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3.2 Choisir des scientifiques

3.2.3 Des invités et des conférenciers de choix

Il faut toutefois noter que ces invitations n’ont pas vraiment un caractère diploma- tique : les invitations sont toujours envoyées aux savants visés par l’invitation et, sauf dans les cas soviétique et italien, aucune institution étatique n’intervient au cours de l’in- vitation. Ainsi les dirigeants n’invitent pas un représentant d’une institution scientifique nationale ou locale, ils invitent un scientifique en personne. De sorte que les invitations se font de scientifique à scientifique. Dans la mesure où les ambitions pour l’IHP visent à se constituer en un centre scientifique international, avec un objectif d’élitisme international, nous analysons maintenant les profils de ces invités.

L’analyse des invitations permet de clarifier certains éléments susceptibles d’entrer en ligne de compte (de façon explicite ou non) dans le choix des conférenciers. La re- connaissance locale et nationale, perçue à travers la position institutionnelle occupée, la reconnaissance internationale, perçue à travers la participation à des congrès interna- tionaux et par les publications, ainsi que les marques d’expertise, académique ou non, influencent le choix des invités. Ces éléments ne sont bien sûr susceptibles d’être pris en compte qu’à condition qu’ils soient connus dans le milieu scientifique parisien, ce qui dans de rares cas est explicité lors du processus d’invitation, par exemple lors de l’invitation de Nikolaï N. Bogolioubov705 en 1936.

On perçoit dans cet exemple qu’il ne suffit pas d’identifier des scientifiques étran- gers ayant acquis suffisamment de crédit scientifique, il faut également en retour que les scientifiques invités perçoivent l’IHP comme un centre en mesure de leur apporter ou de conforter leur crédit scientifique. Compte tenu de ce que nous avons vu précédemment, les scientifiques acceptant très majoritairement l’invitation, il semble que la stratégie consis- tant à aligner les noms de Poincaré, Borel, Perrin, Langevin, Maurain, Fréchet, Brillouin, De Broglie contribue à associer à cet institut une forme de reconnaissance scientifique valorisée à l’international. Mais il est également certain que plus des scientifiques ayant une reconnaissance scientifique internationale viennent, plus l’IHP renforce sa position sur la scène internationale.

Il faut noter que la diversité des contextes nationaux et locaux rend particulièrement difficile les comparaisons. La comparaison des postes tenus par les invités ne peut être établie immédiatement sans faire violence aux réalités de ces postes. Aux problèmes des

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différences relatives à leur dénomination et à leur définition, s’ajoutent les différentes hiérarchisations disciplinaires locales et les différents contextes institutionnels. Il faudrait également rajouter les différences dues aux contextes politiques et historiques qui in- fluencent la place occupée par les institutions et donc la place des postes occupés par les invités. L’analyse qui suit est à ce point de vue très modeste. Cependant l’objectif n’est pas de mesurer les écarts et les différences, mais de mettre en évidence l’existence d’informations accessibles aux dirigeants de l’IHP et susceptibles d’avoir été mobilisées au moment de l’invitation.

Une reconnaissance locale : carrière académique et non-académique

La carrière académique s’établit comme un critère systématique dans le choix des invi- tés. Tous, sans exception, sont en poste dans une institution d’enseignement supérieur au moment de leur invitation. L’organisation de l’enseignement supérieur n’est pas uniforme sur l’ensemble des pays. Dans une perspective comparative, les postes occupés par les invités peuvent être placés sur une échelle relative d’avancement de carrière. Les carrières « débutantes » désignent les postes occupés après l’obtention d’un doctorat tels que « fel- low », assistant ou boursier. Les carrières « avancées » désignent les postes au-delà duquel il n’y a pas d’autres postes si ce n’est des changements de disciplines ou d’institution comme professeur, chercheur ou directeur. Les carrières « intermédiaires » désignent les postes entre débutants et avancés, tels que maître de conférences, privatdozent, chargé de cours, professeur assistant. Enfin des invités sont à la retraite et sont désignés par « retraités ».

Les carrières académiques avancées intéressent les dirigeants de l’IHP plus que tout autre type de carrière. Près des trois-quarts des invitations sont envoyées à des scien- tifiques à un stade avancé (89) de leurs carrières. Le reste des invitations est envoyé à des scientifiques dont la carrière est débutante (16), intermédiaire (10) et retraitée (8) au moment de l’invitation

débutante intermédiaire avancée retraitée invitation 16 (12,9 %) 10 (8,1 %) 89 (72,6 %) 8 (6,4 %) conférence 16 (15,4 %) 10 (9,3 %) 74 (68,5 %) 8 (7,4 %)

Table 3.11 – Répartition des invitations et des conférence dans les quatre catégories d’avancement de carrière du scientifique invité, respectivement conférencier.

Les scientifiques invités dont la carrière est débutante, intermédiaire ou retraitée concrétisent systématiquement leur invitation par une conférence. Les scientifiques invités dont la carrière est avancée ne viennent pas toujours faire une conférence ; 16 invitations parmi les carrières avancées sont infructueuses706. Malgré ces invitations infructueuses, les conférenciers sont, pour plus des deux tiers, à un stade avancé de leur carrière au moment de leur(s) conférence(s).

Les carrières débutantes et intermédiaires sont toutes, à une exception près, localisées en Europe occidentale707 à l’exception de George Placzek708.

occidentale septentrionale orientale hors-Europe

débutante 15 1 0 0

intermédiaire 10 0 0 0

avancée 47 7 10 10

retraité 6 2 0 0

Table 3.12 – Répartition des avancements carrières suivant les zones géographiques des conférenciers au moment de leur(s) conférence(s).

Les carrières débutantes sont en fait concentrées en France et en Grande-Bretagne. Les trois scientifiques en poste outre-Manche sont Fritz London, Rudolf Peierls et Paul Dirac. Les deux premiers ont fuit l’Allemagne nazie et doivent donc reprendre et commencer (respectivement) leur carrière dans un autre pays. Dirac quant à lui commence tout juste sa carrière lorsqu’il est invité la première fois en 1929.

débutante intermédiaire avancée retraité

France 12 5 12 2

Royaume-uni 3 2 5 0

Allemagne 0 2 8 0

Belgique 0 1 4 0

Table 3.13 – Répartition des avancements de carrière des conférenciers en poste en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Belgique.

On compte ainsi 12 conférences faites par des conférenciers en poste en France lors de l’invitation, dont la carrière est débutante. Léon Bloch assure 5 conférences, il est alors « assistant » à la Sorbonne. Deux conférences sont faites par Francis Perrin, également 706. Nous rappelons qu’il s’agit de S. Bernstein (5 invitations infructueuses), A. Compton, J. Frenkel, E. Henriot (3), N. Krylov, S. Mazurkiewicz, E. Milne (2), E. Tornier, E. Whittaker.

707. Nous rappelons que nous mettons dans les pays d’Europe occidentale la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse.

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assistant à La Sorbonne au moment de ces interventions. Enfin, Yves Rocard commence sa carrière lorsqu’il est invité, à 27 ans, en 1930.

On compte également 3 conférences faites par des scientifiques venus en France après avoir fui l’Allemagne : Nordheim, Elsasser (2 conférences) et Placzek (pour sa deuxième conférence). À 30 ans, Elsasser obtient une bourse de l’accueil des savants étrangers du CNRS pour travailler à l’Institut Curie. Nordheim bénéficie d’une bourse Rockefeller à 34 ans. Enfin Placzek a 33 ans lors de sa seconde conférence et bénéficie d’une bourse de l’accueil aux étrangers.

Les avancements de carrière ventilés par année montrent surtout que les carrières avancées constituent l’essentiel des conférenciers et que les carrières débutantes servent de variable d’ajustement ; la diminution du nombre d’invitations touche particulièrement les carrières débutantes. Les invitations à ces carrières débutantes semblent être vécues par les intéressés comme une occasion à ne pas rater, ce qui les conduit à toujours faire leur conférence.

Par ailleurs, si toutes les carrières des invités se font dans l’enseignement supérieur, toutes ne le sont pas exclusivement. Les sources que nous avons pu consulter709 ne per- mettent pas d’avoir des informations exhaustives sur la carrière de chacun des invités. Cependant les biographies de 13 conférenciers mentionnent des parcours en dehors de l’enseignement supérieur.

Un premier groupe de 4 carrières inclut un passage par des postes d’ingénieur : Charles Manneback710, Hans Reichenbach711, Félix Pollaczek712 et Yves Rocard713. Les biogra- phies évoquent des intérêts différents pour l’ingénierie. Rocard et Manneback sont décrits comme étant particulièrement intéressés pour l’ingénierie et l’application des sciences. Dans tous les cas, le passage par l’ingénierie n’excède jamais la décennie, l’activité comme ingénieur n’est pas cumulée avec des postes académiques et l’ordre des deux étapes est la même : d’abord l’ingénierie ensuite le poste académique.

Les deux carrières de Raman714 et Einstein comportent des postes dans une adminis- tration. Comme dans le cas des postes d’ingénieurs, ces postes dans l’administration ne sont pas cumulés avec des postes académiques et les postes académiques succèdent aux

709. Essentiellement des biographies ou des nécrologies. 710. Voir en annexe, p. 441.

711. Voir en annexe, p. 448. 712. Voir en annexe, p. 447. 713. Voir en annexe, p. 450. 714. Voir en annexe, p. 448.

postes administratifs.

Cinq scientifiques ont une carrière dans l’actuariat. Deux d’entre eux sont italiens : Francesco Cantelli715 et Bruno de Finetti716. Les autres actuaires sont en poste en Suède (Harald Cramér, Alf Guldberg) et au Danemark (Johann Steffensen). Pour ces 5 scienti- fiques, les postes de professeurs à l’université sont attachés à des chaires dont la dénomina- tion est explicitement liée aux mathématiques actuarielles. Il semble en outre que l’entrée à l’université soit liée à une académisation des mathématiques actuarielles, c’est-à-dire à la création d’enseignements et de postes spécifiques aux sciences actuarielles au sein des universités. Dans ces cinq cas, la carrière dans l’actuariat se prolonge après la prise de poste dans le monde académique.

Les carrières dans le domaine de la statistique sont similaires aux carrières actuarielles. Ronald Fisher et Jerzy Neyman travaillent dans des instituts de statistique. Pour ces deux scientifiques la pratique statistique accompagne l’ensemble de la carrière. Les postes de professeurs occupés sont attachés à des chaires de statistiques, créées avant leur arrivée.

Les carrières en lien avec l’actuariat et la statistique suivent plutôt des trajectoires qui vont dans le sens d’une intégration des carrières extra-académiques au milieu académique. Cela suggère une reconnaissance académique locale, nationale et internationale de leur expertise dans les sciences actuarielles et la statistique. Ces scientifiques cumulent un poste de professeur avec un poste d’actuaire ou travaillent pour des assurances ou encore pour des instituts de statistique. Ces carrières d’actuaire et de statisticien désignent des aires géographiques bien délimitées : Royaume-Uni, Suède, Italie. À l’inverse les carrières dans l’ingénierie et l’administration semblent incompatibles avec la carrière académique. Des scientifiques reconnus par leurs participations à des congrès scientifiques internatio- naux

Au-delà de la reconnaissance locale, la participation des invités aux Conseils Solvay de physique et les Congrès internationaux des mathématiciens (CIM) permettent de montrer que l’IHP cherche à se placer en tant que scène scientifique internationale. Pour ce faire, l’IHP capte des participants à ces congrès tout en se ménageant un place particulière parmi ces rencontres scientifiques internationales puisque ces deux types de congrès visent des enjeux scientifiques distincts entre eux mais également avec l’IHP.

715. Voir en annexe, p. 425. Voir également chapitre 4, p. 222-232. 716. Voir en annexe, p. 427. Voir également chapitre 4, p. 222-232.

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L’IHP présente un certaine proximité avec l’Institut Solvay de physique. Dès sa créa- tion, J. Perrin et P. Langevin, deux scientifiques impliqués dans le fonctionnement des Congrès Solvay, intègrent le comité provisoire en charge de l’organisation de l’IHP et font partie de la direction de cet institut jusqu’en 1939. En particulier ils participent à la définition des programmes des Conseils Solvay.

Les Conseils Solvay visent à satisfaire les projets scientifiques d’Ernest Solvay et de Walter Nernst. Ils sont créés suite à la proposition du physicien allemand Walter Nernst à l’industriel belge Ernest Solvay dans une lettre de juillet 1910. Selon D. Devriese et G. Wallenborn717, E. Solvay s’enrichit grâce à la révolution industrielle belge au xixe siècle. Son intérêt pour la science est motivé par une idéologie positiviste construite autour de l’idée de l’existence d’une loi unique susceptible d’expliquer l’ensemble des phénomènes, y compris sociaux et politiques. L’industriel belge investit une partie de sa fortune dans les sciences en créant un institut de physiologie (1893), de sociologie (1902), de physique (1912) et de chimie (1913). L’Institut de physique est créé dans la foulée des Conseils Solvay et se charge notamment d’organiser ces rencontres scientifiques internationales.

Dans sa lettre de juillet 1910718, Nernst explique qu’il souhaite organiser une rencontre internationale en vue de résoudre quelques problèmes relatifs à la théorie cinétique. Se- lon E. Crawford719, l’intérêt de Nernst dans la création d’un tel événement international dépasse le cadre des connaissances scientifiques et parle d’un « syndrome Nobel »720. Tout d’abord, elle rappelle les tensions existantes, sur le plan personnel, scientifique et professionnel, entre Nernst et Svante Arrenhius. Ces tensions atteignent leur paroxysme avec la création de l’Institut Nobel dirigé par Arrenhius. En effet Nernst vit mal la nou- velle concurrence qu’impose ce nouvel institut suédois. En outre Nernst peine à obtenir un prix Nobel. Dans ce contexte, la création des Conseils Solvay apparaît comme une stratégie de contournement dans la mesure où ces conseils peuvent constituer un levier de reconnaissance internationale des travaux de Nernst.

Les Conseils constituent l’une des activités de l’Institut Solvay de physique721. Cet institut finance un prix scientifique ainsi que des bourses d’études et de recherches en physique. La direction est bipartite : un comité scientifique s’occupe de l’organisation des

717. [Devriese et Wallenborn, 1999]

718. Lettre reproduite en partie dans [Devriese et Wallenborn, 1999, p. 14]. 719. [Crawford, 1999]

720. [Crawford, 1999, p. 51] 721. [Devriese et Wallenborn, 1999]

conseils (dates, thème et constitution des conseils) et décerne les bourses et les prix ; un comité administratif s’occupe des finances de l’Institut.

Crawford souligne la proximité entre l’Institut Solvay de physique et l’Institut Nobel. Outre la relation (de tension) entre Nernst et Arrenhius, l’auteur note la similarité de profils entre l’industriel belge Solvay et l’industriel suédois Alfred Nobel722 et observe que les deux institutions s’inscrivent dans un mouvement d’internationalisme scientifique. Cependant les fonctions de ces deux institutions sont clairement différentes. Les Conseils Solvay sont organisés autour de problèmes scientifiques qu’ils se proposent de résoudre par des exposés et des discussions libres. Les prix Nobel récompensent quant à eux des travaux passés.

La direction de l’IHP est directement impliquée dans l’activité des Conseils Solvay en physique et en chimie. J. Perrin participe aux Conseils Solvay en 1911 et 1921. Il intègre le comité scientifique de l’Institut Solvay de chimie en 1922. Langevin participe à tous les Conseils Solvay entre 1911 et 1933. Il entre au comité scientifique de l’Institut Solvay en 1921 et en est élu président en février 1928 suite à la mort de Hendrik Lorentz.

L’organisation et l’activité de l’IHP et des Conseils Solvay se distinguent. Un seul scientifique est invité pour chaque conférence de l’IHP tandis que des dizaines de scienti- fiques le sont pour les Conseils Solvay. Le contenu des conférences est laissé à l’initiative des conférenciers tandis que les Conseils sont organisés autour de thématiques définies préalablement. De plus, les conférences de l’IHP ont lieu chaque année pendant le second semestre universitaire tandis que les Conseils ont lieu tous les trois ans. Enfin le trait remarquable des Conseils est leur définition comme un lieu de résolution de controverses scientifiques, tandis que l’IHP se présente plus volontiers comme un espace pour exposer les recherches récentes ou en cours.

Ces Conseils ne permettent qu’un suivi partiel de la reconnaissance scientifique en physique sur la période 1928-1940. En effet, ils subissent également la dégradation des conditions politiques internationales723 qui limite les possibilités de déplacements de cer- tains scientifiques. Mais surtout, Langevin est happé par la politique puis par la maladie. Le Conseil de 1936 est reporté en 1939. Ce dernier n’a finalement pas lieu à cause de la guerre déclarée le 3 septembre 1939. Ainsi l’activité de ces Conseils s’arrête cinq ans après l’inauguration de l’IHP.

722. [Crawford, 1999, p. 48] 723. [Bensaude-Vincent, 1999]

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Parmi les 84 scientifiques invités à l’IHP, 28 (le tiers) participent, au cours de leur carrière, à au moins un Conseil Solvay et 20 d’entre eux participent à l’un de ces Conseils avant leurs premières invitations. On retrouve des proportions similaires parmi les confé- renciers. Ainsi parmi les 75 conférenciers de l’IHP, 26 (un peu plus du tiers) participent, au cours de leur carrière, à au moins un Conseil Solvay dont 18 qui participent à l’un de ces Conseils avant leur première invitation. La relation entre les invités et conférenciers de l’IHP d’une part et les participants des Conseils Solvay peut être affinée.

La présence, année après année, d’invités ayant participé antérieurement à leur invi- tation à un Conseil Solvay de physique montre que les dirigeants de l’IHP piochent leurs invités dans un corpus commun de scientifiques. Si l’on compare avec le nombre des invi- tations faites pour la première fois, il apparaît que la présence des Conseils Solvay dans les parcours des invités tend à s’effacer après l’arrêt des Conseils en 1933, en particulier chez ceux qui sont invités pour la première fois. Cette évolution suggère que les dirigeants de l’IHP prennent soin de suivre de près ces Conseils, du moins jusqu’en 1933. Le nombre des participations aux Conseils Solvay suivies d’une première invitation signale que l’attention des dirigeants de l’IHP se concentre sur les Conseils de 1924, 1927 et 1930 sur la période d’invitation 1929-1931. Notons au passage que la présence à un Conseil Solvay constitue également une occasion pour les dirigeants de l’IHP de faire venir un conférencier, en profitant de la relative proximité entre Bruxelles et Paris comme l’illustre l’invitation de Georges Gamow de 1932 pour venir faire une conférence en 1933724.

De plus, il existe une circulation dans les deux sens entre l’IHP et les Conseils Solvay de physique. Parmi les conférenciers qui participent à un Conseil, certains interviennent à l’IHP à plusieurs reprises. Dans ce cas les conférenciers peuvent alterner les deux évé- nements. Ainsi en 1930, 15 des 32 participants au Conseil Solvay font au moins une conférence à l’IHP dans l’entre-deux-guerres, dont 8 qui font leur conférence entre 1931 et 1939, 5 ont fait leurs conférences en 1929 et 2 en 1930. Un constat similaire peut être fait en 1933 : parmi les 14 des 41 participants au Conseil Solvay de 1933 qui ont fait une conférence à l’IHP dans l’entre-deux-guerres, 3 ont fait leurs conférences après 1934, 10 ont fait leurs conférences entre 1929 et 1932, et un l’a faite en 1933. Finalement, 8 conférenciers alternent conférences à l’IHP et Conseil Solvay de physique725.

724. Voir en annexe, p. 433.

725. Fermi : 1929/1929 (IHP), 1930 (Solvay), 1931/1932 (IHP), 1933 (Solvay). Gamow : 1933/1934 (IHP) et 1933 (Solvay), 1937/1938 (IHP). Kramers : 1927 (Solvay), 1930/1930 (IHP), 1930 (Solvay), 1933 (Solvay). Schrödinger : 1924 (Solvay), 1927 (Solvay), 1931/1931 (IHP), 1933 (Solvay). Debye : 1924

1928 1929 1930* 1931 1932 1933* 1934 1935 1936 1937 1938

1re invitation 2 5 3 4 1 1 2 1 0 0 1

Invitation 2 6 3 6 1 2 2 2 3 2 2

1re Conférence 2 5 3 3 1 1 2 0 0 0 1

Conférence 1 7 3 5 1 3 1 0 3 2 2

Table 3.14 – Nombre par année universitaire de première invitation, et d’invitation faites à un scientifique ayant participé à un Conseil Solvay de physique avant l’invitation. Nombre de première conférence et de conférence faites par un scientifique ayant participé à un Conseil Solvay de physique avant la conférence. (*) Les Conseils Solvay de physique se tiennent en 1930 et 1933.

Sur l’ensemble des invités, 20 (soit 24 % des invités) bénéficient du crédit scientifique associée au Conseil Solvay de physique. En effet, ces invités ont participé à l’un de ces congrès avant leur première invitation. Parmi eux 18 (24 % des conférenciers) viennent effectivement faire une conférence. L’IHP réussit ainsi à capter le crédit scientifique dans le domaine de la physique lié à ces Conseils. Ce groupe de physiciens présente quelques traits caractéristiques. Ils sont tous arrivés à un stade avancé de leur carrière et viennent d’Europe occidentale et septentrionale : France (2 invités et conférenciers), Allemagne (5), Belgique (3 invités, 2 conférenciers726), Pays-Bas (2), Royaume-Uni (3), Suisse (1), Danemark (1). Enfin 3 physiciens sont en poste aux États-Unis au moment de leurs invitations qui donnent lieu à 2 conférences727. En outre en ajoutant Enrico Fermi, qui alterne une conférence à l’IHP, puis un Congrès Solvay, puis une seconde conférence à l’IHP, ainsi que le cas de Gamow, invité la même année à l’IHP et à Solvay, le nombre total des physiciens parmi les invités monte à 22 et parmi les conférenciers à 20.

Les Congrès internationaux des mathématiciens (CIM) suivent une toute autre logique. La création des Congrès internationaux des mathématiciens remonte à la fin du xixe siècle728. Une première rencontre internationale entre des mathématiciens se fait à Chi- cago en 1893 à l’occasion de l’exposition universelle. Le premier congrès à proprement parler se tient 4 ans plus tard à Zürich. Par la suite les CIM s’organisent une fois tous les 4 ans, dans une ville choisie à la fin de chaque congrès, par un comité local. Ainsi ces