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La gestion des connaissances

Dans le document L'industrie des solutions RH en France (Page 52-56)

Partie I Le traitement de l’information RH dans les entreprises françaises

Section 2 La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et les fonctions associées :

2.4 La gestion des connaissances

L'explicitation et la codification des connaissances, l’organisation de leur stockage et de leur diffusion constitue un domaine d’activité à part entière, en plein essor dans les économies fondées sur la connaissance. Ce type d’activité a suscité la spécialisation d’une branche de la science économique dont le développement est particulièrement lié à la diffusion des TI (Voir Foray (2000) pour un exposé synthétique des phénomènes, des enjeux et de la recherche sur ce sujet).

Pourquoi rattacher la gestion des connaissances à l’ensemble des fonctions assumées par les services RH des entreprises ? Comme nous l’avons dit à la sous-section précédente, l’adéquation entre les besoins de connaissances des différents postes et les formations à acquérir est plus facilement faite de manière décentralisée. Toutefois, dans l’idée de préserver au maximum ses actifs intangibles, l’entreprise peut se donner des moyens centralisés de stocker des connaissances pour les rendre indépendantes des mouvements de main d’œuvre entre son organisation et le marché du travail. Dans ce cas, l’entreprise cherche à se doter de méthodes et de moyens techniques cohérents d’acquisition et de stockage de ces connaissances. Les TI ont alors un rôle important à jouer pour formaliser les connaissances, faciliter leur stockage et leur circulation dans l’organisation.

La formalisation de l’activité de gestion des connaissances est encore peu courante dans la plupart des organisations. Elle donne d’ailleurs bien davantage lieu à des prestations de conseil qu’à de la vente de progiciels ou, encore moins, de services informatisés de gestion des connaissances. Parmi les acteurs de l’industrie des solutions RH en France, seuls quelques éditeurs proposent des modules de gestion des connaissances, explicitement ou non intégrés avec les modules de GRH (ex. : Meta4, Peoplesoft). Surtout, les utilisateurs potentiels en sont souvent au stade de l’expérimentation.

L’enjeu de la gestion des connaissances est l’amélioration du contrôle de la firme sur le capital humain de ses salariés, via le contrôle de la part explicitable de leurs connaissances, qui peut passer par un effort d’accroissement du domaine des connaissances explicites, effort lui- même producteur de connaissances. Il paraît hors de propos pour la firme de chercher à s’approprier toutes les connaissances de ses salariés, pour la simple raison que c’est hors de sa portée en raison de l’importance des connaissances tacites, tant individuelles que collectives (cf. Horn (2000) p. 17-19). De plus, lorsque l’explicitation des connaissances est possible, la

des prestations de services de formation, à limites extérieures du périmètre fonctionnel RH.

difficulté d’une gestion systématique des connaissances réside dans la nécessité de collaboration des personnes qui communiquent leur savoir, alors même que cette opération peut leur donner l’impression d’une réduction de leur pouvoir (en termes économiques : réduction de leur rente informationnelle ou de situation, liée au fait d’être seul à maîtriser un actif ou à en contrôler l’accès).

La gestion des connaissances, au même titre que la formation, procède d’une économie des contenus, avec la difficulté que les contenus en question ne sont pas produits et diffusés à grande échelle, contrairement aux biens culturels, qui font l’objet principal habituel de l’économie des contenus. Nous considérons donc la gestion des connaissances, de même que la formation, et tous les phénomènes liés à leur informatisation comme associés à des logiques de production et d’utilisation de contenus par les firmes différentes des logiques à l’œuvre sur le marché des solutions RH. Nous ne traiterons donc plus de gestion des connaissances par la suite.

Section 3 La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences rationalise l’interaction entre recrutement, gestion de la mobilité et formation

La description des compétences des salariés est complémentaire de la description des ressources humaines par les données individuelles sur les salariés et les données temporelles sur leur travail. Cependant, une description de compétences nécessite l’accord des membres de toutes les professions, de tous les métiers concernés sur les termes à employer et leur signification dans le contexte organisationnel et sectoriel propre à chaque firme. Quand un tel accord69 est atteint, la fonction RH de l’entreprise dispose d’un référentiel de compétences par rapport auquel elle peut qualifier, apprécier, décrire les salariés et les candidats à l’embauche d’une part, les besoins caractéristiques de chaque poste dans l’organisation d’autre part. En effet, la description des compétences, et tous les processus qui utilisent l’information qui en ressort, processus dits de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, procède de la résolution de problèmes de sélection adverse face à des décisions d’allocation des ressources humaines.

La description des compétences crée un type d’information que nous n’avons pas 68

En anglais, knowledge management (K.M).

69 Yannick Meneux a coordonné un exemple très démocratique de construction d’un référentiel de compétences pour

les formateurs de formateurs du Ministère de l’Agriculture ; dans les entreprises, le temps, et peut être la volonté manquent pour un processus aussi consultatif. Certainement serait-ce dangereux pour l’efficacité du processus de la laisser durer autant : les compétences évolueraient plus vite que le référentiel, le rendant caduc, ce qui entraînerait son rejet.

encore évoqué. Cette information est utilisée dans les processus de recrutement, de gestion des carrières et de la mobilité et pour la gestion de la formation. Ces données peuvent également être des descriptions de connaissances, c’est-à-dire de l’information sur des savoirs potentiellement explicites et codifiables. Horn propose une articulation entre trois concepts importants pour notre étude : connaissances, capital humain et compétences : « on peut considérer que les compétences d'un acteur (interaction dynamique entre les différents types de savoirs) se résument à un stock de connaissances ou capital humain. » (Horn 2000 p. 19). La gestion directe des compétences (évaluation effective, amélioration) incombe aux personnes qui appartiennent au même domaine d’expertise que les salariés considérés (collègues ou supérieur hiérarchique). Les fonctionnels RH sont chargés de rassembler l’information sur ces compétences pour améliorer l’appariement entre emploi et salarié, et réduire l’incertitude sur les compétences réelles du salarié.

Parallèlement à la description des compétences des salariés (offre de travail), l'organisation de la production crée des postes de travail qui sont décrits en termes de besoins de compétences (demande de travail). Dès lors, la fonction RH participe aux processus d’allocation de compétences70 dans l’organisation en sélectionnant des informations sur les compétences des salariés (ou celles des candidats, dans le contexte d’un recrutement), pour réaliser le meilleur appariement (matching) possible. La fonction RH a donc pour mission importante d'assurer en permanence, et si possible de manière prévisionnelle, l'allocation de compétences aux postes qui en ont besoin.

L’existence ou non d’une GPEC ne détermine pas l’existence des sous-fonctions de formation, gestion de la mobilité et recrutement. En revanche, elle influence la sophistication de leurs interactions et permet d’éloigner l’horizon d’optimisation de la gestion du capital humain pour anticiper les futurs besoins de compétences de l’entreprise. Ici aussi, il existe un volet incitation (politique de rémunération, etc.) mais il est indissociable du volet traitement d’information sur les salariés.

Par définition, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences implique des décisions de recrutement ou de mobilité aussi optimaux que possible à moyen voire à long terme. Dès lors, une personne très qualifiée et très compétente pour l’emploi qui fait l’objet d’une annonce, mais qui ne présente pas un potentiel d’évolution suffisant, pourra se voir préférer un autre candidat, peut-être moins directement opérationnel à court terme, mais dont le

70 En termes de GRH, un poste donné requiert des savoirs (connaissances explicites, codifiables), des savoir-faire et

des savoir-être. Les savoir-être en particulier peuvent être pré-évalués par les fonctionnels RH, mais c’est surtout à l’équipe qui va accueillir le salarié suite à sa mutation/promotion ou à son recrutement, de voir s’ils vont bien s’entendre, ce qui est éminemment subjectif et donc difficile à déléguer.

capital humain présente pour l’entreprise un potentiel de développement plus grand71. Typiquement, la SNCF, qui a une politique d’emploi à vie héritée de son statut public, propose un processus d’embauche qui lui permet d’examiner de manière très approfondie les potentialités du candidat, parce qu’elle prévoit non seulement le poste pour lequel il candidate, mais également ses deux emplois suivants. Dans le cadre de la GPEC, les décisions d’allocation des ressources humaines qui visent un appariement salarié/emploi à compétences données (recrutement, mutation) prennent en compte leur effet72 en termes d’évolution des compétences (de type apprentissage sur le tas : learning-by-doing, learning-by-using).

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) anticipe les problèmes d'allocation des salariés par rapport aux besoins de compétences de l'entreprise. L’information qu'elle traite sur les compétences des salariés et les besoins en compétences de la firme (« profil des postes ») peut être utilisée par la fonction formation, la fonction mobilité interne, ou le recrutement. L'existence73 d'une GPEC traduit des préoccupations d'efficience (minimisation du coût et du délai de mise à disposition des compétences pour le poste considéré) dans le choix de la fonction (formation, mobilité ou recrutement) qui exécutera les décisions de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ainsi qu’une puissance suffisante (tant du point de vue politique que de traitement d’information) de la fonction RH pour prévenir les besoins en compétences de toute l’entreprise74. En effet, la GPEC inclut un objectif de minimisation des coûts dans le choix du type de processus à engager pour réaliser un appariement optimal, entre recrutement, mobilité ou formation. Ce choix est complexe pour deux raisons liées. D’une part, ces trois possibilités sont interdépendantes : une formation influence les possibilités de mobilité d’un salarié ; une mobilité depuis un poste qui subsiste nécessite de remplir le poste devenu vacant, soit en formant ou en mutant un autre salarié, soit en recrutant une nouvelle personne ; une mobilité peut nécessiter une formation préalable. D’autre part, le choix a des conséquences financières différées dans le temps. Par exemple, il peut être plus coûteux à court terme de former un salarié que de le muter suite à une modification des compétences requises par son emploi. Mais, dans un second temps, si l’entreprise a préféré muter cette personne et qu’une formation devient à nouveau nécessaire, la personne peut s’avérer plus difficile à former,

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Pour la gestion des futurs cadres supérieurs, les grandes entreprises sélectionnent des candidats susceptibles d’intégrer leur vivier de « hauts potentiels ».

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C’est un effet secondaire, en général. Cet effet de formation peut être l’objectif principal dans le cas des populations de jeunes cadres / managers dites « à haut potentiel ». Ainsi, certaines firmes font occuper divers postes très différents tant fonctionnellement que géographiquement à leurs jeunes recrues destinées à l’encadrement pour leur donner une connaissance de terrain des activités de l’entreprise (ex : Total, certaines banques).

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Une fonction GPEC n'existe formellement que dans les entreprises suffisamment grosses pour y consacrer du personnel, mais sa mission incombe toujours à la fonction RH.

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Cette aptitude de la DRH (« DRH business partner ») inspirée d’auteurs américains comme Ulrich (1997) est prônée dans des entreprises comme France Télécom, parallèlement à l’informatisation et à la rationalisation massive de la fonction RH.

notamment parce qu’on apprend de moins en moins facilement avec l’âge.

La réglementation du travail n’a pas d’influence directe sur les informations que la GPEC traite. En ce sens, l’assimilation, dans le discours des praticiens, entre « GRH pure » et « gestion du capital humain » peut se comprendre comme expression de l’absence de contrainte réglementaire sur le comportement d'optimisation accompagné par le traitement d’information de la GPEC, c’est-à-dire l’allocation des personnes aux postes75. Il s’agit d’un fonctionnement qui est justement laissé à la main visible du gestionnaire.

Section 4 La création des règles de GRH : un circuit informationnel qui articule coordination

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