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Une interprétation alternative : services de traitement d’information RH vs progiciels

Dans le document L'industrie des solutions RH en France (Page 115-120)

Partie I Le traitement de l’information RH dans les entreprises françaises

Section 2 Solutions RH et complémentarité

2.3 Nature de la complémentarité entre progiciels et différents types de services dans les solutions

2.3.3 Une interprétation alternative : services de traitement d’information RH vs progiciels

Anne Mayère (1990), dont les propos inspirent largement cette sous-section, introduit distingue deux types de produits informationnels : l’information-marchandise et l’information- service. Cette distinction fonctionne bien pour interpréter les différences entre types de solutions RH.

D’un côté, l’information-marchandise est conçue avant l’échange et son « producteur a la possibilité de définir une valeur d'usage social transférable171 à travers une information standardisée ». Les progiciels sont justiciables de cette catégorie. Pour récapituler les acquis de notre exposé jusqu’ici, les solutions de type « progiciels » sont de l’information-méthode- marchandise.

De l’autre côté, Mayère (1990) présente l’information-service dont « la production s'inscrit dans le cadre d'une relation de service, c'est-à-dire d'un processus initié par la relation avec l'utilisateur, et où l'utilisateur doit fournir tout ou partie des informations-ressources. » Le produit n’est pas une marchandise, mais il peut connaître « une standardisation d’ensemble ou de ses caractéristiques principales, et sa production peut être industrialisée au sens d’une rationalisation du processus de production, avec formalisation des différentes opérations et de leur articulation, et division du travail. C’est notamment le cas lorsque les problèmes que pose l'identification et la production de l'information sont caractérisés par une répétitivité qui fait que des méthodes ont été progressivement élaborées et stabilisées. » (Mayère 1990) Comme nous l’avons vu, cette situation est celle des fonctions RH, puisque l’analyse de la partie I a montré que leur identification et celle de sources de données à utiliser est relativement aisée. « Ce sont des " méthodes standardisées" ou des " méthodes professionnalisées" qui suffisent généralement en elles-mêmes, sans nécessité de conception ad hoc mais seulement d'adaptation compte tenu

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de la faible variabilité des problèmes posés et de l'expérience accumulée » (Mayère 1990). « Ces méthodes qui jouent le rôle de moyens de production peuvent être en tout ou partie matérialisées et automatisées sur support informatique, et facilitent une logique de productivité malgré l'adaptation nécessaire à chaque utilisateur. Mais de plus, la collecte des données a généralement connu un processus de normalisation qui fait qu’elle préexiste en tout ou partie lors du processus de production, ou plus exactement un processus rationalisé de production des données s'articule sur le processus de leurs traitements et peut en être partiellement dissocié ». (Mayère 1990) C’est pourquoi, par exemple, les progiciels de gestion des temps peuvent être, et sont généralement, fournis par un éditeur différent de celui de la solution de calcul de la paye, voire du reste des applications RH. Mayère prend l’exemple de la production de logiciels sur mesure : « certains aspects des services informatiques et de conseil ont atteint aussi des niches de formalisation élevée avec des méthodes très structurées (par exemple pour l'analyse de structures organisationnelles et l'élaboration d'un schéma directeur général avant informatisation). » C’est ce que visait le système-expert lié à Zadig développé par ADP-GSI (voir Partie II chapitre 7) et ce à quoi servent les méthodologies telles que CORIG. « Cette industrialisation du processus de production permet une division du travail, un contrôle du produit et de sa qualité, une maîtrise des coûts, et plus fondamentalement une logique d'entreprise, distincte de chacun des intervenants, à travers une capitalisation des méthodes, des expériences de l'identification commerciale. S'il n'y a donc pas marchandise au sens défini précédemment, dans la mesure où le service ne peut préexister que comme potentiel à l'échange, les conditions de mise en place de ce potentiel et de son activation permettent la mise en oeuvre d'une logique d'accumulation et de valorisation du capital, fondamentalement différente d'une logique quasi artisanale sur le modèle des professions libérales » (Mayère 1990). L’industrialisation du traitement d’information de paye n’est pas aussi poussée que la programmation des progiciels, en raison de l’interaction persistante avec le client dont les éditeurs se sont affranchis.

Dans ce cas l'utilisateur intervient lors de la fourniture de l'information intrant du processus de traitement d’information RH partiellement confié au prestataire. Mais ensuite le processus de production se poursuit en dehors de lui et la mise à disposition des résultats n’impose souvent qu'un échange peu développé, dans la mesure où le résultat est formalisé et où son utilisation est facilitée par une base de connaissances commune. Ainsi, l'organisation de la production de la paye chez ADP-GSI a évolué pendant 20 ans pour passer du modèle de traitement (« processing ») au modèle d'externalisation de fonction, deux types d’externalisation que nous détaillons dans la section suivante. En particulier depuis le début des années 2000, cet héritier du service bureau a beaucoup travaillé à élaborer ce qu’il appelle ses « modèles de

services », c’est-à-dire les procédures de mise en œuvre, d’adaptation et d’exploitation des services de traitement externalisé d’information RH qu’il propose désormais à ses clients sur un domaine bien plus large que la sous-fonction paie. Ces procédures reposent sur des outils informatiques internes qui rendent la prestation tout à fait conforme à l’analyse de Mayère (1990) : une fois l’information RH de base délivrée par le client, le service de traitement de l’information RH s’élabore sans son intervention. La production par le fournisseur s'achève généralement par la formalisation de l’information sur support (papier ou informatique) qui représente l'essentiel du produit et sert de base principale sinon unique au processus de traitement par l'utilisateur. Le prix est établi généralement en fonction d'un temps de réalisation, le plus souvent forfaitaire dans la mesure où l'évaluation préalable des moyens requis pour la production est facilitée par la faible variabilité du contexte.

La figure 14 ci-dessous, reprise de Mayère (1990), schématise les deux types de production analysés précédemment.

Figure 14 Information-marchandise et information-service

Production de l'information

par le fournisseur

Une information produite indépendamment des usagers

Exemple : Progiciels de GRH INFORMATION-MARCHANDISE Information formalisée standardisée Production de l'information par l'utilisateur INFORMATION-SERVICE

Une information dont la production est directement conditionnée par l'usager Production de l'information par le fournisseur Exemple : - Bulletins de paie - Statistiques de GRH (« tableaux de bords sociaux ») Information formalisée standardisée Production de l'information par l'utilisateur Source : Mayère (1990) p. 148 existence de méthode formalisée nécessaire coproduction de l'information-ressource

En fait, à partir du moment où le fournisseur de solutions RH prend en charge le traitement d’information RH, son service porte sur cette information-là en recourant à une méthode de production (partiellement co-produite avec le client) qui fait partie de son outil de production. Numérisée, elle est incorporée dans un progiciel qui est souvent en partie déployé chez le client, et sert alors de support à la co-production du traitement de l’information RH dans la relation de service. Mais, avec les prestations à partir d’applications hébergées à distance (ASP), le seul outil logiciel utilisé par le client est un navigateur Internet. Le client participe encore à la production de la méthode numérisée de traitement d’information qui se trouve entièrement chez son prestataire, mais pour la production de service bureau de GRH, il n’intervient plus sur l’application elle-même qui fait partie de l’outil productif du fournisseur comme n’importe quelle machine chez un fournisseur de biens. Alors, la complémentarité entre progiciels et service dans la solution RH est répartie dans le temps à travers différentes phases de numérisation de la méthode de production et d’utilisation de cette méthode numérisée pour de la production d’information RH.

Une autre manière de qualifier les différents services rencontrés dans l’industrie des solutions RH, et de comprendre leur diversité, consiste à les séparer en deux catégories, qui rejoignent pratiquement les catégories proposées par Dréan (1996 p.259), de « services en informatiques », ou « services de support », et « services informatisés » : d’un côté les services qui résolvent les problèmes posés au client par l’informatique, de l’autre côté les services qui résolvent directement des problèmes de gestion du client au moyen de l’informatique.

D’une certaine manière, l’industrie informatique crée sa propre demande. En ce qui concerne les logiciels, Horn signale d’ailleurs que « depuis ses origines, [on critique] l’économie des logiciels [pour] le manque de fiabilité des logiciels produits (résultant soit d’une erreur de comportement du programme dans une situation donnée, soit d’une situation non prévue), et une relative inadaptation aux besoins des utilisateurs [ce qui explique] l’importance démesurée prise par la maintenance, que ce soit une maintenance corrective destinée à éliminer les imperfections constatées ou une maintenance adaptative pour améliorer l’adéquation du produit aux attentes des utilisateurs ». (p. 251) En effet, dans l’industrie des solutions RH en particulier, les revenus de maintenance équivalent aux revenus de licence, comme on peut le voir sur le graphique 5 ci-après.

Graphique 5 Parts des licences et de la maintenance des logiciels dans le chiffre d’affaires de l’industrie des solutions RH en France 1997-2004 0,0% 5,0% 10,0% 15,0% 20,0% 25,0% 30,0% 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Licences Maintenance

Source : © Pierre Audoin Consultants 1999, 2000, 2002, 2003, 2004, 2005

L’un des canaux de développement de la demande pour certaines technologies informatiques, en particulier dans le domaine de l’informatique de gestion, est la formation. En effet, dans le bundle de services qui accompagnent un progiciel, l’éditeur (ou l’un de ses partenaires) fournit la formation des utilisateurs. Du point de vue de la firme cliente, cet investissement en capital humain crée un actif spécifique à la technologie de l’information acquise, qui accroîtra son verrouillage dans l’avenir. Ce qui est moins connu, c’est que dans le cas de progiciels qui reposent sur un langage de développement propriétaire, il existe une formation pour une population restreinte d’utilisateurs, dits « utilisateurs-clés ». Ces utilisateurs apprennent non seulement à utiliser l’application telle qu’elle est livrée à l’issue de sa mise en œuvre, mais également à la re-paramétrer, voire à la re-programmer en fonction des besoins de leur employeur. Ainsi, la formation des utilisateurs est un service complémentaire des progiciels à deux degrés : le premier degré est la formation de base qui permet à l’entreprise cliente d’utiliser l’application dont elle dispose, et sans laquelle cette application est très difficilement utilisable ; de ce point de vue, la formation entretient une forme de complémentarité avec l’application tout aussi forte que l’ordinateur avec son système d’exploitation. Le second degré de complémentarité est celui qui existe entre la formation des utilisateurs-clés et la technologie à partir de laquelle l’application est écrite.

Section 3 Les solutions RH d’externalisation : les technologies de réseau réduisent la distinction

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