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DETERMINATION DES PRIX IMMOBILIERS ET FONCIERS

Encadré 1.2 Solvabilité des ménages et prix de l’immobilier en France

La Fnaim (Fédération Nationale des Agents IMmmobiliers) dispose d’un indicateur synthétique de solvabilité de la demande des logements anciens en France. En base 100 en 2000, cet indicateur synthétise les effets de quatre facteurs : l’évolution du revenu disponible brut des

ménages60, les conditions de remboursement des prêts du secteur concurrentiel (taux d’intérêt et

durée), les incitations publiques en faveur de l’accession à la propriété dans l’ancien et l’évolution du prix des logements. Le Graphique 1.1 en donne une représentation pour la période 1995-2009. On remarque que la solvabilité des ménages a fortement augmenté jusqu’en 1999 puis s’est stabilisée jusqu’en 2002 et dégradée jusqu’en 2004 et s’est redressée depuis.

De Tinguy (2004) souligne que l’allongement de la durée des prêts61 expliquerait à lui seul le

tiers de cette amélioration globale de la solvabilité des ménages, et la baisse des taux d’intérêt62 les

deux tiers restants (Graphique 1.2). La hausse des prix immobiliers des années 1990 est en partie due à cette baisse des taux d’intérêt (depuis 1992 jusqu’en 2006). Cette baisse accroît la capacité d’endettement des ménages – toutes choses égales par ailleurs – et donc leur pouvoir d’achat immobilier. Cela favorise alors l’accroissement des prix immobiliers et vice versa.

Les prix des logements en France suivent globalement l’évolution du revenu disponible des ménages, malgré quelques écarts lors des guerres mondiales ou de graves crises immobilières (Sauvant, 2004 ; Friggit, 2009).

Graphique 1.1 – Indicateur synthétique de solvabilité de la demande des logements anciens de 1995 à 2009

Source : Fnaim, lettre de la conjoncture n° 56, avril 2009, p. 5

Graphique 1.2 – Taux fixes d’intérêt et durées des crédits immobiliers de 2000 à 2009

Source : Banque de France, Calculs Fnaim / Astéres

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Revenu disponible brut des ménages = revenus d’activités + prestations sociales + revenus financiers nets - impôts directs (Insee).

61 La durée d’un prêt accordée à un ménage dépend notamment de son apport personnel. Or le degré de cette contrainte dépend de la réglementation en vigueur, de la politique commerciale des banques dans un contexte commercial donné. Cela influence la demande de logements et donc l’évolution des prix (Lecat et Mésonnier, 2005). En France, l’apport personnel diminue : en 2002, l’achat d’un bien immobilier est financé à hauteur de 33% par apport personnel contre 39% en 1996 d’après l’Enquête Logement de l’Insee de 2002.

62 Le taux d’intérêt varie en fonction de la durée de l’emprunt, court, moyen ou long terme. Dans le cas des crédits immobiliers, on parle de crédit à long terme.

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3.2.1.2. La démographie

Dans la littérature, les facteurs démographiques sont les plus controversés pour expliquer l’évolution des prix des logements. La première étude qui a montré le fort impact de la démographie de la population sur les prix des logements est de celle Mankiw et Weil (1989) sur les données américaines. Ces derniers, en construisant un indice démographique de la demande, identifient une relation positive entre cet indice et les prix du logement. Mais, cette conclusion a été sévèrement critiquée par d'autres auteurs.

Le modèle de Mankiw et Weil (1989) repose sur l’indice démographique de la demande D suivant : =

∑ ( )

i i t a N i t D . , (1.9)

où N(i,t) est le nombre de personnes ayant l’âge i en t et ai le coefficient estimé de la régression liant la valeur des logements et des loyers et l’âge des occupants du logement à partir d’un échantillon. Ce dernier est extrait du recensement américain de 1970 et est constitué de plus de 200 000 individus groupés en plus de 74 000 ménages. Dans cette régression, Mankiw et Weil (1989) trouvent que le prix de l’immobilier est maximal lorsque les occupants ont 40 ans. En deçà de 40 ans, cette valeur augmente avec l’âge et au-delà, elle diminue. Leur analyse économétrique ayant mis en évidence un lien nettement positif entre cet indice démographique et le prix des logements, ils en concluent que la démographie est la principale source des fluctuations du prix réel des logements aux Etats-Unis.

Mankiw et Weil (1989) combinent ensuite ce modèle empirique avec les prévisions de population étasunienne. Ils montrent alors que le vieillissement de la population – qui accroit le poids des personnes âgées entraînant ainsi mécaniquement une diminution de l’indice démographique – ferait chuter les prix réels des logements, de l’ordre de 50% entre 1990 et 2010 aux Etats-Unis. Cette prévision s’est révélée erronée : une hausse des prix a été observée dans la plupart des pays durant cette période.

Leur modèle a été sévèrement critiqué sur au moins quatre points63.

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• Hamilton (1991) et Hendershott (1991) soulignent que le déclin prévu des prix réels des logements ne viendrait pas des variables de la demande en soi mais plutôt de leur coefficient dans le temps.

• Certains ont appliqué la méthodologie de Mankiw et Weill (1989) à d’autres pays. Par exemple, Engelhardt et Poterba (1991) ont montré que le prix des logements au Canada s’est révélé indépendant de l’indice démographique. Ce résultat a également été obtenu par Ohtake et Shintani (1996) à partir de données japonaises.

• Des travaux mettent en évidence que l’effet démographique sur les prix immobiliers n’est que fortuit ou transitoire. Par exemple, Holland (1991) montre que l’indice démographique est coïntégré64 avec le stock de logements, suggérant ainsi que l’offre de logements à long terme est très élastique. De plus, dans leur modèle structurel d’offre et de demande du marché du logement, Di Pasquale et Wheaton (1994) mettent en évidence que le revenu réel par habitant a un impact sur la demande de logement mais son effet sur le prix réel disparaît progressivement parce que l’offre de long terme a une élasticité-prix infinie. Selon eux, la combinaison du faible niveau d’éducation avec le vieillissement de la population produit un effet négatif (mais faible) sur la demande de logements au début des années 1990. Holly et Jones (1997) montrent aussi que le prix réel des logements est coïntégré avec le revenu réel par habitant et que la croissance de la population a un effet positif, mais qui est seulement transitoire au Royaume-Uni entre 1939 à 1994.

• L’omission de variables explicatives dans le modèle de Mankiw et Weil (1989) est souvent abordée. C’est le cas pour le revenu par tête (Hendershott, 1991 ; Swan, 1995 ; Holly et Jones, 1997) ou le niveau d’éducation. Green et Hendershott (1996) ont montré qu’en retenant dans le modèle le niveau d’éduction, la demande de logements continuait à augmenter après 40 ans.

A côté des questions méthodologiques, de nombreux auteurs trouvent comme Mankiw et Weil (1989), que la démographie joue un rôle fondamental dans la détermination et l’évolution des prix des logements. Par exemple, Levin et al. (2009) estiment que l’effet de la décroissance et du vieillissement de la population favorisent la décroissance des prix des logements en Ecosse et au Pays de Galles. Fortin et Leclerc (2000), en s’appuyant sur le modèle de Di Pasquale et Wheaton (1994), ont montré que la démographie a une part

64 La coïntégration entre deux variables implique que la croissance tendancielle des séries de ces variables est le résultat d’une tendance stochastique commune : il existe une relation stable de long terme entre ces deux variables non stationnaires.

49 plausible dans les fluctuations des prix immobiliers. Ils précisent que trois variables exercent une influence significative sur le prix réel du Canada entre 1956 à 2001, à savoir le revenu réel par personne adulte, le taux d’intérêt nominal sur les prêts hypothécaires à l’habitation à 5 ans et la croissance de la population de 25 à 54 ans. La croissance de la population de 15 à 24 ans, de 55 à 64 et de celle des plus 65 ans ne sont pas significatives dans leur modèle.

L’Encadré 1.3 illustre le lien entre croissance démographique et immobilière en France, la première favorisant a priori la seconde.