. En effet, le coût envisagé par conférence étant de 300 frs, l’ensemble constitue un budget 577. « He thinks that a small and very modest building on the site of the new University centre here in Paris would be advisable, something with one lecture room, library space for a technical library in Mathematics and Physics and a few offices for professors. »[Siegmund-Schultze, 2001, p. 254].

578. « Each man had a right to part time in an office, but three or four men were sometimes occupying the same cramped quarters for conferences with graduate and other students. »[Siegmund-Schultze, 2001, p. 254].

579. « foundation of three or four new chairs in Mathematical Physics, Applied Mathematics, etc. »[Siegmund-Schultze, 2001, p. 254]

580. « extremely important questions », [Siegmund-Schultze, 2001, p. 254].

581. « It did not appear to AT. at the end of this discussion that any very outstanding men were available, but on the whole Borel’s contention seems sound that several of the better men, who are now giving only one third, or even less of their time to research work or directing the studies of research students in Mathematical Physics, Physics and even in Pure Mathematics, could be drawn in for full time work were chairs for them available. » [Siegmund-Schultze, 2001, p. 254].

582. AN 20010498/130, dossier « Création et fonctionnement », extrait du procès verbal du conseil de l’université du 28 juin 1926.

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équivalent au financement de deux nouvelles chaires583. Mais dans la mesure où le dédom- magement des conférenciers n’est pas légalement encadré, il est potentiellement facile de réviser ce montant en cas de contraction du budget. Par ailleurs le nombre important de ces conférences autorise un renouvellement plus rapide des candidats en comparaison de celui d’une maîtrise de conférences ou d’une chaire. Les conférences permettent donc de faire intervenir ponctuellement des scientifiques qui ont développé une expertise sur un sujet précis, répondant ainsi à l’injonction d’élitisme formulée par Trowbridge. Néanmoins le texte présentant le projet donne très peu de précisions sur les conférences. Il n’explicite pas les intentions sous-tendant l’introduction des conférences, leur forme, le public envi- sagé, le profil des conférenciers envisagés et encore moins le périmètre scientifique qu’elles recouvrent.

La localisation envisagée fin mai 1926 s’inscrit également dans l’effort de réponse à l’injonction d’élitisme. Au demeurant cette localisation s’inscrit clairement dans une politique urbaine de développement scientifique de la faculté des sciences qui investit certains quartiers de la ville où se multiplient des instituts spécialisés. Or Borel propose d’implanter le futur institut rue Pierre Curie à proximité de l’ENS, en face du laboratoire de chimie-physique créé en 1922 (inauguré en 1926) pour Jean Perrin et à côté de l’Institut du radium, créé en 1909, pour Marie Curie (prix Nobel en 1903 et 1911). L’emplacement envisagé de l’« Institut de Mathématiques et Physique mathématique » situe, à dessein, le projet dans un cadre scientifique parisien de haut niveau, au sommet de la montagne Sainte Geneviève où se concentre toujours plus de crédit scientifique (au sens financier et social). Cette implantation géographique cherche certainement à renforcer le niveau scientifique du public des conférences (potentiellement les chercheurs des institutions scientifiques voisines) et des conférenciers, contribuant donc à en assurer l’importance scientifique.

Enfin le document précise que les domaines d’activité de l’institut sont les mathé- matiques et la physique mathématique. Cette définition disciplinaire peut donc suggérer que les conférences doivent porter sur l’un ou l’autre de ces domaines, mais rien n’est précisé. De plus la nouvelle chaire (à créer) et les deux maîtrises de conférences appa- raissent uniquement dans le budget prévisionnel et aucun élément ne permet d’affirmer leur orientation disciplinaire (ni même leurs liens éventuels). Ainsi le document définit très lâchement l’orientation scientifique de ce futur institut en le décrivant à l’aide de dénomi-

nations disciplinaires larges ou en ne donnant pas de précisions. En outre à aucun moment le texte présenté par Borel ne précise la relation de cette orientation scientifique avec les activités envisagées de l’institut, ou la relation entre les conférences et l’enseignement.

Lorsque Birkhoff rend compte de son séjour en Europe en septembre 1926 à Trow- bridge, il donne des précisions sur le projet des conférences. Il mentionne que « le plan fait appel à un grand nombre de conférences faites par des mathématiciens français de province joint à un financement substantiel, ce qui devrait aider considérablement à re- vitaliser les universités provinciales de France dans les domaines des mathématiques et de la physique »584. Il s’agit de la première indication de la fonction des conférences : être un levier de développement scientifique des mathématiques et de la physique dans les universités de province. Il donne au passage une première précision sur les candidats envisagés et réaffirme le principe d’un financement interne de ces conférences.

Birkhoff ne précise ni la forme de ces conférences ni la logique qui prévaut au déve- loppement des universités de province. Pense-t-il que des conférences à Paris pourraient contribuer à une meilleure reconnaissance en France ou à l’étranger des recherches faites en province ? Les conférences ont-elles pour but de faire profiter les scientifiques de pro- vince de l’expertise scientifique des savants parisiens ? Le financement fait-il partie du processus de « revitalisation » des universités de province ? Quelle que soit la logique sous-jacente, il semble qu’à ce stade le projet d’institut soit indissociable de la mise en place d’un système de conférences caractérisées par leur grand nombre, leur perspective géographique nationale et un financement intégré à celui de l’institut.

Birkhoff précise au passage que le périmètre des conférences inclut les mathématiques et la physique. Il souligne qu’ainsi les conférences sont susceptibles de « rapprocher les mathématiques et la physique et ainsi de renforcer le développement de la physique à Paris. »585 Mais il ne précise pas comment le rapprochement entre les deux diciplines est susceptible de renforcer la physique (et seulement la physique), ni même s’il s’agit d’un renforcement de toute la discipline ou seulement de quelques sous-disciplines. Il laisse toutefois apparaître la visée locale parisienne de ces conférences.

Par ailleurs, Birkhoff ne mentionne ni la création d’une chaire, ni celle des deux maî- 584. « the plan calls for a large number of lectures by French mathematicians from the provinces with substantial stipends attached, and this ought to aid greatly in revitalizing the provincial universities of France in the fields of mathematics and physics. » G. Birkhoff, Final General Memorandum for Dr. A.Trowbridge, 8 septembre 1926 reproduit p.269 dans [Siegmund-Schultze, 2001], Annexe 7, p.265–271.

585. « to bring a closer relation between Mathematics and Physics and in this way to strengthen the development of Physics at Paris. »[Siegmund-Schultze, 2001, p. 269].

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trises de conférences. La nature même du document oriente certainement le propos de Birkhoff. Ayant pris une part « intime [...] en tant que mathématicien »586 dans ce pro- jet d’institut, et souhaitant le défendre, Birkhoff souligne ce qui lui semble susceptible d’être valorisé par l’IEB. En l’occurence, il présente un projet à la hauteur des exigences spécifiques de la fondation : élévation du niveau de la recherche et décentralisation de la recherche. Ainsi l’absence de détail sur l’enseignement peut-être un choix rhétorique plutôt qu’une omission par négligence.

Une seconde version du projet : un institut parisien international

Entre septembre 1926 et décembre 1926, le projet d’institut s’oriente vers une interna- tionalisation des conférences. Ainsi le 23 décembre 1926587, Trowbridge écrit à Borel pour lui faire, sur sa demande, un résumé de leur rencontre de la vieille. Il y rappelle que le projet présenté par Borel comprend deux parties. Une première partie consiste à l’érection d’un bâtiment visant à offrir un espace de travail pour les personnels de la faculté des sciences du groupe de mathématiques et de physique mathématique. La deuxième partie porte d’une part sur la création d’une nouvelle chaire et de deux nouvelles maîtrises de conférences, d’autre part à une dotation pour « inviter [à] Paris des professeurs français de la province ou des professeurs étrangers pour faire des cours ».

Nous ignorons comment Borel en est arrivé à formuler la proposition d’inviter des savants étrangers. Notons cependant que celle-ci augmente le panel de candidats et au- torise des exigences plus strictes en termes scientifiques. Ce faisant, elle répond d’autant mieux à l’exigence d’élitisme scientifique exprimée par Trowbridge. En outre cette nou- velle formulation place la venue de savants étrangers dans le cadre d’un séjour, offrant la possibilité de développer des réseaux de sociabilités scientifiques internationaux pour les scientifiques parisiens, en accord avec l’internationalisme défendu par la Fondation Rockefeller. Notons enfin que, présentées ainsi, les conférences semblent s’inscrire dans le dispositif d’enseignement, puisque ces savants viennent faire des « cours ».

Le périmètre scientifique couvert par l’institut s’étend sur deux domaines scientifiques a priori vastes : les mathématiques et la physique mathématique. Cet institut rassemble ainsi les scientifiques de la faculté des sciences de ces deux groupes et est désigné par 586. « The Paris project with which I had intimate connection at its very inception (not as a represen- tative of the Board in any sense but merely as a mathematician) [...] »[Siegmund-Schultze, 2001, p. 268].

« Institut de Mathématiques et de Physique mathématique ». Néanmoins le document ne précise pas dans quelle mesure ni comment les chaires, les maîtrises de conférences, ou même les cours donnés par les savants invités doivent s’insérer dans ce champ disciplinaire. Notons que le projet initial de dynamiser le groupe de physique n’est plus tout à fait lisible dans ce projet.

Par ailleurs Trowbridge informe Borel qu’il a prospecté officieusement au sein de l’IEB pour évaluer la réaction des « membres exécutifs » à ce projet. Sans s’en expliquer, Trow- bridge choisit de n’aborder que le premier point du projet, celui portant sur la construction d’un bâtiment. Il semble que ce projet paraisse inopportun au vu de la charge financière qu’il représente (ponctuellement et à long terme) mais Trowbridge présente le projet en formulant deux demandes. Tout d’abord il demande une dotation initiale couvrant le coût de construction qu’il estime à 86 850 $. Ensuite une dotation pour le matériel intérieur s’élevant à 39 600 $. Les membres exécutifs estiment que l’IEB peut s’engager à hauteur de 100 000 $ et que si l’université accepte, elle devra se charger de trouver, d’une source privée, les 25 000 $ restants. Enfin, les membres exécutifs de l’IEB semblent disposés à proposer une subvention de deux ou trois ans pour l’entretien du bâtiment.

Concernant la seconde partie du projet, Trowbridge se montre prudent. Il estime qu’il est « possible de supposer que le Conseil sera susceptible de s’intéresser à la seconde partie du projet ». Sa stratégie semble consister à assurer l’infrastructure matérielle avant de lancer le sujet du financement de l’activité de l’institut, estimant que cette seconde partie est une question qui « reviendra logiquement sur le tapis après l’érection de l’Institut ». On peut ainsi penser que cette seconde partie est bien moins problématique aux yeux de Trowbridge, malgré l’investissement financier qu’il représente.

Par ailleurs, à la fin de 1926, Borel propose que l’institut soit nommé « Institut Henri Poincaré » et demande si l’IEB s’opposerait à une telle dénomination588. Si les propos de Trowbridge rapportés par Siegmund-Schultze signalent qu’il ne voit là qu’un point de détail propre aux pratiques culturelles locales, pour Borel, nous y reviendrons, il n’en va certainement pas de même. Outre le prestige scientifique, Henri Poincaré a contribué à des courants de recherche, en particulier en physique mathématique, en physique et en mathématiques dans lesquels Borel s’est lui-même engagé589. L’attachement à la figure de Henri Poincaré comporte également une dimension nationale et internationale dans la

588. Voir [Siegmund-Schultze, 2001, p. 161].

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mesure où il jouit, même après sa mort, d’une reconnaissance scientifique au-delà de la France.

Financer le nouvel institut

La question du financement de ce projet permet de cerner les différentes intentions des acteurs engagés. De plus les négociations relatives à ces questions conditionnent la place de l’IHP au sein de l’université de Paris. Ainsi les conditions imposées par la Fon- dation Rockefeller, les inquiétudes du conseil de l’université, les suggestions faites par la