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Mécanismes biologiques, psychologiques et sociaux

CHAPITRE 1. REVUE DE LA LITTÉRATURE

1.3 Activité physique et santé mentale

1.3.3 Mécanismes biologiques, psychologiques et sociaux

Les chercheurs s’intéressent de plus en plus aux mécanismes d’action qui pourraient expliquer l’effet de l’activité physique sur la santé mentale et les troubles mentaux courants; certains soutiennent que des facteurs de nature biologique, psychologique et sociale interviennent dans cette association.

Mécanismes biologiques

Un certain nombre d’études semblent confirmer l’intervention de mécanismes biologiques dans la relation entre l’activité physique et les symptômes dépressifs, notamment à travers l’action des neurotransmetteurs [162, 163]. Des études cliniques ont démontré que l’activité physique stimule la transmission des monoamines, en favorisant la synthèse de la sérotonine, reconnue pour son effet antidépresseur en raison de sa fonction de régulation de l’humeur [164]. Une dysfonction du système nerveux central et plus spécifiquement du neurotransmetteur 5-hydroxytryptamine (sérotonine) a été identifiée comme une cause proximale de la dépression [165]. Également, la sécrétion d’endorphine par l'hypophyse et l'hypothalamus lors de l’activité physique possède des vertus analgésiques; l’endorphine procure une sensation de bien-être, voire d’euphorie [166]. De plus, en faisant augmenter la température corporelle, l’activité physique favorise une meilleure circulation sanguine au cerveau; ces effets ont un impact direct sur l’axe hypothalamo-pituitaire-surrénal, notamment sur le cortisol, en diminuant la réactivité physiologique au stress [162]. Sachant que le stress est un facteur de risque de l'apparition de troubles mentaux, et plus particulièrement des troubles anxieux et dépressifs, l’activité physique joue un rôle protecteur actif au niveau physiologique.

Si certains mécanismes biologiques semblent jouer un rôle important dans l’association entre l’activité physique, le bien-être et les troubles mentaux, rien ne prouve que ces facteurs constituent des conditions nécessaires ou suffisantes.

Mécanismes psychologiques

D’autres recherches suggèrent que l'activité physique permet de maintenir ou d'améliorer la santé mentale et de réduire les symptômes anxieux, dépressifs ou la détresse psychologique en agissant sur des facteurs psychologiques tels que le renforcement de l'estime de soi [25, 167, 168], le sentiment d'auto-efficacité [169] et de contrôle de soi [16, 170, 171]. L’activité physique favoriserait également l’interruption des pensées négatives [172]. Des bienfaits pour la santé mentale ont été observés lorsque la pratique d’activité physique est associée à des motivations intrinsèques, i.e., faire de l’activité physique pour son propre bien, dans la recherche du plaisir et d’une certaine satisfaction [173, 174]. À l’inverse, les motivations extrinsèques, i.e., utiliser l’activité physique comme moyen pour atteindre une certaine finalité, tel que le contrôle ou la perte de poids, le gain de masse musculaire ou l’attrait physique, sont associés à un risque accru de troubles anxieux et dépressifs [174].

Bien que plusieurs recherches soutiennent que l’exercice fait la promotion d’une image personnelle positive, spécialement pour les personnes qui ont une faible estime de soi, d’autres chercheurs soutiennent qu’il y aurait un effet négatif de l’activité physique sur l’estime de soi chez certains jeunes. À titre d’exemple, les travaux de Thome & Espelage(2004) révèlent que l’activité physique peut influencer négativement le bien-être psychologique en présence de trouble de l’alimentation (anorexie, boulimie, etc.) [175].

Mécanismes sociaux

Quant aux mécanismes sociaux impliqués dans la relation entre l’activité physique et la santé mentale, ils ont été peu étudiés jusqu’à maintenant. L’hypothèse sous-jacente aux mécanismes sociaux est liée aux opportunités d’interactions sociales qui sont favorisées lorsque l’activité physique est pratiquée dans un contexte social plutôt qu’individuel (social interaction

qui agissent positivement sur la santé mentale. Les liens sociaux définissent plusieurs déterminants de la santé mentale: la structure du réseau social, le soutien social, l’intégration sociale et le sentiment d’appartenance sociale. C’est en étudiant l’articulation, la composition et les corrélats de ces liens sociaux que l’on peut mieux comprendre leur effet sur la santé et le bien-être [176]. Différents exemples et hypothèses de mécanismes sociaux par lesquels l’activité physique peut intervenir sur la santé mentale et les troubles mentaux sont présentés. Tout d’abord, les interactions sociales générées dans le contexte de l’activité physique sont susceptibles d’agir, entre autres, sur le réseau social de l’individu en le bonifiant et le diversifiant [29]. Or, il est reconnu qu’un réseau social élargi et diversifié est associé au bien- être et à la santé mentale et protège du développement de troubles mentaux [177-179]. On peut penser par exemple que des personnes qui se regroupent pour une activité physique (équipe sportive, club de course, classe de yoga) développent au fil du temps des liens, ce qui permet la création d’un nouveau réseau social ou encore favorise la diversification de leur réseau existant. Les personnes qui font de l’activité physique ensemble peuvent éventuellement se rassembler dans le cadre d’autres activités sociales. Les personnes qui font partie de ces réseaux sociaux liés à la pratique d’activité physique peuvent éventuellement se rassembler dans le cadre d’autres activités sociales. À titre d’exemple, les groupes d’activités physiques destinés aux futures et nouvelles mamans (ex. : cours de yoga, d’aquaforme, cardio-poussette) offrent des opportunités privilégiées pour bâtir un réseau social de mamans qui pourront échanger des services, et pour plusieurs, briser l’isolement.

Les interactions sociales dans le contexte de l’activité physique peuvent également contribuer à améliorer le soutien social dont dispose un individu [28, 29, 137]. Les individus qui bénéficient d’un soutien social élevé démontrent des niveaux plus élevés de bien-être psychologique [180], de résilience, moins de désespoir et un risque de suicide réduit [181]. Ceci s’explique entre autres par le fait que le soutien social confère aux individus les moyens et les ressources nécessaires pour faire face à l'adversité et gérer efficacement le stress et les événements de la vie quotidienne [176]. Un programme d’activité physique comprenant des sessions individuelles avec un entraîneur et des sessions en groupe, destinés aux enfants et adolescents référés dans des cliniques communautaires de santé mentale, a montré une

réduction des symptômes dépressifs et une amélioration des motivations intrinsèques sur une période de huit semaines [182]. Or, les analyses qualitatives menées dans cette étude ont révélé que le soutien social et l’amélioration du sentiment d’auto-efficacité chez les jeunes sont des éléments clés de la réussite du programme. Une étude réalisée auprès d’adolescents suggère que le soutien social pourrait avoir un effet médiateur sur la relation entre la pratique d’activité physique et la dépression et le risque suicidaire [137]. Cette étude montre qu’une mesure du soutien social, non spécifique à l’activité physique, vient atténuer la relation étudiée. Les auteurs concluent qu’accroître la participation sportive pourrait avoir pour effet d’améliorer le soutien social qui à son tour protège contre la dépression et le risque suicidaire.

L’activité physique au sein d’un club ou d’une équipe sportive pourrait également contribuer à

l’intégration sociale des individus, notamment à travers le développement du sentiment

d’appartenance au groupe [169, 183]. Les individus qui font partie d’un groupe sont davantage protégés des déséquilibres psychologiques et émotionnels [184]. Une étude ethnographique d’un service de jour en santé mentale qui propose des activités de marche en groupe révèle qu’un thème important identifié par les participants est l’expérience de « faire partie » de quelque chose [185]. L’engagement social nécessaire pour adhérer à un groupe sportif aurait un impact favorable sur les symptômes anxieux et dépressifs [157, 186] et même sur le risque suicidaire [159]. Les clubs sportifs agiraient comme « catalyseurs sociaux » en stimulant les interactions sociales, ce qui a pour effet de renforcer le sentiment d’appartenance et d’attachement au groupe [157]. Les effets positifs de l’activité physique de groupe sur l’intégration sociale ont été observés pour des activités d’intensité modérée et élevée, mais également pour les activités de faible intensité qui, lorsqu’elles sont pratiquées seul, ne présente pas d’effet significatif sur la santé mentale [187].