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Modalités de l’activité physique et santé mentale et troubles mentaux

CHAPITRE 5. DISCUSSION

5.1 Résumé des principaux résultats

5.1.2 Modalités de l’activité physique et santé mentale et troubles mentaux

Dans cette section, nous présentons successivement les résultats de l’article 2 et une première partie des résultats de l’article 3. Nous suggérons des interprétations possibles et soulevons des hypothèses pour expliquer conjointement les résultats transversaux et longitudinaux qui examinent les associations entre le contexte d’activité physique et la santé mentale, les symptômes anxieux et dépressifs.

Bien que plusieurs chercheurs se soient intéressés à la relation entre l’activité physique et la santé mentale et/ou les troubles mentaux, notre étude est la première à utiliser une mesure de santé mentale complète qui intègre les différentes dimensions du bien-être (émotionnel, psychologique et social). De plus, notre étude distingue trois contextes d’activité physique : 1) les participants qui font partie d’une ou plusieurs équipes sportives ; 2) ceux qui ne font pas partie d’une équipe sportive mais qui participent à des activités physiques en groupe informel ; et enfin 3) ceux qui déclarent faire de l’activité physique seulement sur une base individuelle. À notre connaissance, aucune étude épidémiologique n’a exploré le contexte de groupe informel en activité physique en lien avec la santé mentale, les symptômes anxieux ou dépressifs.

Tout d’abord, notre hypothèse selon laquelle le volume d’activité physique, une mesure qui prend en compte la fréquence et l’intensité de l’activité activité, est positivement associé à la

santé mentale et négativement aux troubles anxieux et dépressifs a été partiellement confirmée. L’article 2 de la thèse démontre que le volume d’activité physique (volume total – (AP Total) et le volume restreint aux intensités modérée et élevée (MVPA)) sont associés positivement à la santé mentale. Par ailleurs, on observe que seul le volume MVPA est inversement associé aux symptômes anxieux et dépressifs. Peu d’études prennent en compte l’activité physique de faible intensité, car il a été abondamment démontré qu’elle contribue généralement peu à la santé générale [219]. Or, notre hypothèse selon laquelle l’augmentation du volume incluant les activités physiques de faible intensité est positivement associée à la santé mentale a été confirmée.

Nous faisions également l’hypothèse que les contextes d’activité physique susceptibles de générer des interactions sociales (groupe informel et équipe sportive) seraient associés à des scores plus élevés de santé mentale et plus faibles de symptômes anxieux et dépressifs, comparativement au contexte individuel. Puisque le volume d’activité physique varie selon le contexte, les modèles d’analyse ont été ajustés pour le volume dans les analyses transversales (article 2) afin d’isoler l’association entre le contexte et les indicateurs de santé mentale et de symptômes de troubles mentaux. Dans l’article 2, seul le contexte d’équipe sportive est associé à la santé mentale ; l’absence d’association avec les symptômes dépressifs va à l’encontre des conclusions d’autres études [21, 27]. Diverses interprétations de ces résultats sont proposées. Tout d’abord, il est possible que l’effet du contexte d’équipe sportive provienne essentiellement du volume plus élevé d’activité physique plutôt que des interactions sociales. On peut également envisager que le niveau de compétitivité, qui peut générer un niveau de stress élevé [259] dans les équipes sportives, annule l’effet bénéfique de l’activité physique sur les symptômes anxieux et dépressifs. En ce qui concerne le contexte de groupe informel, contrairement à ce que nous avions anticipé, il n’est pas associé à un niveau plus élevé de santé mentale et plus faible de symptômes anxieux et dépressifs dans les analyses transversales de l’article 2. On peut supposer que la catégorie « groupe informel » telle que définie dans notre étude est très hétérogène et regroupe une diversité de contextes d’activité physique associés à des niveaux d’interaction sociale très variables (ex. : cours d’aquaforme vs club de course récréatif). En ce sens, il est possible que notre mesure ne capte pas réellement le niveau d’interaction sociale en activité physique. Enfin, les données de cette étude étant

transversales et ayant été collectées au tout début de l’année scolaire, on peut penser que plusieurs participants font partie d’une équipe sportive ou participent à des activités physiques en groupe informel depuis peu de temps. Par conséquent, l’exposition à ces contextes spécifiques et aux interactions sociales qui en découlent pourrait ne pas avoir eu le temps d’avoir un effet sur les symptômes anxieux et dépressifs. Nous reviendrons plus en détail sur ces explications en comparant les résultats des articles 2 et 3.

Dans l’article 3, les modèles longitudinaux indiquent que les contextes de groupe informel et d’équipe sportive sont associés positivement à la santé mentale et inversement aux symptômes dépressifs, en ajustant pour l’âge, le sexe, le statut socioéconomique perçu (SSE) et l’issue (outcome) au temps 1 (T1). Ces résultats longitudinaux dressent un portrait différent des résultats qui proviennent des analyses transversales de l’article 2. Rappelons que le contexte de groupe informel n’était pas associé positivement à la santé mentale dans les analyses transversales, avec ou sans ajustement pour le volume d’activité physique. De la même manière, les associations entre les contextes groupe informel et équipe sportive et les symptômes dépressifs n’étaient pas présentes dans les analyses transversales, avant même d’ajuster pour le volume d’activité physique. Cette distinction entre les résultats transversaux et longitudinaux pourrait s’expliquer par les notions d’effet à court terme et à long terme de l’activité physique sur la santé mentale et les troubles mentaux.

Tout d’abord, nos résultats transversaux (article 2) soutiennent l’effet rapide, à court terme, du volume d’activité physique sur la santé mentale et les troubles mentaux. En effet, des études suggèrent que les effets à court terme de l’activité physique sur la santé mentale et les troubles mentaux seraient principalement liés aux mécanismes biologiques [162]. Durant l’exercice, et même dans les quelques heures et jours qui suivent, l’activité physique aurait un effet euphorisant et antidépresseur à travers la sécrétion de sérotonine, un effet analgésique, lié à la production d’endorphine, reconnue pour ses propriétés relaxantes, [162, 166] et enfin un effet anxiolytique du à l’augmentation de la chaleur corporelle qui agit directement sur l’hypothalamus en provoquant une diminution de la réactivité physiologique au stress [118].

Par ailleurs, les résultats des analyses longitudinales (article 3) suggèrent que le contexte social de l’activité physique nécessite une plus longue période pour démontrer ses effets sur la santé mentale et les troubles mentaux courants, suggérant ainsi des effets à long terme. Ces résultats fournissent des preuves en faveur de notre hypothèse selon laquelle l’activité physique en groupe informel ou en équipe sportive permet de générer des interactions sociales, susceptibles de renforcer divers déterminants sociaux de la santé mentale et des troubles mentaux courants. Dans notre étude, nous avons demandé aux participants de décrire leur profil en activité physique à la première collecte de données (T1) qui a eu lieu au tout début du mois d’octobre, soit un mois après le début de l’année scolaire. Tel que mentionné précédemment, on peut supposer que plusieurs participants amorçaient de nouvelles activités physiques en raison des opportunités d’activité physique offertes par le cégep (accès aux installations sportives du cégep, offre en activités physiques parascolaires et possibilité de faire partie des équipes sportives du cégep) et des nouvelles rencontres/nouveaux amis qu’ils se sont faits au cégep. On sait également que plusieurs groupes, clubs et équipes sportives dans la communauté font relâche l’été et reprennent à l’automne pour la durée de l’année scolaire (septembre à mai-juin). Pour toutes ces raisons, l’exposition à l’activité physique, en termes de type, d’intensité, de fréquence, de volume et de contexte, a probablement été modifiée au début de l’année scolaire, dans les jours qui ont précédé la première collecte de données. On peut ainsi supposer que plusieurs participants à l’étude étaient exposés aux modalités de l’activité physique rapportées dans le premier questionnaire (T1) depuis peu de temps. Ainsi, les effets à court terme du volume d’activité physique auraient eu le temps d’influencer la santé mentale, l’anxiété et la dépression alors que les effets à long terme du contexte social n’auraient pas nécessairement eu le temps d’agir. Par ailleurs, les effets du contexte d’équipe sportive sur la santé mentale ont été observés dans les analyses transversales et longitudinales. La force de l’association est par contre plus élevée dans les analyses longitudinales, suggérant des bénéfices accrus de l’exposition au contexte d’équipe sportive pour la santé mentale sur une période de six mois.

Pour terminer, il est important de souligner que les contextes de groupe informel et d’équipe sportive ne sont pas associés aux symptômes anxieux ; dans les analyses transversales, l’association observée pour le contexte d’équipe sportive disparaît dès que l’on ajuste les

modèles pour le volume d’activité physique (article 2) tandis qu’aucune association n’est observée dans les analyses longitudinales (article 3). Ces résultats peuvent suggérer que les effets de l’activité physique sur l’anxiété seraient plutôt attribuables aux mécanismes biologiques, associés à une augmentation du volume d’activité physique, que sociaux. Parmi les mécanismes biologiques sous-jacents à l’association entre l’activité physique et l’anxiété identifiés dans la littérature, mentionnons l’amélioration des fonctions cognitives [260], une réaction anti-inflammatoire qui agit sur la neuroplasticité [261] et une diminution de la réactivité physiologique au stress [118]. Une autre explication plausible est liée au fait que la nature sociale du contexte de l’activité physique peut entrainer une augmentation des symptômes anxieux chez certaines personnes. Par exemple, il a été observé que les jeunes ayant une perception dysfonctionnelle de leur image corporelle éprouvent des niveaux d’anxiété sociale plus élevés dans un contexte interpersonnel [262]. Les adolescents ayant une plus faible estime de soi ou une moins grande maîtrise de soi seraient plus susceptibles d’éprouver du stress et de l’anxiété dans un environnement social [263]. De plus, une faible estime de soi est associée à des comportements antisociaux [264]. Ainsi, les personnes à risque de troubles anxieux sont moins enclines à participer à des activités physiques en groupe [265]. En ce sens, il n’est pas surprenant que nos résultats indiquent que l’activité physique en contexte social (groupe informel et d’équipe sportive) n’est pas associée à un niveau plus faible de symptômes anxieux comparativement à l’activité physique individuelle.