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EFFETS DE LA PLANIFICATION URBAINE SUR LES PRIX IMMOBILIERS ET FONCIERS

2. Evaluation empirique de l’effet aménité

2.3.1. Distance physique

L’impact d’un espace ouvert sur les prix immobiliers décroît avec la distance du logement à cet espace. Ce résultat largement présent dans la littérature reflète la compensation traditionnelle en Economie Spatiale, entre accessibilité et prix du logement.

Nous présentons l’effet aménité de la proximité d’un logement à un espace ouvert selon le type de ce dernier.

Pour les espaces verts urbains, la plupart des études empiriques corroborent le principe suivant : plus le domicile est proche des ces espaces plus le consentement à payer des ménages est élevé (Shultz et King, 2001 ; Espey et Owusu-Edudei, 2001 ; Morancho, 2003 ; Rouwendal et Van der Straaten, 2008). Par exemple, Anderson et West (2003) établissent que la forte proximité des parcs (de quartier et spéciaux) augmente le prix des maisons dans le

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Dans la modélisation des prix hédonistes, la distance entre le domicile et l’aménité considérée peut être exprimée par une variable dichotomique (Lutzenhiser et Netusil, 2001 ; Tyrväinen et Miettinen, 2000) ou en distance (Tyrväinen et Miettinen, 2000 ; Mahan et al., 2000 ; Smith et al., 2002 ; Anderson et West, 2003) ou en utilisant la part que recouvre l’espace ouvert (en superficie) aux alentours du logement (Acharya et Bennett, 2001 ; Geoghegan et al., 2003 ; Rouwendal et Van der Straaten, 2008).

75 centre de l’aire métropolitaine de Minneapolis – St Paul mais n’a aucun effet en périphérie (le parc public est substitué aux jardins privés des maisons). En reprenant la même base de données immobilières, Anderson et West (2006) mettent en évidence que le prix implicite de la proximité de l'espace ouvert est plus élevé dans des quartiers denses proches du CBD, à revenu élevé, à taux de criminalité élevé et à nombre d’enfants élevé dans les ménages. Toutefois, les espaces verts, généralement protégés et en libre-accès, sont soumis à congestion. Cela peut réduire l’effet positif sur les prix de la proximité d’un logement à ces espaces. C’est ce que mettent en avant Lee et Linneman (1998) dans leur modèle de prix hédonistes sur les prix de l'immobilier de Séoul (Corée du Sud) entre 1970-1989. Ils estiment que, bien que les prix des logements à proximité d’une ceinture verte sont plus élevés, toutes choses étant égales par ailleurs, l'ampleur de l'effet a changé au fil du temps. En effet, de 1970 à 1980, la valeur de la proximité à la ceinture verte était importante à Séoul, mais après 1980, elle a commencé à décliner. Les auteurs suggèrent alors que la croissance de la population et les phénomènes de congestion qui en découlent, réduisent la valeur accordée à ce bien public. Dans ce contexte, ils estiment qu’une mesure créant une ceinture verte peut être économiquement efficace si elle est imposée à un moment donné mais devient inefficace à terme avec une croissance continue de la population et des coûts de congestion. A l’extrême, Smith et al. (2002) montrent que l’éloignement d’un parc public a un effet positif sur les prix immobiliers en Caroline du Nord (Etats-Unis).

Les forêts situées dans le voisinage immédiat d’un logement se capitalisent positivement dans le prix de celui-ci (Garrod et Willis, 1992 ; Kestens et al., 2001 ; Brossard

et al., 2007 ; Cavailhès et al., 2009) mais de manière décroissante avec la distance. Tyrväinen

et Miettinen (2000) montrent à ce tire que la distance au parc forestier a un effet sur le prix des logements (dans le district de Salo en Finlande) uniquement s’il se situe à distance de marche du logement. Aussi, Thorsnes (2002) trouve que l’immédiate proximité à une forêt dans les espaces suburbains pouvait compter pour 19 à 35% du prix des logements dans le Michigan entre 1970 à 2000. La plus-value de parcelles situées en bordure de forêts est de 20 à 25%, alors qu’elle est nulle lorsque l’accès à la forêt suppose de traverser une rue.

Comme pour les parcs, la fréquentation des forêts peut générer des désaménités aux ménages dont le logement est situé à proximité. Par exemple, Schaerer et al. (2007) indiquent un effet négatif de la proximité d’une forêt à Genève et Zurich. Ce résultat est aussi retrouvé par Smith

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Pour les espaces ouverts en eau, Mooney et Eisgruber (2001) montrent que des maisons de l’Oregon situées en front de rivière valent 7% de plus que la moyenne, mais que la présence d’une zone tampon de 15 mètres de large (destinée à réduire la température de cours d’eau à saumons) fait baisser le prix de 3%. L’effet positif de la proximité et de la surface des zones humides a aussi été mis en évidence par Mahan et al. (2000) à Portland (Oregon, Etats-Unis). Ils montrent qu’un accroissement d’une acre de la zone humide la plus proche fait augmenter le prix du bien de 24 dollars. Et une réduction de la distance de la zone humide la plus proche de 300 mètres augmente la valeur des propriétés de 436 dollars. La proximité de lacs est davantage valorisée (1 600 dollars pour un rapprochement de 100 mètres). Cela est également vrai pour Doss et Taff (1996) qui montrent que la proximité d'un lac a un effet positif plus important sur la valeur d'une maison que les zones humides à l'étude dans le comté de Ramsey (Minnesota, Etats-Unis). Concernant le littoral, sa proximité peut avoir un fort impact sur les prix des habitations. Parsons et Noailly (2004) estiment une prime de 50% pour les logements dans le Delaware (Etats-Unis) à moins de 1 kilomètre du littoral relativement à ceux situés à 3 kilomètres. Toutefois, cette prime décroît avec la distance à l’instar d’un gradient spatial de prix traditionnel (Travers et al., 2008).

Quant aux espaces agricoles, Roe et al. (2004) déterminent, par une analyse conjointe, que lorsque la part de l’agriculture dans un rayon de 1 mile augmente de 10%, le prix des terrains augmente de 5%. Ils concluent que l’agriculture joue un rôle attractif dans la suburbanisation et qu’il y a substituabilité entre terres agricoles (qui ont une valeur esthétique et de non-usage) et parcs publics (qui ont, en plus, une valeur récréative).

Cependant, l’effet positif sur les prix de la proximité des espaces agricoles n’est pas toujours vérifié dans la littérature empirique. Cotteleer et al. (2008) estiment ainsi que ces espaces peuvent générés des nuisances (bruits, poussières, odeurs…) et ainsi provoquer un effet dépréciatif sur les prix des logements ou des terrains à proximité. Dans ce cas, les désaménités agricoles surpassent les aménités agricoles traditionnelles des espaces ouverts. Toujours pour ces terres agricoles, une seconde explication peut être donnée : les ménages n’apprécient pas le voisinage immédiat d’une parcelle agricole car ils craignent la conversion des terrains agricoles en terrains urbains (Smith et al., 2002) ayant des usages fonciers indésirables (centre commercial, zone industrielle…).

Enfin, l’effet de la proximité aux espaces ouverts peut dépendre de la nature juridique de ces derniers et des caractéristiques propres des régions étudiées. L’étude de Geoghegan et

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al. (2003) traite de ce sujet. A partir des ventes de maisons de juillet 1993 à juin 1996, ils

estiment une fonction de prix hédonistes qui intègre des effets spatiaux et qui diffère pour trois comtés du Maryland (Calvert, Howard et Carroll). Ils cherchent à évaluer l’effet des aménités offertes selon le type et la localisation des espaces ouverts sur le prix des maisons. Côté type, ils distinguent le pourcentage d’espaces ouverts préservés (statut de servitude de conservation) de celui d’espaces ouverts potentiellement constructibles (agricoles et forestiers). Et côté localisation, ils créent deux tampons de 100 et 1 600 mètres autour de la propriété. Le premier tampon permet de saisir l’effet de la vue sur l’espace ouvert depuis la maison sur son prix. Et le second vise à capturer l'effet de l’espace ouvert à partir d’une faible distance à pied depuis le logement. Les résultats des estimations sont assez mitigés et varient considérablement selon les comtés. A Carroll, la part de terres agricoles et forestières à moins de 1 600 mètres du logement a un effet négatif sur son prix. Les autres variables sur les espaces ouverts ne sont pas significatives. Dans le comté de Calvert, la conservation d’un espace ouvert dans les 1 600 mètres autour d’une maison accroît le prix de cette dernière, et la potentialité de constructions dans les espaces ouverts agricoles et forestiers diminue son prix (les autres variables décrivant l'espace ouvert n’étant pas significatives). Et dans le comté de Howard, la présence d’espaces ouverts préservés dans un périmètre de 100 et de 1 600 mètres des maisons augmente le prix de ces dernières. Les espaces ouverts constructibles n’ont pas d’effet significatif sur les prix. Geoghegan et al. concluent que la valeur de l’espace ouvert dépend très fortement de sa localisation. Parmi les trois comtés, celui de Carroll est le moins soumis aux pressions à la construction et le comté de Howard le plus. Ceci pourrait expliquer que l'espace ouvert semble être plus valorisé dans le comté de Howard. Pour le comté de Calvert, les résultats sont difficiles à interpréter. Bien que ce comté est soumis à des pressions à la construction, il dispose d’un programme de préservation des terres agricoles. Par ailleurs, le nombre d’habitants est moindre que dans le comté de Howard mais enregistre le plus haut des taux de croissance démographique de tous les comtés du Maryland au cours des années 1990.

L’appréciation des prix des logements à proximité des espaces ouverts est donc généralement observée. Néanmoins, des effets négatifs de la proximité des logements sur les prix peuvent être constatés. Ils sont liés à une aversion des ménages à la congestion et aux nuisances résultants de la fréquentation et de l’exploitation des espaces ouverts.

Outre la distance physique des logements aux espaces ouverts, il convient aussi de considérer la vue qu’ils offrent sur ces zones.

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