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CHAPITRE 1. REVUE DE LA LITTÉRATURE

1.4 Sommaire et constats

La prévalence et le fardeau des troubles mentaux chez les jeunes en transition à l’âge adulte sont préoccupants et appellent à des stratégies visant à agir en amont des troubles, pour prévenir leur apparition. La santé mentale dans sa dimension positive appelle à des stratégies

de promotion visant l’amélioration globale du bien-être et de la santé mentale de la population. La mesure de la santé mentale est instructive, car elle permet d’apprécier le niveau de santé mentale des individus, d’en identifier les déterminants, d’estimer le risque de développement de troubles mentaux et d’évaluer l’effet d’interventions visant à la promouvoir, la soutenir ou en prévenir la perte.

L’échelle de mesure le Mental Health Continuum-Short Form (MHC-SF) est de plus en plus utilisée pour évaluer la santé mentale à partir des trois formes de bien-être (émotionnel, social, psychologique) au Canada et ailleurs dans le monde. Elle a été traduite et validée en plusieurs langues et auprès de divers groupes culturels en Amérique du Nord, en Europe et en Afrique [188-191]. Cependant, les propriétés psychométriques de la version canadienne-française du MHC-SF n’ont jamais été évaluées, bien que l’échelle ait été utilisée dans des enquêtes nationales de surveillance et pour la recherche au Canada et au Québec (Enquête sur la santé

dans les collectivités canadiennes – Santé mentale 2012, Enquête sur la santé de la population Estrienne 2014, Santé mentale et qualité de vie de la population du sud-ouest de Montréal).

Une mesure valide et fiable est essentielle pour rendre compte avec justesse et précision du niveau de santé mentale. De plus, des analyses d’invariance selon le sexe sont nécessaires afin de s’assurer que les scores de la mesure ont une signification équivalente chez les jeunes hommes et les jeunes femmes afin de rendre possibles les comparaisons entre ces groupes [192]. Les analyses d’invariance permettent de comparer la structure de l’échelle entre différents groupes (les hommes et les femmes, groupes culturels, groupes d’âge, etc.). L’objectif est de tester si l’échelle mesure les mêmes construits dans tous les groupes [193]. Pour illustrer de manière simplifiée une analyse d’invariance selon le sexe, prenons l’exemple suivant: si une femme attribue la valeur de 10 (sur une échelle de Likert 1-10) aux items 1, 2 et 4 d’une échelle, on cherche à savoir si un homme qui attribue une valeur de 10 à l’item 1 donnera également une valeur de 10 aux items 2 et 4. Si l’invariance de la mesure selon le sexe n’est pas démontrée, la comparaison des scores entre les hommes et les femmes peut mener à une interprétation biaisée des résultats [194]. Une mesure non invariante est problématique puisque si on observe une différence entre les groupes sur une échelle donnée il est impossible de savoir si la différence observée entre les groupes illustre une différence « réelle » quant à leur niveau de santé mentale ou si la différence observée provient du fait que

les hommes et les femmes ont une manière distincte de comprendre et d’attribuer un score à l’échelle. Étant donné l’intérêt d’étudier les disparités hommes-femmes dans la recherche sur la santé mentale et les troubles mentaux [195], il est impératif de vérifier si l’invariance entre ces groupes est respectée avec l’échelle MHC-SF. Certaines études confirment l’invariance selon le sexe du MHC-SF [188, 189], mais aucune n’a ciblé spécifiquement les jeunes en transition à l’âge adulte.

Malgré l’intérêt croissant pour l’activité physique et la santé mentale et les troubles mentaux, plusieurs limites identifiées dans la littérature justifient l’intérêt d’approfondir la recherche dans ce domaine.

Bien que quelques études aient exploré l’activité physique en lien avec différents indicateurs de bien-être, aucune étude n’utilise une mesure de santé mentale complète qui permet d’apprécier les différents aspects positifs de la santé mentale en termes d’émotions, mais également sur le plan du fonctionnement individuel et social de l’individu, comme le propose la définition de la santé mentale de l’OMS (2002). La plupart des études s’intéressent au bien- être émotionnel exclusivement [23, 134], d’autres utilisent une seule question pour évaluer le niveau de santé mentale perçue offrant ainsi une évaluation limitée et peu explicite [22], tandis que d’autres encore ciblent plutôt le bien-être psychologique [135, 136]. Étant donné que la santé mentale est plus justement appréhendée par une mesure qui inclut à la fois le bien-être émotionnel, social et psychologique, il apparaît fort pertinent de mettre cet indicateur en relation avec divers attributs de l’activité physique pour mieux identifier les modalités de l’activité physique associées à la santé mentale dans toute sa complexité et sa globalité.

D’autre part, bien que plusieurs études suggèrent une relation dose-réponse entre le volume de l’activité physique et la dépression, la relation avec l’anxiété semble faire l’objet de débats. Aussi, une mesure du volume total d’activité physique, incluant non seulement les activités physiques d’intensité modérée à élevée, mais également celles de faible intensité, a été peu étudiée en lien avec la dépression, l’anxiété et la santé mentale. De plus, bien que l’activité physique pratiquée au sein d’une équipe sportive semble associée à une réduction des symptômes anxieux et dépressifs, les activités physiques en groupe informel ont été peu

étudiées en lien avec ces troubles mentaux courants. Aucune étude n’a exploré le lien entre le volume ou le contexte social de l’activité physique et une mesure de santé mentale complète. L’identification d’une association entre l’activité physique incluant ces trois intensités et/ou le contexte social de l’activité physique d’une part, et les indicateurs de troubles mentaux et de santé mentale, d’autre part, serait une preuve en faveur de l’importance de développer des recommandations en activité physique spécifiques à la santé mentale.

L’hypothèse des mécanismes sociaux pour expliquer la relation entre l’activité physique et la santé mentale et les troubles mentaux retient de plus en plus l’attention dans la communauté scientifique. Or, la majorité des études identifiées ont porté sur le rôle des mécanismes sociaux auprès de petits échantillons et à l’aide de méthodes qualitatives. Les rares enquêtes épidémiologiques qui ont exploré les mécanismes sociaux ont été effectuées auprès d’adolescents et les méthodes d’analyse utilisées ne permettent pas d’évaluer la causalité de l’association et l’effet indirect spécifiquement [137, 196]. Aucune étude à notre connaissance, n’a eu recours aux analyses de médiation pour mesurer la portion de cette association qui peut être expliquée par l’un ou l’autre des déterminants sociaux susceptibles d’être renforcés par l’activité physique (appartenance sociale, soutien social, intégration sociale, etc.). L’identification de mécanismes intermédiaires causaux permettrait de mieux comprendre à travers quels déterminants le contexte social de l’activité physique parvient à agir sur la santé mentale et les troubles mentaux et, ultimement, d’identifier les composantes sociales à prioriser dans le développement d’interventions de promotion de la santé mentale et de prévention des troubles mentaux courants par l’activité physique.

Enfin cette recherche cible les jeunes en transition à l’âge adulte, une population vulnérable à plusieurs égards du point de vue de la santé mentale et des troubles mentaux et qui a fait l’objet de peu d’études jusqu’à maintenant.

CHAPITRE 2. CADRE CONCEPTUEL ET OBJECTIFS DE LA