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EFFETS DE LA PLANIFICATION URBAINE SUR LES PRIX IMMOBILIERS ET FONCIERS

2. Evaluation empirique de l’effet aménité

2.2.1. Publics versus privés…

La nature juridique d’un espace ouvert (public versus privé) conditionne la sévérité des mesures en matière de construction ainsi que l’accessibilité à ces espaces par le public. Il est alors intéressant d’étudier l’effet de la planification urbaine sur les prix selon le statut juridique des espaces ouverts publics ou privés et le degré d’urbanisation autorisée (actuel ou futur) dans chacun de ces espaces.

2.2.1. Publics versus privés…

De nombreuses études ont mis en évidence que les ménages ont un consentement à payer plus important pour la préservation des espaces publics que privés.

Sur ce sujet, la plus connue est celle de Cheshire et Sheppard (1995). Ils estiment les effets d’espaces ouverts publics (parcs, forêts, terrains de loisirs, paroissiaux…) et privés (terrains non bâtis – agricoles ou ceinture verte par exemple – et non accessibles au public) sur la valeur des propriétés résidentielles dans deux villes anglaises de taille moyenne. La première, Reading, au sud du Royaume-Uni, subit de fortes pressions liées à la croissance économique. La planification urbaine y très restrictive. Inversement, Darlington, au nord du Royaume-Uni, connaît une faible croissance économique. A ce titre, des mesures flexibles de planification urbaine sont adoptées pour encourager la demande à la construction nouvelle par l’ouverture à l’urbanisation de terrains. Les auteurs constatent que la part de terrains publics et privés aux alentours de 1 km du logement a un effet positif sur le prix de ce dernier. Néanmoins, le prix hédoniste pour l’espace ouvert public excède celui du privé et est plus faible à la marge dans la ville où la planification urbaine est la plus restrictive (soit Reading).

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C’est ainsi que la valeur d’un logement augmente de 83 livres à Darlington et de 50 livres à Reading pour 1% en plus d’espaces ouverts publics. Une autre conclusion intéressante de cette étude est le signe négatif du prix hédoniste à Reading – et respectivement positif à Darlington – de la variable « nouvelle construction », c’est-à-dire de la variable dichotomique indiquant si la majorité des observations immobilières aux alentours de 1 km du logement sont des nouvelles constructions. Les auteurs expliquent ce résultat par la différence de degré de sévérité de la planification urbaine entre ces deux villes. A Reading, face au coût élevé du foncier, les promoteurs réduisent leurs coûts en construisant des logements de plus faible qualité que ceux déjà bâtis. Ces nouvelles constructions de qualité inférieure influent sur les prix des logements relativement moins élevés.

La valorisation supérieure des espaces publics par rapport aux espaces privés se retrouve aussi dans les travaux de Bolitzer et Netusil (2000). Ils distinguent les parcs privés (jardins, golfs, cimetières) des parcs publics (aires naturelles, parcs spéciaux et urbains) à Portland (Etats-Unis), en précisant que certains terrains de golfs et cimetières peuvent posséder les deux statuts. Ils montrent que les parcs publics et les terrains de golfs ont un effet positif sur les prix de l'immobilier et que les parcs privés (cimetières et jardins) n’ont pas d’influence significative. Rouwendal et Van der Straaten (2008) soulignent aussi que le consentement à payer pour les parcs et jardins publics augmente avec le revenu mais moins vite que pour les espaces privés.

2.2.2. … et le degré d’urbanisation autorisé

Parmi les espaces ouverts publics ou privés, le degré des restrictions d’urbanisation actuelles ou futures agit sur le consentement à payer des ménages pour bénéficier des aménités offertes par ces espaces.

Le degré d’incertitude sur les futurs usages fonciers de ces espaces explique les préférences des ménages pour ceux qui sont publics au détriment des privés. Smith et al. (2002) montrent en effet, que les premiers sont plus valorisés car leur probabilité de conversion est plus faible. De plus, Lecat (2006) estime que la capitalisation de l’incertitude dans le prix des terrains à bâtir est plus importante que sur le marché foncier agricole. Dans ce cas, le marché des terrains à bâtir valorise positivement et plus fortement la réduction de l’incertitude qu’apporte un POS.

73 Le caractère construit, constructible, inconstructible des espaces ouverts publics et privés est aussi capitalisé dans les prix. Cela est confirmé par les travaux sur le Maryland (Etats-Unis) de Irwin et Bockstael (2001), Irwin (2002) ou encore de Geoghegan (2002). Ils distinguent les terrains agricoles potentiellement urbanisables de ceux soumis à une servitude de conservation (inconstructibilité). Il s’agit des premières études qui font la différence entre les espaces ouverts privés potentiellement constructibles vs inconstructibles et les espaces publics accessibles.

Irwin et Bockstael (2001) examinent les effets de la part d’espaces ouverts privés constructibles, non constructibles et d’espaces ouverts publics à moins de 400 mètres des logements sur le prix de ces derniers dans quatre comtés du Maryland entre 1995 et 1999. Ils montrent ainsi que chaque type d'espace a un effet positif sur les prix immobiliers. Le plus grand impact est dû aux espaces privés ayant une servitude de conservation, puis à ceux qui sont potentiellement constructibles et enfin aux espaces ouverts publics. Soulignons que ces auteurs ne distinguent pas dans leur étude, les usages fonciers de chacun des espaces étudiés.

Irwin (2002) reprend cette étude (avec le même échantillon) en y intégrant les usages fonciers selon les catégories suivantes : (1) terres cultivées privées, (2) pâturages privés, (3) forêts privées, (4) terres privées (de tout type) en état de servitude, (5) espace ouvert public non militaire et (6) espace ouvert militaire. Ces espaces sont définis selon leur part aux alentours de 400 mètres d’un logement. Irwin met en évidence que les prix de l'immobilier augmentent avec la hausse de la proportion de terres environnantes en état de servitude ou des espaces ouverts publics non militaires. Par exemple, une servitude de conservation entraîne une plus-value de 2,6% des logements situés dans un rayon de 400 mètres autour de cet espace. Toutefois, les prix immobiliers diminuent avec l'augmentation de la part des forêts privées. Les terres cultivées et l’espace ouvert militaire ne jouent pas de manière significative. Irwin montre enfin que la conversion de terres en terrains résidentiels à faible densité a un impact négatif sur le prix des logements environnants, en soulignant que l'un des aspects le plus attirant de l'espace ouvert est tout simplement ce qui n'est pas construit. A ce titre, Bell et Irwin (2002) montrent que les ménages valorisent davantage les espaces verts pour leur faible urbanisation plutôt que pour les aménités spécifiques qu’ils procurent. Quant à Bates et Santerre (2001), ils expliquent que la demande des ménages en aménités offertes par les espaces ouverts est relativement peu sensible au prix mais très sensible au revenu ; il s’agit de biens supérieurs. Ils concluent que les espaces ouverts agricoles privés sont sensibles à la congestion et peu substituables avec les autres espaces ouverts privés.

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Enfin, Geoghegan (2002) trouve que les logements sont trois fois plus chers lorsqu’ils sont à proximité (rayon de 1 600 mètres) d’espaces ouverts inconstructibles plutôt qu’urbanisables.

Le critère public ou public des espaces ouverts et les restrictions foncières auxquels ils sont soumis se capitalisent donc dans les prix des biens immobiliers. Toutefois, cela est conditionné par la distance du logement aux aménités offertes par ces espaces.

2.3. Distance entre domicile et aménité

La plupart des études empiriques identifient un effet positif sur les prix de la proximité du logement aux aménités offertes par les espaces ouverts. Dès lors, plus l’espace protégé par la planification urbaine est proche d’un logement, plus les ménages peuvent apprécier des aménités qu’il offre. De nombreux résultats de travaux empiriques, utilisant la méthode des prix hédonistes80, convergent dans ce sens, qu’il s’agisse de considérer une distance physique ou une distance visuelle depuis un logement.