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Effets d'une sollicitation hydrique sur les argilites Chapitre 11 Evolutions des paramètres physiques et microstructuraux lors des transferts hydriques

- IV.8 -

Chapitre 11 - Evolutions des paramètres physiques et

microstructuraux lors des transferts hydriques

Les effets des transferts hydriques sont analysés en termes des évolutions de la masse, des déformations induites et d'éventuelles modifications microstructurales. Sont considérés d'une part l'histoire hydrique imposée au cours des essais, et d'autre part des paramètres de la roche et des éprouvettes comme la position des strates et la minéralogie.

Le transfert hydrique n'a volontairement pas été abordé sur la totalité de la plage d'humidité entre 0 et 100% RH. Tout d'abord, la gamme d'humidité en galeries se situe entre 40 et 100% RH d'après les données du site de Tournemire3 (cf. Figure 0.1). De plus, afin de mettre en œuvre les techniques de suivi énoncées précédemment, les succions doivent être menées dans un environnement où les surfaces des éprouvettes sont d'accès facile pour qu'elles puissent être instrumentées (collages des jauges et des capteurs acoustiques, acquisition des images …). Ceci nous a amené à conduire des succions par échange de vapeur d'eau ; la méthode des solutions salines, simple de mise en œuvre, nous a paru la plus appropriée malgré sa limitation à des hygrométries maximales de 98% RH. Enfin, les transferts hydriques ont aussi été menés dans l'optique d'imposer des teneurs en eau à des échantillons dont la caractérisation mécanique multi-échelles fait l'objet de la Partie V : ceci a pour conséquence de dicter la géométrie des éprouvettes de façon à satisfaire les exigences de la Mécanique comme présenté au Chapitre 7.

isothermes et instrumentations

Des isothermes instrumentés de sorption sont réalisés par mise en contact avec des atmosphères à hygrométrie imposée par la méthode des solutions salines (le mode opératoire est décrit au § 5.2). Nous rappelons que les éprouvettes sont exemptes de chargement mécanique extérieur, se déformant donc librement sous l'effet de l'humidité. Par contre, tout comme des sollicitations thermiques (éprouvette dans un four à température imposée par exemple), la sollicitation hydrique n'est pas, du moins en début de succion, homogène en tout point de l'éprouvette. En effet, il existe un gradient entre le cœur et les surfaces extérieures de l'éprouvette, qui engendre des contraintes mécaniques internes. Les éprouvettes sont des cylindres de diamètre 36 mm et de longueur 72 mm, dont l'axe est orienté perpendiculairement à la stratification (θ = 90° selon la Figure 7.1-c) sauf dans le cas où l'influence de la position des strates vis-à-vis du transfert hydrique est analysée (θ = 0, 45 et 90°). La géométrie et les dimensions des éprouvettes sont dictées par les conditions d'essai mécanique et par la technique d'extensométrie optique (méplat) (Partie V).

Même si les contraintes de reprise du confinement par les cellules de conditionnement T1 de l'ANDRA (cf. § 8.3.2) sont faibles, nous ôtons leur protection mécanique, 24 heures avant l'essai tout en maintenant la protection hydrique afin d'éviter les échanges entre l'air ambiant et la roche. Ceci a pour but de laisser s'opérer un éventuel déconfinement de façon à ce que les déformations ou fissurations enregistrées lors des isothermes soient les conséquences attribuables aux échanges hydriques imposés.

Une fois usinées, les éprouvettes sont disposées dans les bancs de succion et sont instrumentées en suivi de masse, de déformations et éventuellement d'émission acoustique. Le transfert hydrique entre la roche et l'atmosphère à humidité contrôlée est jugé achevé lorsque les paramètres mesurés (masse et déformations) sont stabilisés.

Pour l'ensemble des essais présentés, l'origine des temps est prise au 1er janvier 2003 et nous choisissons de ne pas effectuer un recalage des temps en début de chaque essai afin de pouvoir éventuellement faire des corrélations avec des événements extérieurs aux essais (coupures électriques ou de chauffage, température extérieure, intrusion dans la salle de manipulation…).

Les déformations sont abordées à différentes échelles en couvrant les échelles globale macroscopique (jauges et extensométrie optique), mésoscopique (extensométrie optique) et microscopique (extensométrie optique).

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niveaux de succion et chemins hydriques

Différents chemins hydriques sont possibles pour atteindre un niveau donné de succion. Ainsi, nous nous intéressons à deux types d'histoires hydriques schématisées par la Figure 11.1 :

- des succions directes depuis l'état hydrique initial (ini→98% RH, ini→76% RH, ini→44% RH, ini→32% RH). Ces succions sont désignées aussi par désaturations mono-palier ou monotones.

- des paliers hydriques successifs dans les phases de désaturation puis de resaturation (ini→98 → 90 → 76 → 66 → 44 → 32 → 44 → 66 → 76 → 98% RH). Nous emploierons alors le terme de cyclage hydrique en désaturation/resaturation par succions successives.

Figure 11.1 - Différents chemins hydriques de désaturation/resaturation.

D'une façon générale, les indices i et s associés aux grandeurs telles que la teneur en eau, la masse, la déformation ou la célérité, se rapportent respectivement aux états initial et postérieur à la succion s, l'état i pouvant être aussi qualifié de référence4. Par la suite, par abus de langage, nous désignons les succions par leurs niveaux d'hygrométrie plutôt que par leurs niveaux de pression.

facteurs analysés

De par le grand nombre d'essais menés, nous n'avons pas pu réaliser toutes les éprouvettes à partir d'une même cellule T1, mais cependant, afin de minimiser la dispersion liée à la minéralogie, les éprouvettes sont sélectionnées par cellule5 pour isoler l'influence de chacun des paramètres suivants (cf. Figure 11.3) :

- influence de la désaturation mono-palier (θ = 90°) (cellule B), - influence du chemin hydrique (θ = 90°) (cellules A, B et D), - influence de la position des strates (θ = 0, 45 et 90°) (cellule F), - influence de la minéralogie (θ = 90°) (cellules A, B, D et F).

Cette précaution a pour but de limiter autant que faire se peut l'influence minéralogique dans les dispersions éventuelles des résultats de succions hydriques et des essais mécaniques ultérieurs. Il convient de ne pas extrapoler à toutes les couches du site le comportement identifié à une profondeur et à une minéralogie données.

Les temps de transfert sont mentionnés dans le but de détecter les temps d'équilibre hydrique ; ils ne sont utilisés en terme de vitesse de transfert ou de perméabilité comme d'autres auteurs (Pham [PHA 06] par exemple) l'analysent sur cette roche. Ces temps d'équilibre ne sont pas intrinsèques à la roche mais dépendent directement de la géométrie de l'éprouvette ainsi que de l'état hydrique initial avant succion.

4

Nous n'employons pas le terme d'état naturel qui sous-entendrait que la roche n'ait subi aucune modification depuis son prélèvement sur site jusqu'à l'ouverture des cellules au laboratoire, histoire qui nous est a priori inconnue.

5

Nous faisons l'hypothèse que les propriétés minéralogiques sont constantes au sein d'une même cellule.

état initial 98% RH 90% RH 76% RH 66% RH 44% RH 32% RH désaturation monotone depuis l'état hydrique

initial cyclage hydrique de désaturation/resaturation désaturation resaturation

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mesure des déformations

Les déformations sont mesurées au moyen :

- soit de jauges collées sur les surfaces de l'éprouvette. Les jauges sont placées par rapport à la position des strates selon la Figure 7.3. Hormis l'analyse de l'influence de la stratification sur le transfert hydrique (§ 11.3), les éprouvettes ont leur axe perpendiculaire à la stratification (soit θ = 90°). Les jauges orthoradiales sont ainsi collées sans repérage spécifique de la position des strates.

- soit par extensométrie optique par corrélation d'images acquises par moyens optiques sur les méplats polis, avant et après la succion. Les déformations sont alors calculées sur des zones d'intérêt choisies (globales ou plus ou moins locales) à l'aide du logiciel CorrelManuV développé par M.Bornert [BOR 03]. Deux échelles d'observation sont mises en œuvre (Figure 11.2) :

o l'échelle mésoscopique : les champs optiques investigués sont de l'ordre de 15×15 mm2 avec une résolution inférieure à la dizaine de microns. L'intégralité de la hauteur de l'éprouvette est ainsi observée par quatre champs contigus.

o l'échelle microscopique : cette échelle permet de s'intéresser à des détails de la microstructure avec une résolution de l'ordre de 0,7 µm pour des champs de taille 1,5×1,5 mm2

.

Comme mentionné au § 6.1, sur un même champ optique, deux images sont acquises avec un éclairage normal (qui révèle la microstructure) et avec un éclairage latéral (qui étale les niveaux de gris et ajoute du contraste spatial à une échelle plus locale, ce qui permet de réaliser l'appariement pour la corrélation). A partir des images en éclairage latéral, des corrélations entre images non déformée (avant succion) et déformée (après succion) de mêmes zones sont menées afin de déterminer les champs de déformation. L'extensométrie optique est désignée par Méso DIC à l'échelle mésoscopique et par Micro DIC à l'échelle microscopique.

image = 2048×2048 pixels champ = 15×15 mm2 1pixel = 8,8 µm réel

1 domaine de corrélation = 30×30 pixel2 ou 265×265 µm2 base de calcul des déformations =60×60 pixel2

ou 530×530 µm2

image = 2048×2048 pixels champ = 1,5×1,5 mm2 1pixel = 0,75 µm réel

1 domaine de corrélation = 30×30 pixel2 ou 22×22 µm2 base de calcul des déformations =60×60 pixel2 ou 44×44 µm2

(a) échelle Méso DIC. (b) échelle Micro DIC.

Figure 11.2 – Images utilisées en extensométrie optique pour le calcul des déformations hydriques. L

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Rappelons que nous avons défini le repère (T,L) par rapport à la géométrie de l'éprouvette (cf. Figure 7.3-a) et donc que pour la configuration θ = 90°, pour l'ensemble des images présentées dans ce Chapitre, nous avons :

- l'axe T qui correspond aux horizontales de l'éprouvette et du site. T est parallèle aux plans des strates.

- l'axe L qui correspond aux verticales de l'éprouvette et du site. L est normal aux plans des strates.

Les déformations sont comptées positivement dans le cas d'une expansion et négativement dans le cas d'une contraction.

Les déformations volumiques des éprouvettes de forme cylindrique sont données par les Equations 7.10 (cas θ = 90°) et 7.11 (angle θ autre). Cette estimation ne peut se faire qu'en supposant les déformations axisymétriques, ce qui est vrai globalement et est une hypothèse pour les mesures locales, hypothèse satisfaite si la zone considérée est représentative.

calcul de la teneur en eau en fin d'un palier de succion

Concernant les évolutions de masse au cours des paliers de succion menés depuis l'état initial i, nous adoptons la notation suivante à partir des masses mesurées avant (Mi) et après (Ms) la succion s

imposée : Équation 11.1 i i s s i M M M M = − ∆

Nous exprimons par la suite ∆Mis (exprimé en pourcentage) référencé par rapport à la masse Mi à

l'état initial (également dans les cas des paliers successifs lors du cyclage de désaturation/resaturation). La grandeur ∆Mis étant signée, le signe positif (respectivement négatif) traduit un gain (resp. une

perte) de masse.

La teneur en eau ws en fin de la succion s ne pouvant être déterminée par la méthode destructive

classique du passage à l'étuve (de par des paliers successifs et l'utilisation des éprouvettes pour la caractérisation mécanique), ws est estimée à partir de la teneur en eau initiale wi (déterminée sur un

débris proche de l'éprouvette) et des variations de masse ∆Mis .

Pour une éprouvette, nous pouvons estimer les teneurs en eau selon les relations suivantes : - à l'état hydrique initial i :

Équation 11.2 d d i eau d d d i i M M M M M M M w = − =( + )−

- à l'état hydrique après la succion s :

Équation 11.3 d d i s i i d i s i i d d i s i eaui d d d s s

V

M

M

w

M

M

M

w

M

M

M

M

M

M

M

M

M

w=

=

+

+∆

×

=

+∆

×

=

+

××

'

)

(

ρ

avec Mi et Ms les masses de l'éprouvette à l'état initial i et après la succion s,

Md la masse de l'éprouvette à l'état sec (après passage à l'étuve),

Meau i la masse d'eau présente dans l'éprouvette à l'état i,

ρd

´

la masse volumique apparente à l'état sec,

Vd le volume de l'éprouvette à l'état sec.

La masse volumique ρd

´ est déterminée à la fois sur une éprouvette cylindrique après passage à

l'étuve, et sur un débris proche préalablement séché à l'étuve, par porosimétrie au mercure au niveau de pression de mercure le plus faible (i.e. sans pénétration de mercure dans les pores de la roche). Le volume Vd d'une éprouvette à l'état sec n'est accessible que par un passage à l'étuve, ce qui est exclu

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état hydrique de succion. Pour estimer Vd, nous utilisons la mesure du volume Vi de l'éprouvette à l'état

initial (déterminée par mesure géométrique au pied à coulisse) et les déformations volumiques εvolumique

mesurées sur une éprouvette de test entre son état initial et son passage à l'étuve ; le volume Vd est

alors donné par

(1

)

volumique i

d

V

V

=

×

. Par exemple, dans le cas de la cellule B, ces déformations volumiques étant de l'ordre de -0,80%, le volume Vd est ainsi estimé selon :

V

d

=V

i

×0,992

domaines de saturation

La détermination des domaines de saturation peut se faire grâce à la courbe de retrait (dont la courbe théorique dans le cas des sols est présentée en Figure 1.5) qui décrit les relations entre teneur en eau pondérale et volume de l'éprouvette. Ce dernier est souvent exprimé par le volume spécifique c'est-à- dire le volume de l'éprouvette rapporté à sa masse sèche.

Une fois l'équilibre atteint en fin de palier, pour ne pas perturber l'état hydrique de l'éprouvette utilisée ultérieurement, nous estimons le volume en fin de succion à partir du volume initial corrigé des déformations volumiques obtenues par les jauges. La masse sèche est déterminée à partir de la masse de l'éprouvette dans son état hydrique initial, à laquelle nous ôtons la masse d'eau quantifiée par la teneur en eau wi.

Si la courbe de retrait de l'argilite s'apparente à celle des sols, il est alors possible de déterminer les domaines saturé et non saturé ainsi que la limite de retrait. Cependant, comme évoqué au Chapitre 1, la définition même de la saturation pour ce type de roche comporte des ambiguités : la saturation en milieu confiné in situ à l'échelle du massif peut ne pas être la même que celle d'une éprouvette de taille décimétrique libre de toute contrainte mécanique externe, comme dans nos bancs de succion au laboratoire.

estimation de la succion de l'état hydrique initial

Les différentes instrumentations associées aux succions permettent d'estimer une hygrométrie ou succion en équilibre avec l'état hydrique initial (c'est-à-dire de réception de la matière au laboratoire). Chaque cellule a a priori des états hydriques initiaux différents car l'histoire de chaque cellule est indépendante.

La succion initiale doit se comprendre comme la succion pour laquelle la roche dans son état hydrique initial et dans les conditions des isothermes réalisés, serait en équilibre hydrique c'est-à-dire sans échange de masse avec l'atmosphère environnante.

Pour estimer cette succion initiale, nous cherchons à retrouver sur les courbes d'évolution des paramètres physiques, les valeurs de ces paramètres lors de l'ouverture des cellules. Ainsi, selon le paramètre considéré, nous définissons plusieurs critères :

- critère α sur les masses : l'intersection de la courbe ∆Mis = ∆Mis (H ou s) 6avec l'axe des

ordonnées, soit une variation de masse nulle,

- critère β sur les déformations : l'intersection de la courbe εL, T ou volumique = ε(H ou s) avec

l'axe des ordonnées, soit des déformations nulles,

- critère γ sur les célérités : l'intersection entre la célérité VPi à l'état initial et la courbe des

célérités en fonction de l'état hydrique VPs = VPs(H ou s). caractéristiques des éprouvettes

Globalement, une trentaine d'éprouvettes ont été suivies en succion instrumentée selon les conditions synthétisées par la Figure 11.3. Pour l'ensemble des cellules, les paramètres physiques principaux de la roche à l'état hydrique initial (déterminés lors de l'ouverture des cellules) sont rappelés dans le Tableau 11.1.

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Tableau 11.1 – Données physiques des cellules à l'état hydrique de réception au laboratoire.

réfé rence cellu le T1 pr of o nde u r ρi ρgrains solides wi VPi arg iles [GAU 04] qua rt z + felds p ath [GAU 04] carbonates porosité totale n porosité connectée nHg sec m kg/m3 kg/m3 % m/s % % % % % A (Est5659) 481,10 /481,42 2 418 ± 21 2 620 6,32 ± 0,13 2 860 ± 100 49 27 26,8 ± 1 13,2 14,5 B (Est5655) 480,37 /480,69 2 403 ± 50 2 654 6,60 ± 0,21 2 800 ± 25 45 27 26,6 ± 0,8 15 15,8 D (Est5534) 451,00 /451,32 2 400 ± 45 2 660 4,98 ± 0,10 3 200 ± 40 33 29 31 ± 2 35 * 14,1 14,4 F (Est5604) 468,53 /468,82 2 415 ± 30 2 679 5,28 ± 0,15 2 940 ± 30 42 29 28,3 ± 2 26 * 14,4 14,4

Les colonnes mentionnent respectivement : la référence que nous avons affectée à la cellule T1 pour des commodités de désignation (détails au § 3.1 et Tableau 8.2), la profondeur depuis la surface, les masses volumiques ρi (à l'état