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santé sur le web

II. 4.2.2.- Internautes santé principalement féminins

Dans la classification des secteurs de la presse établie par le SJTIC (Service Juridique et Technique de l’Information et de la Communication), la santé est classée avec la « presse féminine » qui figure dans la sous-catégorie « santé et beauté » de la catégorie « presse spécialisée grand public ». La « presse médicale » est répertoriée séparément dans la catégorie « presse spécialisée technique et professionnelle » [Mathien et al., 1999]. Quel que soit le média concerné, les femmes attachent plus d’importance à la consultation d’information de santé que les hommes et cela se distingue encore plus à travers les proportions de recherche d’information de santé sur le web [Aliaga, 2002 ; GRMS, 2010 ; Renahy, 2008]. C’est ce que révèlent des résultats d’études menées sur une dizaine d’années d’intervalles auprès de populations aussi bien en France qu’à l’étranger [HON, 1999 ; Nabarette, 2002 ;

Pletneva et al., 2011 ; Renahy et al., 2008]. Des résultats d’enquêtes beaucoup plus récentes continuent de confirmer cet engouement des internautes féminins pour l’information de santé [ISQ, 2012 ; Viavoice, 2012 ; Gombault, 2013].

Bien avant l’arrivée d’internet, l’information de santé dominait déjà les diffusions des magazines imprimés féminins avec une multiplication rapide des publications entrant dans la catégorie « santé-beauté ». Le nombre de titres de magazines santé féminins est passé de 4 avant les années 1980 à 21 en 2000 selon le recensement fait par la Direction du développement des médias. Après la presse dédiée aux émissions télévisées, ce sont les magazines féminins qui recueillaient le plus grand nombre de lecteurs par types de magazine en France au cours de la même période. Toujours dans les années 2000, deux éditions grand public monopolisaient les ventes dans la

catégorie magazine féminin : Top Santé et Santé Magazine. Leur lectorat est composé

majoritairement de femmes issues des classes moyennes et populaires. Cet intérêt croissant des femmes envers l’information de santé peut être constaté aussi bien du côté des lectrices que du côté des professionnels du journalisme. Parallèlement, la proportion de femmes journalistes dans la presse écrite ne cesse d’augmenter, jusqu’à couvrir en 2008 la quasi-totalité de la profession avec un taux atteignant les 94,4 %. Tous médias confondus, les journalistes qui se spécialisent dans l’information de santé étaient composés de 68,4 % de femmes en 2007. À noter que chez les professionnels de santé, avec 76,1 % de femmes, elles occupent également un taux de pourcentage nettement plus élevé que les hommes, et occupent pour la plupart des fonctions considérées comme « moins prestigieuses » et qui sont pourtant les plus nombreuses du secteur (sages-femmes, aides-soignantes et infirmières) [Marchetti, 2010]. Néanmoins, cette tendance pourrait s’inverser puisque désormais 40 % des médecins inscrits au Tableau de l’ordre sont des femmes contrairement à une trentaine d’années passées où elles ne totalisaient que 15 % de la profession [Lévy, 2011].

Les femmes ont beaucoup plus recours aux soins médicaux que les hommes, c’est ce qui pourrait également expliquer leur intérêt pour les informations de santé selon de nombreux auteurs [Nabarette, 2002 ; Stevenson, 2002]. À partir de 15 ans, les femmes consultent principalement pour des raisons d’ordre gynécologique pouvant nécessiter un suivi à moyen terme et à long terme pour les périodes de grossesse et de maternité, soit entre 18 et 50 ans. Cette tranche d’âge enregistre par conséquent les taux de consultations médicales et de recherches d’information de santé les plus

élevés chez les femmes [Aliaga, 2002 ; Carré et al., 2001]. Une étude menée auprès de

excellence pour le grand public. Les femmes ayant répondu à l’enquête correspondante ont mis en exergue les nombreux avantages qui les motivent à utiliser internet plutôt que d’autres supports : la disponibilité et la diversité des informations diffusées, la mise à jour fréquente de ces informations et leur gratuité [Chenais, 2007]. Certaines catégories d’information, bien qu’elles soient susceptibles d’intéresser également les hommes, restent des « domaines fortement féminisés » comme le démontre une étude sur les discussions en ligne concernant la contraception et la sexualité post-partum où la quasi-totalité des participants est composée de femmes [de Pierrepont, 2010]. L’espérance de vie de la femme supérieure de 7 ans à celle des hommes a également été signalée comme étant un élément pouvant expliquer le taux plus élevé de sa consommation de soin [Bonnici, 2011].

Les femmes qui s’intéressent le plus aux informations de santé ont généralement un niveau d’éducation plus élevé, elles sont plus attentives à leur corps et engagent pour la plupart des démarches préventives. Généralement, elles combinent plusieurs moyens pour obtenir les informations de santé qu’elles recherchent : émissions de télévision, magazines et internet [API et CCS, 2008 ; GRMS, 2010 ; Marchetti, 2010]. Les internautes santé grand public sont dans leur majorité des femmes qui ont l’habitude d’utiliser le web que ce soit pour leur travail ou pour rechercher tout autre type d’information. Pour la plupart, elles vivent en couple et s’intéressent aux informations concernant leur propre état de santé ou celui de leurs proches [Cnom, 2010b ; Renahy et al., 2007]. Le rôle de gestionnaire de la capitale santé de la famille naturellement attribué à la femme est souvent avancé comme l’une des raisons principales expliquant les recherches d’information qu’elle effectue. La femme recherche des informations aussi bien pour elle-même que pour son conjoint, ses

enfants, ses parents et l’ensemble de son entourage [Fayn, 2005 ; Renahy et al., 2007,

2008 ; Thoër et al., 2012 ; Underhill et McKeown, 2008]. Si le fait de vivre en couple est reconnu unanimement par les auteurs comme étant un facteur favorisant la recherche d’information santé par les femmes, les résultats des études que nous avons analysées ne convergent pas quant à la présence d’enfants ou non au domicile. Certains travaux soulignent qu’une famille ayant des enfants aurait plus tendance à rechercher des informations de santé [CEFRIO, 2010 ; Fayn, 2005 ; Stevenson, 2002], tandis que d’autres relèvent qu’il n’y a pas de différence significative entre les recherches d’information santé effectuées par une femme ayant des enfants avec une

En lien avec son rôle de gestionnaire de santé de la famille, il est de fait que la première responsable des achats du foyer en matière de santé soit également la femme, à commencer par l’alimentation au quotidien, les médicaments OTC, en passant par le choix des assureurs de prévention santé et de professionnels de santé à

consulter en cas de maladie [Beuscart, 2000 ; GRMS, 2010 ; Marchetti, 2010 ; Thoër et

al., 2012]. Cette responsabilité familiale lui confère une place privilégiée au regard des annonceurs et des commerçants en ligne, ce qui fait d’elle la persona primaire17 d’un grand nombre de sites d’information santé. « Le secteur féminin est le plus important marché publicitaire sur internet » et des éditeurs en ligne d’information

santé tels que Doctissimo.fr et Santé AZ d’Aufeminin.com qui exploitent cette

tendance ont réussi à s’imposer parmi les sites les plus consultés par les internautes grand public [JDN, 2007, 2008]. Les femmes sont également les plus grandes consommatrices d’informations relatives à la médecine non conventionnelle et aux traitements correspondants. Elles sont susceptibles, en fonction des informations qu’elles consultent, de modifier « l’itinéraire thérapeutique » de leur famille [Aliaga, 2002 ; Bégot, 2010 ; Underhill et McKeown, 2008]. C’est dans cette optique qu’un industriel du médicament a créé une page Facebook destinée de prime abord à informer les mères d’enfants souffrant de TDA/H (Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité). Une étude menée sur les échanges via cette page a permis de dégager que l’industriel pharmaceutique propriétaire du compte avait pour objectif d’orienter les mères vers l’achat du médicament produit par son laboratoire [Niquette, 2010]. En effet, les motivations de ces nombreux éditeurs de site santé ne sont pas toujours clairement définies, c’est ce qui pose un problème d’éthique soulevé du point de vue des professionnels de santé.