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3.1 Construction et fonctionnement de l’Institut Henri Poincaré

3.1.3 Un institut de faculté pour mener une politique scientifique

L’inauguration du bâtiment de l’IHP en novembre 1928 offre l’occasion d’expliciter le projet scientifique portée par cet institut. L’hommage rendu à Henri Poincaré per- met d’articuler différentes dimensions de cette politique : une politique sur la pratique du raisonnement scientifique, sur les domaines scientifiques à explorer et une diplomatie scientifique internationale. De plus ce projet scientifique est présenté à une foule rela- tivement éclectique de décideurs politiques et universitaires, reflétant les engagements politiques de Borel mais également l’ambition scientifique de l’IHP.

La rédaction des statuts, dont la forme définitive n’est adoptée qu’en 1931, offre l’oc- casion de redéfinir le projet scientifique sous-jacent à l’activité de l’IHP. Il est le fruit de la pratique des premières années de fonctionnement de cet institut. Au cours de ces premières années, un petit groupe de scientifiques se trouve en mesure d’expérimenter assez librement la pratique des conférences comme levier d’une politique scientifique. Discours d’inauguration : moment de synthèse et de prospection.

L’Institut Henri Poincaré est inauguré le 17 novembre 1928. Pour cette cérémonie, il semble qu’au moins 60 invitations aient été envoyées. Les archives de l’IHP606mentionnent ces invitations par les réponses des personnes invitées et par un bilan, sans doute rédigé par Maurain, des personnes acceptant ou déclinant l’invitation. L’étude de la liste des invitations que l’on peut reconstruire permet de discerner certaines motivations.

La plus manifeste concerne la volonté de rendre hommage à Henri Poincaré. Ainsi sa femme, sa fille et des membres de sa famille proche sont invités à la cérémonie. On trouve également Raymond Poincaré (1860-1934), cousin germain de Henri Poincaré et Président du conseil des ministres607.

La présence du président du conseil souligne la dimension politique de cette céré- monie, mettant en lumière la diplomatie universitaire vis-à-vis des dirigeants politiques locaux, régionaux et nationaux. On retrouve parmi la liste des représentants de différentes branches de l’État français. Le ministère de l’Instruction publique et des beaux-arts est re- présenté par son ministre, Pierre Marraud (1861-1958)608, son directeur de l’enseignement

606. AJ/16/5775, 20010498/130 607. AN 20010498/130

608. Politicien français dont une action remarquée à ce ministère est la loi de finance sur la gratuité de l’enseignement secondaire mise au vote le 16 avril 1930.

supérieur, Jacques Cavalier (1869-1937), et un inspecteur général de ce ministère. Le mi- nistère de la Guerre est représenté par son ministre Paul Painlevé, dont la présence tend à brouiller un peu plus la frontière entre le personnel609, le scientifique610 et le politique611. Le Conseil d’État est représenté par son vice-président, Clément Colson (1853-1939)612. On trouve également des élus nationaux : un député radical de l’Ariège (1919–1936), Pierre Cazals (1853-1946), les présidents du Sénat (Paul Doumer, 1857-1932) et de la Chambre des députés (Fernand Bouisson, 1874-1959). Enfin les élus et les politiques locaux sont représentés par le député de Paris, Louis Rollin (1879-1952) également président de la commission du commerce et de l’industrie, et le président du conseil général de la Seine, Paul Fleurot (1874-1946).

Les invitations s’inscrivent dans une diplomatie universitaire et scientifique613. Des représentants de la Fondation Rockefeller (George W. Babcock, Dr. Gregg) et de la Fon- dation Carnegie (Earl B. Babcock) sont invités et présents. La place des États-Unis est également assurée par Norman Armour (1887-1982), chargé d’affaires à l’ambassade des États-Unis d’Amérique, le directeur de l’American University Union in Europe, Paul Van Dyke (1859-1933), et son assistant. Des représentants d’universités étrangères, tous ma- thématiciens, sont présents : Théophile de Donder (1872-1957) de l’université libre de Bruxelles et Charles de la Vallée Poussin (1866-1962) de l’université de Louvain, Niels Nør- lund (1885-1981) de l’université de Copenhague et président de l’Académie des sciences du Danemark, Dimitri Pompeiu (1873-1954)614 de l’université de Bucarest et Georges Tzitzéica (1873-1939)615 de la faculté des sciences de Bucarest et président de l’Académie des sciences de Roumanie, Kyrill Popoff (1880-1966)616 de l’université de Sofia (Bulgarie). Les invitations traduisent la recherche d’un rayonnement national pour ce nouvel insti- tut. On compte parmi les invités des représentants d’université de province. Paul Sabatier (1854-1941), doyen de la faculté des sciences et membre de l’Institut, et Charles Camichel 609. Paul Painlevé et Borel sont d’anciens camarades de l’ENS. Ils entretiennent une relation personnelle très forte. Voir [Anizan, 2012, Pinault, 2017].

610. Paul Painlevé est un mathématicien.

611. Painlevé est un élu socialiste à la Chambre des députés.

612. Notons que Clément Colson est également membre du conseil d’administration de l’Institut de statistique de l’université de Paris. Voir chapitre 1, figure (1.2) p. 34. En outre il est inspecteur général des ponts et chaussées.

613. Notons immédiatement qu’aucun allemand n’est invité.

614. Pompeiu fait une partie de ses études à Paris, où il obtient un doctorat de mathématiques en 1905. 615. Tzitzéica fait une partie de ses études à Paris où il obtient un doctorat en 1899.

616. Qui travaille à l’observatoire de Nice en 1907, puis part à Paris. Il soutient une thèse à Paris en 1912, voir [Mazliak, 2011].

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(1871-1966), membre correspondant de l’Institut et directeur de l’institut d’électrotech- nique, représentent l’université de Toulouse. Louis Barbillon (1873-1945), professeur à la faculté des sciences et directeur de l’institut d’électrotechnique, représente l’université de Grenoble. Louis Bachelier (1870-1946), professeur à la faculté des sciences de Besançon, est invité mais décline pour des raisons de santé. Il n’est d’ailleurs pas anodin qu’il soit parmi les invités. En effet, comme nous le verrons plus bas, Borel envisage une place cen- trale aux probabilités dans ce nouvel institut. La présence à l’IHP d’un scientifique comme Bachelier constituerait un levier pour provoquer une dynamique autour des probabilités hors de Paris et correspond à la pratique de Borel, déjà évoquée précédemment617, de rassembler des scientifiques autour des probabilités618. En effet, Bachelier a soutenu une thèse sur les probabilités, présentant une première formalisation du mouvement brownien dans le cadre de l’étude des fluctuations boursières, devant un jury dont Henri Poincaré fut le président619.

Enfin les invitations traduisent la volonté de Maurain et certainement de Borel, d’in- tégrer le nouvel institut dans un réseaux d’institutions parisiennes. Bien sûr, la faculté des sciences de Paris est représentée par Paul Montel, Aimé Cotton (professeur à la chaire de théorie physique et de physique céleste en 1920, puis professeur de physique), Henri Andoyer (1862-1929, professeur à la chaire d’astronomie), Marie Curie (professeur de phy- sique générale et radioactivité), Charles Fabry (professeur de physique), sans compter la présence du doyen de la faculté des sciences et de Borel. Mais on compte également parmi les invités des représentants du Collège de France (Maurice Croiset, 1846-1935, administra- teur du Collège de France, et Paul Langevin, professeur de la chaire de physique générale et expérimentale), de l’Académie des sciences (Maurice Hamy, 1861-1936, président de l’Académie des sciences, Louis Mangin, 1852-1937, vice-président, Émile Picard, secré- taire perpétuel pour la division des sciences mathématiques, Alfred Lacroix, 1863-1948, secrétaire perpétuel pour la division des sciences physiques), de l’École polytechnique (Maurice d’Ocagne) et du Museum d’histoire naturelle de Paris (Louis Mangin également directeur du Museum), de l’École centrale des arts et manufactures (Léon Guillet, 1873- 1946). Des invitations sont envoyées au doyen de la faculté de droit (Henri Berthélemy, 1857-1943), à un membre de l’Académie de médecine (Pierre Teissier, 1864-1932) et au

617. Chapitre 1 et 2.

618. Nous n’avons pas trouvé de traces de Louis Bachelier à l’IHP entre 1928 et 1940. 619. Sur Bachelier, voir en particulier [Courtault et al., 2001].

directeur de Sainte Barbe (Paul Pierrotet, 1855- ?). Notons toutefois l’absence de membres de la direction de l’ENS.

Face à cette assemblée, Borel, Maurain, Picard et Pierre Marraud (ministre de l’Ins- truction publique) prennent successivement la parole. Leurs discours mettent l’accent sur l’héritage scientifique de Poincaré, les avancées dans le domaine de la physique mathé- matique et enfin sur les relations scientifiques internationales. La dimension nationale apparaît dans les hommages répétés à l’« école mathématique française ».

Le discours de Borel place Poincaré comme une référence scientifique pour les re- cherches futures censées être portées par l’IHP. Il commence son discours en rappelant qu’il occupe une chaire, la chaire de CPPM, « qui fut occupée pendant de nombreuses années par Henri Poincaré dont [il a] suivi l’enseignement et rédigé les leçons [lorsqu’il était] élève à l’École Normale. »620 En outre il place les travaux de son ancien professeur à la jonction de deux sciences, « dont l’origine est pour une grande partie française », le calcul des probabilités et la physique mathématique621. Il mentionne également que Jean Perrin et Paul Langevin participeront à la direction de l’institut et que « leurs noms sont un sûr garant que notre Institut restera digne du nom d’Henri Poincaré. ». Enfin, il place Poincaré comme un idéal scientifique qu’il formule en conclusion : « Tous ceux qui colla- borent ici pour la recherche de la vérité qui ne connaît point de frontières, s’attacheront à rester dignes de la pensée et des exemples d’Henri Poincaré, qui a consacré tout sa vie à la recherche pure et désintéressée du vrai. »

Pour sa part, Picard souligne l’ethos scientifique porté par Poincaré ainsi que la re- nommée qu’il apporte aux « mathématiques françaises » et donc au nouvel institut qui porte son nom. Il rappelle ainsi que Poincaré « voyait sans trop de regrets des théories succéder aux théories ; il semblait même trouver un malin plaisir à en signaler les dif- ficultés et les contradictions. C’est une des caractéristiques de son génie, qu’il réunit un prodigieux esprit d’invention à un esprit critique extrêmement aiguisé. »622. Il présente donc Poincaré comme un scientifique à la recherche du progrès par critiques successives 620. AN AJ/16/5775, Discours d’inauguration, Discours prononcé par M. Émile Borel à l’inauguration de l’Institut Henri Poincaré.

621. « Le calcul des probabilités et la physique mathématique sont deux sciences dont l’origine est pour une grande partie française. Faut-il nommer pour le calcul des probabilités : Fermat, Pascal, d’Alem- bert, Buffon, Laplace, Cournot, Joseph Bertrand, Henri Poincaré, et pour la physique mathématique : d’Alembert, Poisson, Ampère, Cauchy et encore Henri Poincaré. »

622. AN AJ/16/5775, Institut Henri Poincaré, Discours d’inaugurations, « Inauguration de l’Institut Henri Poincaré à la Faculté le Samedi 17 NOVEMBRE 1928 à 15h, Discours de M. Emile Picard »

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de théories considérées comme des approximations toujours plus précises de la réalité. Picard prévoit déjà que « les Maîtres éminents [...] sauront dans leurs cours joindre à l’audace que donne la jeunesse l’esprit critique auquel Henri Poincaré a dû tant de belles découvertes en Physique mathématique. » Il apparaît aux yeux de Picard que « le nom d’Henri Poincaré couvre de sa gloire le nouvel Institut. » Cette gloire semble d’autant plus éclatante qu’il est associé aux deux mathématiciens qui ont « le plus honoré les ma- thématiques françaises dans la seconde moitié du siècle dernier » : Hermite et Darboux. C’est sous ces noms prestigieux que, pour Picard, l’IHP peut poursuivre « la tradition d’ordre et de clarté de l’école mathématique française ».

Enfin Marraud souligne la portée nationale et internationale de la figure de Poincaré. Il affirme que « la valeur unique de Poincaré n’était contestée ni à l’étranger, ni même dans son propre pays. » Il cite également des propos qu’il attribue à Jules Tannery : « il [aime la vérité] passionnément pour elle-même, non pour les applications qu’on en peut tirer... Il aime la vérité, d’abord parce qu’elle est vraie, puis parce qu’elle est belle ... La beauté scientifique l’émeut et le réjouit profondément. » L’érection de ce « temple [...] élevé à la science » rend ainsi un hommage à Henri Poincaré. En outre le ministre rappelle la dimension morale de l’engagement scientifique de Henri Poincaré selon qui la recherche scientifique est une lutte « contre les forces aveugles » et « donne le sentiment de la coopération nécessaire, de la solidarité de nos efforts et de ceux de nos contemporains »623. Les discours mettent clairement en évidence que l’IHP s’inscrit dans une politique ur- baine du développement scientifique de la faculté des sciences et de l’université de Paris. Maurain commence ainsi son discours en plaçant l’IHP au sein d’un réseau d’institutions scientifiques parisiennes. En premier lieu, Maurain replace l’IHP au sein de la faculté des sciences de Paris en rappelant que le bâtiment de l’IHP a pour vocation d’accueillir les enseignements de mathématiques de cette faculté. Il mentionne également les autres insti- tuts de la faculté des sciences installés rue Pierre Curie : l’Institut de chimie, l’Institut du radium, le laboratoire de chimie-physique, le laboratoire de géologie appliquée, l’Institut de physique du globe et l’Institut de biologie en cours de construction. Marraud le re- joint sur ce point, signalant également que l’IHP se place « parmi les établissements [que l’Université de Paris] a édifiés depuis vingt ans au cœur de notre vieux quartier latin pour 623. AJ/16/5775, Discours d’inauguration, cité par le ministre dans « Discours prononcé par M. Pierre Marraud, ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts à l’inauguration de l’Institut Henri Poin- caré ».

compléter son organisation scientifique. »624 et ajoutant que cet institut « entretiendra avec les instituts voisins des relations amicales. Il s’élève parmi ses frères ; il leur prêtera appui et leur demandera conseil. » Ensuite, Maurain situe l’IHP au sein d’un réseau d’ins- titutions scientifiques parisiennes plus large. Tout d’abord le Collège de France, mentionné par Maurain, est représenté, comme le remarque Borel, au sein même de l’IHP puisque Paul Langevin, professeur de physique générale et expérimentale du Collège de France, est membre du comité provisoire de direction de cet institut625. La délégation envoyée par l’Académie des sciences et la prise de parole d’Émile Picard soulignent également la volonté d’une relation entre l’IHP et cette académie, assurée entre autre par Borel.

Au-delà de la dimension parisienne, les discours mettent en avant la dimension inter- nationale de l’IHP dans une perspective de coopération et de paix. Borel rappelle que l’IHP a pour vocation d’inviter des « savants étrangers ». Il espère que le concours de ces savants étrangers contribue à en faire un institut « véritablement international » et qu’ainsi il contribuera au « rapprochement des peuples en permettant à des savants de tous les pays de collaborer, de se connaître et de mieux se comprendre » rappelant qu’à ses yeux « la recherche de la vérité [...] ne connaît pas de frontière ». Borel signale également que l’IHP sera international par « les élèves qui y suivront ses enseignements. » De plus Borel, qui proposa d’appeler ce nouvel institut Institut Henri Poincaré, précise que seul Poincaré peut « symboliser aux yeux du monde entier cette école mathématique française dont le rayonnement a été si grand depuis un siècle. »

Marraud souligne également l’importance de la coopération scientifique internatio- nale en insistant sur le rôle de ce qu’il appelle le « nouveau monde ». Il commence son discours par des remerciements pour les libéralités de la Fondation Rockefeller. Il voit dans cette collaboration franco-étasunienne « une nouvelle marque de l’amitié qui unit les deux peuples. » Il envisage cet institut dans un réseau de collaborations « beaucoup plus large » avec « les organisations scientifiques internationales ». Il signale en parti- culier que la science se développe également dans le Nouveau monde : « en Amérique, au Japon, aux Indes ». Cet institut doit donc offrir un moyen de coopération et d’« en- tr’aide bienveillante ». Il en vient ainsi à formuler le vœu que « pour tous les peuples, le nouvel établissement deviendra la Maison des mathématiciens. » Il rappelle d’ailleurs 624. AJ/16/5775, Institut Henri Poincaré, Discours d’inauguration, « Discours prononcé par M. Pierre Marraud, Ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts à l’inauguration de l’Institut Henri Poin- caré ».

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que le choix de Paris semble historiquement pertinent, la montagne Sainte Geneviève attirant des étudiants de toute « Nation » depuis le Moyen-âge, effort d’attraction d’étu- diants internationaux poursuivi dans l’entre-deux-guerres par la construction de la Cité universitaire.

Concernant l’orientation scientifique, les discours de Picard, Maurain et Borel pro- posent graduellement un périmètre scientifique de plus en plus restreint. Picard signale l’importance de plus en plus pressante des développements mathématiques pour les avan- cées en physique, « l’analyse mathématique apparaît en effet de plus en plus comme un instrument indispensable aux progrès des théories physiques. » Il signale également que les théories modernes de la physique « ont été à l’origine d’importants travaux d’Analyse et de Géométrie infinitésimale ». Il estime donc que « les contacts, qui s’établiront ici entre les mathématiciens et les physiciens, ne pourront manquer d’être féconds. » Pour sa part, Maurain précise que l’IHP a pour vocation de constituer « un centre largement ou- vert pour l’enseignement et les études de mathématiques et de physique mathématique. » Mais il n’envisage la présence que de mathématiciens, voyant dans l’IHP un centre voué à devenir « la Maison des mathématiciens », affirmation réitérée à trois reprises dans son discours.

Enfin Borel précise que tout l’enjeu scientifique de l’IHP consiste à prolonger le rap- prochement entre le calcul des probabilités et la physique mathématique. Il affirme que le rapprochement entre ces deux disciplines s’est opéré à la fin du xixe, « les propriétés de la matière et de l’énergie qu’étudie la physique mathématique, [étant] soumises à des lois de probabilité, à des lois statistiques. » La création de l’IHP vient ainsi, selon lui, combler un manque à la faculté des sciences. Il concède que la création de la chaire de physique théorique et de physique céleste (issue de la transformation de théorie des fonctions lais- sée vacante par Borel en 1919626) et le cours libre de Louis de Broglie (1892-1987) ont contribué à combler partiellement cette lacune627. Mais la création de l’IHP a un but bien précis : « développer à la Faculté des sciences l’enseignement du calcul des probabilités et celui de la physique théorique. »

Enfin les discours de Borel et de Maurain rappellent les deux fonctions de l’IHP : assurer les enseignements de la chaire de CPPM et de TP (créée avec l’IHP) et organiser

626. Voir chapitre 1, p. 5-10.

627. Sur le rôle de Louis de Broglie dans le développement et la diffusion de la mécanique quantique en France, voir [Vila-Valls, 2012].

des conférences faites par des scientifiques venus de France ou d’autres pays. Maurain précise que ces « enseignements sont confiés à des Maîtres jeunes, que leurs travaux ont mis déjà en évidence. » Borel n’hésite pas à affirmer que des « savants de premier ordre » viendront faire des conférences, affichant explicitement la revendication d’élitisme scientifique. Maurain précise que « nous demanderons à des Maîtres de tous les pays de venir y exposer leurs travaux. » Ainsi l’intervention de savants étrangers doit permettre d’exposer des recherches en cours ou récentes. Notons enfin que si les deux missions de l’IHP sont clairement explicitées dans ces deux discours, leur éventuelle articulation n’est pas mentionnée.

La rédaction des statuts : l’affirmation d’une autonomie

Malgré l’inauguration en novembre 1928, l’IHP n’est doté de statuts et d’un règlement qu’en 1931. Ces textes sont rédigés par une commission nommée le 11 juin 1928, cinq mois avant l’inauguration, par le conseil de l’université sur une proposition de Maurain. Le conseil de l’université approuve la constitution d’une commission temporaire pour travailler sur l’organisation de l’Institut628 rassemblant Borel, J. Perrin et Langevin sous la présidence du doyen de la faculté des sciences629. Le 14 juin 1928, la faculté des sciences approuve également cette commission630. Il semble attendu de cette commission qu’elle termine la création de l’IHP en élaborant un projet de règlement puisque le 6 février 1930, Charléty rappelle à Maurain cette mission631, signalant ainsi qu’au cours de l’année 1929, l’IHP fonctionne sans règlement ni statuts.

Le 13 février 1930, Maurain, répond à la lettre de Charléty pour lui proposer un projet d’organisation632, élaboré par la commission temporaire, qui présente l’activité et