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La numérisation de l’information dans la fonction RH

Dans le document L'industrie des solutions RH en France (Page 60-65)

Partie I Le traitement de l’information RH dans les entreprises françaises

Section 1 La numérisation de l’information dans la fonction RH

1.1 Deux types d’information numérisable

Dans le champ de l’économie numérique, la caractérisation de l’information qui fait référence est celle que donnent Shapiro et Varian (1999) : l’information est tout ce qui peut être numérisé, c’est-à-dire codé sous forme de 0 et de 1. Cette définition est directement opérationnelle pour comprendre toutes les problématiques de production de biens informationnels78. Les biens informationnels sont des marchandises. Ils se caractérisent par leur densité en information. Ils sont versionnables, ce qui permet de les valoriser au mieux en

77 « Formulée initialement en 1965, et validée empiriquement par l’évolution de l’industrie au cours des décennies

suivantes, celle-ci postule que les performances des circuits intégrés (microprocesseur et mémoire vive) doublent tous les dix-huit mois. Cette dynamique réside dans l’accroissement continu de la densité des composants (transistors) assemblés sur une puce, grâce à des technologies de gravure, toujours plus fine, sur les circuits. La seule limite semble la barrière physique liée à la taille de l’atome. » Bomsel et Le Blanc (2003).

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fonction de l’utilité qu’ils ont pour leurs utilisateurs. Les biens culturels (ou contenus79) et les progiciels sont des exemples de biens informationnels.

Cependant, la définition de Shapiro et Varian (1999) confond sous la forme numérique deux types d’information que nous distinguons dans notre analyse.

Les données que la fonction RH traite, que nous appelons information RH, et qui décrivent le contenu de la relation entre firme et salarié ; cette information est appelée l’information-ressource par Mayère (1990) ; en tant que matière

première du processus de traitement d’information, elle peut provenir de

l’intérieur ou de l’extérieur de l’organisation. Par exemple, les données de GTA, venues de l’intérieur de la firme, sont de l’information-ressource pour la fonction paye ; les CV des candidats, venus de l’extérieur, sont de l’information-ressource pour la fonction recrutement.

— Les logiciels de GRH, qui sont des biens informationnels, sont des outils de traitement d’information parce qu’ils contiennent la description numérique de procédés de traitement. Mayère (1990) parle d’information-méthode, qui énonce comment traiter l’information-ressource, que nous appellerons information RH dans notre contexte d’étude. « L’information-méthode forme un ensemble organisé de démarches raisonnées pour produire une information, sachant qu'elle peut mettre en oeuvre différentes logiques de raisonnement, exiger un objectif précis ou s'adapter à une démarche heuristique. Elle joue le rôle d'outil, de moyen de production dans la production de l'information, en proposant un mode opératoire pour le raisonnement » (Mayère 1990) L’information-méthode inclut les procédures et règles de traitement de l’information pour la GRH. Cette information-méthode, dès lors qu'elle est mise en œuvre par la firme, n'est pas identifiée par elle comme une information au sens courant du terme, que nous avons retenu pour l’information-ressource. L’information-méthode est mémorisée et appartient aux connaissances de l'organisation.

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« On appelle contenus les biens et services informationnels regroupés en vecteurs ou médias : textes, musique, œuvres audiovisuelles, jeux… Les contenus recouvrent des œuvres versionnables, dont chaque version apporte une utilité spécifique. Leur rémunération est adossée à des droits d’auteurs et de copie exercés par les industries productrices et éditrices. » Bomsel et Le Blanc (2005)

http://www.cerna.ensmp.fr/cerna_numerique/prog/Contenus.htm La catégorie de contenu n’est généralement pas appliquée aux informations que la firme produit dans le cadre de ses activités de gestion. Deux différences notables existent entre contenus et informations de gestion : les premiers sont destinés à être vendus, et les secondes non ; les consommateur des premiers sont nombreux et forment un marché, les utilisateurs des secondes ne sont que rarement plus nombreux que les salariés de la firme qui les produit.

Pour Horn (2000) p. 41, un logiciel est un « texte numérique actif » qui est constitué par la codification sous forme numérique de connaissances. En tant que tel, il sert d’intermédiaire entre l’être humain qui souhaite modifier ses connaissances et l’ordinateur qui ne traite que des données. L’information RH, sous forme de données numériques, subit l’action du logiciel ; elle est passive. Horn (2000) précise dans son analyse de la production d’information que si humains et ordinateurs échangent de l’information, l’ordinateur ne traite que des données. Autrement dit, dans le contexte de l’informatisation de la fonction RH, l’enjeu de la numérisation de l’information RH est de transformer l’information RH en données qui seront traitées dans les processus informatisés.

Nous allons pouvoir à présent analyser les enjeux de la numérisation des deux types d’information que nous avons identifiés dans la fonction RH.

1.2 La numérisation de l’information RH

La numérisation concerne l’information RH traitée par la fonction RH à destination des autres salariés de l’entreprise, ou de destinataires extérieurs à la firme. Lorsque l’information ainsi traitée se présente traditionnellement sous forme imprimée, sa production sous format numérique permet de s’affranchir du support matériel (généralement le papier) : on parle de dématérialisation, par exemple pour l’archivage des bulletins de paye80 sur cd-rom ou sur un serveur loué par un hébergeur.

Une fois numérisée, l’information RH possède les propriétés des biens numériques, notamment un coût de reproduction et de transmission (quasi-)nul. La numérisation présente donc des avantages économiques certains en termes de gains de productivité pour la copie, la communication, le traitement et le stockage de l’information. L’autre aspect des gains économiques associés à la numérisation de l’information est la réduction des risques concernant son exactitude, notamment à la copie. L’amélioration de la qualité de l’information dont dispose l’entreprise sur ses salariés (meilleure fiabilité) réduit d’autant son asymétrie d’information, et accroît donc ainsi la valeur de ses contrats de travail.

La numérisation de l’information RH peut s’effectuer à travers des opérations de saisie, coûteuses en main d’œuvre, en particulier au moment de l’informatisation d’un nouveau domaine fonctionnel où l’information était précédemment traitée manuellement. Une fois un

80 La dématérialisation des bulletins de paye ne saurait être totale parce que légalement, le salarié doit disposer d’un

exemplaire imprimé de chaque bulletin de salaire, afin de pouvoir le conserver toute sa vie pour pouvoir faire valoir ses droits, notamment à la retraite et au chômage.

domaine fonctionnel informatisé, les opérations de saisie sont en général limitées autant que possible par l’organisation du travail pour économiser sur la main d’œuvre (c’est le principe de la plupart des investissements en automatisation), mais c’est surtout la re-saisie d’une même information qui va être évitée, remplacée par une copie automatique. Cette automatisation de la reproduction des données augmente la productivité dès qu’une même donnée sert à au moins 2 traitements différents, en réduisant très fortement le temps de copie et la probabilité d’erreur. Pour certains processus de GRH, la saisie peut être entièrement automatisée. C’est le cas de la gestion des temps avec badgeuses lorsque les badges servent de cartes d’accès : du simple fait que les salariés entrent dans les locaux de l’entreprise, le système informatique enregistre directement leurs données de présence.

La numérisation ne touche pas que l’information RH que la firme veut connaître sur ses interactions avec ses salariés, mais également la méthode de traitement de cette information, comme nous allons le voir à présent.

1.3 Les logiciels RH ou l’incorporation de la méthode de traitement de l’information RH

Mayère (1990) distingue trois types de méthodes : les méthodes standardisées, les méthodes professionnalisées, les méthodes empiriques (ou savoir-faire). Ces méthodes se différencient par le degré auquel la firme les maîtrise, c'est-à-dire peut influer sur leur élaboration, mémorisation, mise en pratique et diffusion, et selon la capacité de la firme à en assurer la capitalisation et la valorisation. Le degré de maîtrise dépend principalement de la possibilité d'une formalisation c'est-à-dire d'une dissociation entre la méthode et chacun de ses utilisateurs.

Seules les méthodes standardisées se prêtent facilement à la numérisation. En effet, proches des procédures standardisées de fonctionnement de H. Simon, elles résultent d'un travail d'explicitation et de normalisation, généralement à partir de l'analyse, de la confrontation et de la rationalisation de méthodes individuelles. Elles sont mémorisées sur des supports matériels parmi lesquels Mayère cite des consignes écrites, des manuels mais aussi les logiciels.Notons que dans cet ouvrage, cet auteur n’étudie pas les problèmes propres à la formalisation numérique. Ainsi, dans le cas de la GRH, l’informatisation des processus passe par une transcription dans les logiciels des connaissances de GRH, principalement constituées des règles de GRH et de leurs méthodes d’application. En effet, la production de logiciel, selon Horn (2000), consiste en un travail de production de connaissances codifiées. Pour notre sujet, il s’agit de numériser des procédures et de règles de traitement de l’information RH. Cette codification de connaissances « résulte de l'agencement original que réalise le producteur entre sa base de connaissances, en particulier dans le domaine technique considéré, les connaissances

codifiées incorporées dans les logiciels auquel il a accès et ce que sait ce producteur quant au besoin qu’il doit satisfaire » (Marie de Besses, 1999, p. 264). Pour notre propos, les connaissances relatives au domaine technique d'application du logiciel renvoient aux compétences des gestionnaires de ressources humaines.

En assimilant des méthodologies ou recueils de procédures imprimés et des logiciels, l’analyse de Mayère méconnaît le fait qu’une partie des connaissances des gestionnaires de ressources humaines se trouve incorporée dans des applications informatiques, c’est-à-dire qu’elle y est numérisée et confondue avec le reste du programme. Or, la numérisation de l’information-méthode, en l’incorporant dans un logiciel, réduit fortement les possibilités de la communiquer directement. Du fait que les connaissances numérisées dans un logiciel y sont incorporées, un logiciel de GRH n’est pas un moyen de communication de ce type de connaissances. On n’apprend pas à gérer des ressources humaines en obtenant de l’information RH d’outils informatiques. Lors de la production de ce logiciel, des connaissances de gestionnaires de ressources humaines ont été explicitées, puis codifiées. Mais le code dans lequel elles sont transcrites n’est pas intelligible directement à l’homme parce qu’il est destiné à la machine. Dès lors, du point de vue des salariés et des gestionnaires de ressources humaines, c’est-à-dire pour les utilisateurs du système informatique de GRH, après numérisation, seule l’information-ressource reste réellement une information c’est-à-dire, selon la définition de Horn (2000) p. 23 : « un élément central d'un processus de communication de connaissances direct ou médié ». En effet, « L'information est intimement liée aux notions de flux, de processus, distincte de la notion de stock, que celui-ci soit considéré sous un angle objectif (données) ou subjectifs (connaissances). » Lamizet et Silem (1997) p. 297

Dans la mesure où c’est l’information-méthode numérisée qui nous intéresse dans la suite de cette thèse, et qu’une fois numérisée, l’information-méthode s’appelle un logiciel, nous parlerons désormais de logiciel le plus souvent, et de méthode de production d’information dans les cas où l’information-méthode n’est pas numérisée.

Le tableau 3 ci-après résume l’analyse de l’information à numériser dans la fonction RH que nous venons de mener :

Tableau 3 Les deux types d’information numérisée dans la fonction RH

Information RH Progiciels RH

Shapiro et Varian (1999)

Tout ce qui peut être numérisé (codé en bits)

Horn (2000) Données/Information

passive

« texte numérique actif », connaissances codifiées

Mayère (1990) Information-ressource Information-méthode

Silem et Lamizet (1994)

Flux Stock

La numérisation de l’information dans la fonction RH introduit le besoin de compétences nouvelles associées à l’utilisation des TI pour la production d’information RH. La manière d’associer ces compétences au processus de production de l’information RH en modifie l’organisation de plusieurs manières, comme nous allons le voir.

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