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Solutions

Dans le document L'industrie des solutions RH en France (Page 94-99)

Partie I Le traitement de l’information RH dans les entreprises françaises

Section 1 Les solutions RH : des produits systèmes composés de progiciels et de services

1.1 Progiciels, services informatiques et solutions informatiques : définitions

1.1.3 Solutions

Dans la littérature d’économie industrielle, le concept le plus proche de la notion de solution que nous ayons rencontré est celui de compack, de l’anglais complex package. Forgé dans le cadre de l’Institut Prométhée, ce terme est repris par Bressand et Nicolaïdis (1988) : « L’analyse des stratégies d’entreprise dans un ensemble de secteurs montre […] que chaque entreprise joue sa place sur le marché non pas seulement en termes de production/vente d’un service particulier mais autour de la constitution de paquets complexes (compacks) de services, de biens et de services ou de biens. » Ce terme anglo-saxon forgé par des universitaires n’a pas eu beaucoup de succès faute d’être employé dans l’industrie128 où, à la même époque, celui de

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Le terme produit désignant en réalité les biens

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http://www.cyber.uhp-nancy.fr/demos/MSL-DEM/premcha/index.html

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solution s’utilisait déjà, au moins dans le secteur des SSII129. Cependant le contenu du concept décrit déjà la même chose que ce que Miller et alii (2002) identifient comme des solutions. Bressand et Nicolaïdis (1988) précisent qu’il « importe toutefois de ne pas s’en tenir à la notion ‘‘d’assemblage’’ [...]. L’analyse doit s’attacher à deux niveaux plus profonds : premièrement le champ considérable ouvert aux techniques130 d’association (bundling) et de dissociation (unbundling), que ce soit au niveau de l’offre, de la demande ou de leurs interactions ; deuxièmement les implications de la nouvelle dialectique entre unicité et standardisation que nous résumons par la notion de sur mesure de masse (mass-customization) »131.

Les services informatiques font souvent l’objet d’une dissociation ou dégroupage (unbundling) en interaction avec les dégroupages qui ont lieu entre les composants des biens TI. Ainsi, des services de maintenance différents existent pour les différentes couches du système informatique, comme nous l’avons vu à travers les études sur l’externalisation132 : maintenance du parc de PC et des applications bureautiques, maintenance du réseau, maintenance des serveurs d’application, de bases de données, maintenance des applications de gestion…

Comme Bressand et Nicolaïdis (1988) le soulignent, un produit apparaît comme une association ou groupage de biens et/ou de services avant tout parce que ses composants ont été isolés auparavant. Groupage et dégroupage prennent facilement le caractère d’innovation (ibid. pp.144-145).

Dans le cas des services informatiques, la dialectique standardisation / unicité prend un tour particulier en raison de ce qu’on pourrait appeler le tropisme du progiciel. Nombre de prestations de services attachées à des applications passent par de l’écriture de code informatique ou, au minimum de la manipulation de code informatique (paramétrage). Lorsqu’un prestataire de tels services observe que ces écritures ou manipulations se répètent dans des formes similaires voire identiques pour des clients différents, il va identifier une possibilité de formalisation-automatisation de sa prestation sous forme d’un programme pré- écrit. Dans certains cas, il l’utilisera pour produire ses services à moindre coût. Dans d’autres cas, il proposera ce nouveau logiciel sous forme commerciale standardisée — progiciel — à ses

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J. Raiman, patron d’une des plus grandes SSII françaises, GSI, futur leader du marché des solutions RH, ne déclarait-il pas dans les années 1980 que son entreprise vendait du « solware », mot-valise construit à partir des mots solution et de software ?

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L’utilisation du mot « techniques » pour parler de bundling et d’unbundling nous ménage la possibilité d’une analyse séparée des résultats de ces techniques (étape actuelle de notre exposé) et de leur nature soit purement commerciale ou tarifaire, soit avec des implications d’organisation industrielle que nous aborderons en termes d’innovation (Voir Partie III chapitres 9 et 10).

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Entre les guillemets « », les italiques sont des auteurs cités.

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clients, et s’appuiera dessus pour vendre des services en plus qui, au lieu d’apparaître totalement sur mesure, seront une adaptation d’un progiciel standard à des besoins particuliers, avec souvent une conformation partielle du client à certaines contraintes liées à l’imparfaite adaptabilité du progiciel.

Cette évolution permanente de ce que les progiciels prennent en charge implique le déplacement et la modification des services complémentaires (mise en œuvre et maintenance) et fait apparaître en retour des opportunités de développement de nouveaux logiciels pour l’industrialisation de la prestation de ces services, logiciels qui sont parfois commercialisés.

La figure 11 ci-après résume la différence essentielle entre solutions RH « progiciel » et solutions RH « service ».

Figure 11 Distinction entre solutions RH « progiciel » et solutions RH « service » : qui produit l’information RH

Miller et alii (2002) présentent la synthèse des résultats d’une étude de 2 ans sur 30 firmes de toutes industries vendant ou ayant tenté de vendre des solutions, menée par cinq universitaires des domaines de la stratégie et de la conception des organisations, et par cinq consultants de chez McKinsey and Company133. De la diversité des cas rencontrés, Miller et alii tirent la définition suivante des solutions : combinaisons intégrées de biens et/ou de services qui sont plus personnalisés que d’ordinaire pour obtenir des résultats souhaités par des clients ou des types de clients spécifiques. Ce que ces auteurs appellent « intégré » désigne pour nous une forte complémentarité technique, c’est-à-dire une interopérabilité optimisée par des efforts de compatibilité entre les composants du produit. Miller et alii insistent sur le double aspect

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Il est intéressant de noter Xerox parmi les entreprises citées par cette étude comme exemples d’échec de la production de solutions, firme que Bressand et Nicolaïdis citaient 14 ans plus tôt comme précurseur de la production de compack de biens et de services de gestion de documents. Les deux articles désignent le même phénomène par

Type « Progiciel » Type « Service »

progiciel + services d’adaptation + services de maintenance logiciel + services d’adaptation + services de maintenance + production d’information-ressource + production d’information-ressource Solutions RH Service auto- produit par le client Information-ressource RH Information-ressource RH

d’intégration et de personnalisation qui caractérise les solutions parmi les autres types de bundles. Ils soulignent qu’une intégration réussie (c’est-à-dire durablement profitable pour le producteur) entre les composants d’une solution, qui peuvent provenir de différents fournisseurs, exige une organisation particulière de l’outil industriel, généralement en rupture avec l’organisation qui préexiste à la décision stratégique de devenir producteur de solutions. Ce dernier aspect nous apparaît crucial pour comprendre la concurrence dans l’industrie des solutions RH : selon le type de solutions, l’organisation industrielle des fournisseurs n’est pas la même, et les différences entre les modèles de production peuvent se cumuler dans le temps. En particulier, une solution de type « service » qui combine un composant de plus que les solutions « progiciel », le traitement d’information RH, induit une organisation industrielle adaptée et des choix particuliers d’investissement en R&D, comme nous le verrons plus en détail au chapitre 10.

Dernier point de caractérisation des coûts de production des solutions RH, elles constituent des biens d’expérience, c’est-à-dire qu’elles présentent de fortes incertitudes a priori quant à leur qualité, parce qu’elles cumulent le côté bien d’expérience des progiciels et l’asymétrie d’information des services. Dès lors, tout comme les progiciels et les services, les solutions font l’objet de dépenses conséquentes en marketing et communication. Ainsi, dans un salon professionnel comme le Progiforum 2005, un éditeur comme SAP n’est présent que pour faire connaître sa marque à travers le vaste espace d’exposition qu’il loue, les documents publicitaires disponibles sur ce stand, les objets publicitaires à son nom distribués par les hôtesses à l’entrée. Les actions commerciales sont prises en charge par les salariés de ses partenaires distributeurs intégrateurs qui constituent la quasi-totalité du personnel présent sur le stand de l’éditeur allemand. SAP finance le marketing et la communication de son progiciel et des services de mise en place associés, sachant que les prestataires desdits services sont eux- mêmes présents sur les lieux pour assurer le contact direct avec le client potentiel.

Le propos qui suit, bien que tenu par un éditeur de progiciels, explique bien la problématique de la complémentarité entre le progiciel au sens programme standard, et les services qui doivent l’accompagner sur la durée. « Bien que [de nombreux éditeurs] proposent un logiciel de paie, tous ne sont pas forcément spécialisés ou spécialement organisés pour assurer avec diligence et compétence, un service de qualité proportionnel aux risques et difficultés de cette application. […Le choix] devra prendre en compte le coût et la durée de la formation des utilisateurs (celle-ci, souvent, coûte plus cher que le logiciel lui-même). Plusieurs personnes dans l'entreprise doivent être capables de préparer la paye et de se remplacer

mutuellement [car les délais de production de la paie sont impératifs]. Enfin, […] le contrat de maintenance doit comprendre les mises à jour de programmes quel qu'en soit le nombre ou l'importance. Certains progiciels sont le fait de sociétés disposant de peu de moyens. Ils ne sont pas sans mérites, mais il existe un risque quant à leur capacité à produire des mises à jour, voire pour leur pérennité même » (Vander-Ham 2005). La citation permet de voir en contrepoint les caractéristiques d’une solution en service : le fournisseur d’une solution RH en service est (à notre connaissance) toujours spécialisé dans le domaine fonctionnel RH ; le problème des compétences en propre pour la firme cliente est moindre134, et ce d’autant que le degré d’externalisation du traitement d’information RH est grand.

L’originalité de la solution réside dans sa composition hétérogène de biens et de services. Ce type de produits ne se comprend qu’avec une vision dynamique inter-temporelle de la relation commerciale, qui consiste, en raison de l’importance des différentes formes de maintenance, en une « servuction longue ». La catégorie de solution comporte une notion absente de la catégorie plus générale de bundle : l’intégration entre les composants qui tient du bien système. L’intégration optimisée entre ces différents composants, peut résulter de la personnalisation de composants standards à un besoin particulier ou de la généralisation à un marché d’une prestation de services impliquant un assemblage de biens réalisé en réponse à un besoin spécifique.

Comme ils sont intégrés, l’analyse (quasiment au sens premier de découpage) concernant les biens et les services qui composent la solution est rendue plus difficile. Nous allons donc y consacrer la section suivante.

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Tant en quantité (nombre de gens formés), qu’en disponibilité (nombre de gens formés présents) et en qualité (degré de professionnalisation).

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