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santé sur le web

C.- Solutions mises en œuvre par le grand public

La RI santé sur le web peut se faire en dehors ou pendant le parcours de soins. Pour rendre les informations médicales accessibles et lisibles à l’ensemble des internautes non spécialistes, le grand public met en œuvre ses propres méthodes de traduction et un contrôle collectif des informations mises en ligne.

a.-Traduction du vocabulaire médical

Les patients qui souhaitent prendre part à la prise en charge de leur propre maladie sont en quête d’information de qualité mais pour cela, ils sont souvent confrontés à la « complexité du langage et des concepts médicaux » [Inserm, 2007]. Le vocabulaire médical utilisé par le médecin est tout d’abord destiné à formuler un diagnostic et à prescrire les traitements correspondants dans le but de soigner. Le patient partage ce même objectif, il souhaite guérir mais n’a pas toujours le niveau requis pour comprendre les termes médicaux et spécialisés. En outre, le malade a sa propre interprétation de son vécu par rapport à sa pathologie et il pourra l’exprimer avec ses mots, ses points de vue. Les informations mises en ligne par les patients sur les sites grand public correspondent en cela à une traduction du vocabulaire médical empreinte de leur propre savoir expérientiel [Akrich et al., 2009 ; Picard et Dardayrol, 2011].

Sur le web, nous retrouvons également les informations de vulgarisation médicale et sanitaire, elles ne se limitent pas aux informations relatives à la maladie et s’adressent aussi bien aux personnes souffrant d’une pathologie qu’aux bien-portants qui s’intéressent aux questions de santé, à tous ceux qui suivent les avancées scientifiques dans ce domaine. En réponse aux attentes du grand public, les médias scientifiques et généralistes diffusent des informations variées et actualisées. Les innovations scientifiques, les découvertes médicales (traitements, thérapies, diagnostics, etc.) et les résultats des recherches côtoient les explications sur le fonctionnement du corps humain, les conseils en hygiène de vie, en nutrition, les bienfaits des plantes, etc. Ces publications se font dans un vocabulaire simplifié, dénué de tous termes scientifiques pointus pouvant compliquer leur lecture, l’objectif des éditeurs est qu’elles soient comprises par l’ensemble des lecteurs [Fayn, 2005].

Pour traduire les informations spécialisées dans un langage compréhensible par tous, les éditeurs de sites santé exploitent les différents moyens techniques du web. Nous pouvons retrouver les mêmes procédés déjà mis en œuvre dans les médias traditionnels notamment les définitions avec une simplification linguistique, la substitution des termes scientifiques compliquées par des vocabulaires accessibles au grand public, la comparaison avec les vécus quotidiens, etc. L’avantage du web, c’est surtout la possibilité d’insérer différents formats d’illustration : schémas, images, photos, vidéos, des insertions qui ne sont disponibles que par le biais d’internet. Les informations santé en ligne bénéficient également du potentiel des hyperliens, ils permettent de renvoyer le lecteur vers des explications plus détaillées que ce soit à

ne pas trop s’éloigner du sens original et des précisions du texte scientifique tout en laissant au lecteur la liberté de consulter les compléments d’information en fonction de son niveau de compréhension [Quinche, 2008]. De leur côté, les internautes ont également développé leurs propres techniques d’apprentissage pour trier, évaluer et assimiler les informations de santé qu’ils collectent en ligne [Akrich et Méadel, 2004]. Internet a aussi fait naître une nouvelle forme d’apprentissage de l’information de santé par le biais de rencontres virtuelles entre les utilisateurs, et principalement via

les forums en ligne. Avec les médias classiques et traditionnels, le patient isolé collectait individuellement les informations et en faisait des interprétations personnelles sans avoir le moyen de vérifier sa bonne compréhension du sujet. Mais une nouvelle ère se dessine avec le web : ils sont enseignants, secrétaires, comptables, juristes, ingénieurs, chômeurs, étudiants, documentalistes, femmes au foyer, commerciaux, etc., les membres d’une communauté de patients réunissent dans le même espace numérique des profils diversifiés. Ces différents profils génèrent une somme de compétences sans lien apparent avec le secteur médical mais constituent un puissant réseau, vecteur de connaissances mutualisées qu’aucun autre média n’a réussi à initier avant internet [Akrich et Méadel, 2009a ; Dupagne, 2011a]. Les échanges d’informations et les partages de connaissances au sein de la communauté, complétés par les expériences individuelles de la maladie, permettent à ses membres de s’entraider et d’élaborer une traduction commune et simplifiée des savoirs médicaux reçus des soignants, lus dans les magazines, les revues spécialisées et la littérature scientifique, consultés sur les sites médicaux, etc.

Dans le cadre du projet européen Le patient du futur, 36 % des répondants à une

enquête menée en Suisse ont répondu qu’il leur est impossible de trouver des informations de santé et parmi ceux qui ont réussi, 40 % ont éprouvé des difficultés tandis que 14 % ont relevé des informations contradictoires. Les participants à cette enquête ont également évoqué l’angoisse qu’ils éprouvent à l’issue d’une consultation médicale : « tu sors du médecin et tu vas chez le psychiatre parce que tu

vas angoisser, parce que t’as pas compris ce qu’il t’a dit » [Burnand et al., 2007]. Un

constat similaire a été relevé par plusieurs associations de patients en France : les lacunes ressenties dans la relation thérapeutique avec le médecin vont amener le patient à compléter les informations en dehors du colloque singulier de la consultation. Le web se prête souvent à cet exercice tant sur la disponibilité que sur la quantité des informations [Renahy, 2008]. Et pourtant, 75 % des internautes santé auraient préféré obtenir plus d’informations et d’explications de la part de leurs médecins traitants même si un tiers d’entre eux relèvent leurs difficultés à

comprendre les prescriptions et les conseils médicaux [Renahy et al., 2007]. Les aidantes de malades atteints d’une pathologie lourde comme le cancer ou l’Alzheimer confirment pour leur part cette insatisfaction vis-à-vis des informations qu’elles reçoivent du personnel médical et estiment qu’internet pourrait apporter une réponse immédiate à leurs multiples interrogations. Les forums en ligne constituent le plus souvent la porte d’entrée à cette quête d’information. [Gaglio, 2010].

Au vu de ces observations, aider le grand public à comprendre le langage médical pourrait sensiblement améliorer la relation entre les soignants et les soignés : un patient qui comprend les conseils et les instructions du personnel soignant les mémoriserait plus facilement. Il sera également mieux disposé à suivre les traitements prescrits [Petrillo et Moscovici, 2000]. Les médecins perçoivent que les informations en ligne manquent de clarté et nécessiteraient des explications plus détaillées pour être comprises par le grand public non spécialiste [Fulconis, 2009]. Paradoxalement, pour compléter et mieux assimiler les informations délivrées par les médecins, les patients vont chercher sur le web des informations et s’organisent tacitement afin d’améliorer la qualité des informations santé qu’ils partagent et consultent.

b.-Évaluation en ligne par les pairs

Le processus de validation par les pairs avant publication était réservé aux scientifiques avant que le web n’autorise la diffusion d’information par les profanes. Dans les communautés de patients, même si la modération est assurée par les éditeurs des sites, les participants manifestent leur désapprobation à toutes informations qu’ils jugent erronées ou orientées [Cnom, 2012]. De l’avis d’un praticien basé sur son analyse de « centaines de milliers de messages de forums », les internautes font preuve d’une vigilance soutenue et savent prendre le recul nécessaire par rapport à ce qu’ils lisent. Son analogie sur ce sujet est bien plus qu’éloquente : « les congrès des médecins sont plus faciles à manipuler que les forums des patients » [Dupagne, 2012a]. Les critiques des internautes santé vis-à-vis de leurs pairs sont jugées pertinentes et constructives notamment lorsqu’elles sont basées sur des arguments médicaux [Akrich et Méadel, 2004]. En effet, dans les échanges asynchrones en ligne, les non professionnels exploitent également les fonctionnalités des hyperliens pour étayer les informations qu’ils publient ou procèdent à des copier/coller d’informations tirées de sites officiels, parfois les sources sont citées comme dans les textes scientifiques. Dans tous les cas, sur les sites santé comme sur l’ensemble du réseau numérique, les informations désapprouvées par la majorité des utilisateurs ne restent jamais longtemps en ligne. Le web bénéficie

d’un contrôle qualité assuré par l’expertise d’une intelligence collective. Il s’agit donc bien d’une évaluation par les pairs qui s’opère entre internautes non professionnels de la santé [Akrich et Méadel, 2009a, 2010 ; Cnom, 2012 ; Dupagne, 2012a].

Les communautés de santé en ligne peuvent rester virtuelles mais dans certains cas, elles évoluent vers une association militante pouvant aller jusqu’à acquérir un statut officiel. Ce que nous avons relevé de plus intéressant, c’est la formation de groupes de réflexion sur l’e-santé, des groupes qui se sont formés sur le web, s’organisent via les réseaux sociaux, s’officialisent à travers le monde entier jusqu’à concrétiser des rencontres IRL* (In Real Life).