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9.2 Investigation de l'espace poral par porosimétrie par intrusion de mercure

Dans les argilites, la porosité (décrite schématiquement à la Figure 8.5) existe depuis l'échelle micrométrique jusqu'à l'échelle sub-nanométrique (en position inter-foliaire à cette dernière échelle). Rappelons que l'eau libre participant au transfert est classiquement associée aux pores de taille supérieure à 20 nm. Les observations précédentes ont mis en évidence une porosité micrométrique associée aux fissures, aux veines de pyrite et aux bioclastes. Mais les techniques d'observation employées ne sont pas adaptées pour la mise en évidence de la porosité de taille inférieure.

Afin de quantifier celle-ci, nous avons recours à la porosimétrie au mercure qui permet indirectement d'accéder à la distribution des pores selon les hypothèses énoncées au § 5.1.

Cette technique est mise en œuvre sur des échantillons (débris) provenant des différentes cellules avec deux états hydriques :

- des états secs obtenus de deux manières différentes (par étuvage à 105°C et par atmosphère à hygrométrie proche de 0% RH) permettant d'accéder à l'intégralité de la porosité connectée (dans les limites des appareils utilisés),

- un état hydraté à l'état hydrique initial de réception de la matière (soit à la teneur en eau wi).

En plus de la détermination d'un taux global de porosité, la porosimétrie par intrusion fournit des spectres exprimant le volume cumulé de mercure injecté rapporté au rayon d'entrée de pore estimé par la loi de Laplace en fonction de la pression de fluide (Équation 5.1).

Rappelons que les porosimètres utilisés permettent d'observer des tailles minimales de pore de l'ordre de 2 nm, soit jusqu'aux pores associés classiquement aux espaces inter-foliaires (cf. Figure 8.5). 9.2.1 - Porosité à l'état sec

9.2.1.1 - Séchage à l'étuve

Les échantillons sont préalablement séchés à l'étuve à 105°C pendant 48 h. Les spectres d'intrusion sont présentés dans la Figure 9.14-a avec mention du taux global de porosité en pourcentages (désigné par nHg sec et reporté aussi dans la pénultième colonne du Tableau 8.2).

Pour l'ensemble des cellules, les taux de porosité sont compris entre 14,2 et 15,8%, et les spectres ont des allures similaires présentant trois parties distinctes (séparées par des lignes verticales en pointillé sur la Figure 9.14-a) :

- [60 µm-50 nm] : le volume injecté augmente régulièrement ce qui peut être associé à la compressibilité du matériau. L'absence de pics confirme l'absence de pore connecté dans cette gamme, corroborant ainsi les observations des surfaces (optique et MEB).

- [50-8 nm] : cette gamme de rayon correspond à une classe très marquée de pores. Cette classe de pores sub-micrométriques à nanométriques est, d'après la classification donnée au § 8.1.3, associables à de la porosité d'intra-agrégats argileux et entre cristaux secondaires.

- [8-2 nm] : il ne s'agit pas d'une classe marquée de pores.

Une corrélation entre taux global de porosité et minéralogie (Tableau 8.2 et Figure 9.15) ne paraît pas évidente. Toutefois, d'après la Figure 9.14-b, la minéralogie influe sur la distribution porale : les spectres des argilites d'argilosité moyenne à forte (entre 40 et 50%, soit les cellules F, B et A) présentent des pics nets et assez larges caractérisant une famille de pores centrée autour de 15 nm et s'étalant entre 10 et 20 nm. Lorsque l'argilosité est plus importante (52% pondéraux pour la cellule E), un pic très net est visible indiquant une forte dominance de pores autour de 8 nm avec un étalement compris entre 5 et 20 nm. Au contraire, pour une faible argilosité (cellule D), la répartition est très

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étalée entre 5 et 20 nm sans pic marqué ; sauf artefact, on peut noter dans ce cas, une absence de pores inférieurs à 5 nm (du moins jusqu'à la limite basse de l'appareil, soit 2 nm).

(a)

(b)

Figure 9.14 – Spectres de porosité par intrusion de mercure pour les 5 cellules à l'état sec (étuvage).

Le volume cumulé est le volume poral total associé à des rayons de pore supérieurs à celui porté en abscisse. Pour chacune des cellules, les taux globaux de porosité sont mentionnés dans la légende.

A partir de ces spectres, nous traçons en fonction de l'argilosité le ratio des vides de taille supérieure à 20 nm par rapport aux vides globaux (encore une fois par rapport à la résolution de l'appareil soit jusqu'à 2 nm), la valeur de 20 nm correspondant à la limite inférieure des rayons des sites susceptibles d'être remplis d'eau libre selon la classification énoncée précédemment (Figure 9.15). Ainsi, plus la phase argileuse est présente, plus les pores de rayon d'accès inférieurs à 20 nm sont prédominants, ce qui devrait donc avoir des répercussions sur les propriétés de transfert (teneur en eau pour une succion donnée, cinétique de transfert…).

0 10 20 30 40 50 60 70 80 0.001 0.01 0.1 1 10 100

rayon d'entrée de pore (µm)

volume cumulé in ject é (mm 3 /g) cellule A - =14,55% - argiles : 49% cellule B - =15,80% - argiles : 45% cellule D - =14,45% - argiles : 33% cellule E - =14,24% - argiles : 52% cellule F - =14,40% - argiles : 42% nHg sec nHg sec nHg sec nHg sec nHg sec 50 n m 20 n m intrusion de mercure 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 0.001 0.010 0.100 1.000

rayon d'entrée de pore (µm)

d V/d r cellule E cellule B cellule D cellule F cellule A 20 n m

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Figure 9.15 - Porosité et ratio des pores de rayons d'entrée supérieurs à 20 nm en fonction du taux d'argiles.

Par exemple, pour le premier point en abscisse, l'axe de gauche des ordonnées doit se comprendre comme "pour une

argilosité de 33%, les pores connectés de rayon d'entrée supérieur à 20 nm représentent 60% des pores connectés globaux et la porosité globale connectée est de 14,4%".

9.2.1.2 - Séchage au dessiccateur

Une démarche identique à la précédente est réalisée avec des échantillons prélevés à proximité des précédents mais dont l'eau est retirée par passage au dessiccateur à humidité maintenue inférieure à 5% RH par gel de silice (la durée du passage au dessiccateur est déterminée lorsque la masse des échantillons est stabilisée, soit de l'ordre d'une vingtaine de jours16). Les taux de porosité et les spectres ainsi obtenus sont présentés sur la Figure 9.16.

(a) (b)

Figure 9.16 - Spectres de porosité par intrusion de mercure pour les 5 cellules à l'état sec (dessiccateur).

Pour les cellules les moins argileuses (D et F), les résultats sont similaires à ceux obtenus sur l'état sec par étuvage.

Pour les échantillons contenant plus d'argiles (A, B et E), les taux de porosité sont plus élevés après le passage au dessiccateur que après le passage à l'étuve (de l'ordre de 2 à 4% de porosité supplémentaire). Cependant, la répartition des pores selon leur rayon apparaît peu affectée par le mode

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Sur des débris autres que ceux utilisés en PIM (de volume, surface et histoire hydrique identiques), les teneurs en eau sont déterminées classiquement par un passage à l'étuve (48h - 105°C). Celles-ci sont inférieures à 0,3% massique. 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 0.001 0.01 0.1 1 rayons de pore (µm) dV/dr dessiccateur A dessiccateur B dessiccateur D dessiccateur E dessiccateur F 10 nm 20 nm 0 10 20 30 40 50 60 70 0.001 0.01 0.1 1 10 100 rayons de pore (µm) v o lume c u mulé inje c ( m m 3/g) dessiccateur A nHg = 16,1% dessiccateur B nHg = 19,4% dessiccateur D nHg = 14,2% dessiccateur E nHg = 18,2% dessiccateur F nHg = 14,3% 0 10 20 30 40 50 60 70 80 30 35 40 45 50 55 argilosité (%) ra

tio des vides de r

ayon d 'entr ée supér ieur à 20 nm (% ) 14.00 14.25 14.50 14.75 15.00 15.25 15.50 15.75 16.00 por osité nH g sec (% ) - -

ratio des pores de rayons > 20 nm

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de séchage (Figure 9.14-b et Figure 9.16-b). Les causes possibles de cette différence de volume accessible au mercure sur les cellules les plus argileuses pourraient être :

- soit une fissuration induite après passage au dessiccateur (augmentant ainsi le volume accessible au mercure),

- soit une modification du réseau poral, en particulier des refermetures des pores les plus fins lors de l'étuvage à 105°C (ce qui conduirait à une sous-estimation du volume poral accessible).

L'hypothèse de fissuration ne nous paraît pas réaliste car sur les spectres, nous ne voyons pas de nouvelles classes de pore associables à des fissures. La seconde hypothèse est plus plausible, d'autant que il n'est pas exclu que lors de l'étuvage, la température de 105°C puisse favoriser des transformations chimiques avec extension volumique, ce qui conduirait à obstruer ou refermer les capillaires fins. Toutefois, à ce niveau peu élevé de température, pour les matériaux argileux, les transformations possibles sont une déshydratation des smectites, transformation lente qui peut soit avoir tendance à diminuer le volume de la phase solide, soit au contraire provoquer un éclatement de ces particules argileuses. Dans tous les cas, l'hypothèse d'une transformation physico-chimique des matériaux argileux (déjà évoquée au § 5.1.3) est corroborée par le fait que les sous-estimations des volumes accessibles au mercure sont principalement visibles pour les matériaux les plus argileux. Dans le cadre de nos travaux, il ne s'agit que d'hypothèses qu'il conviendrait d'examiner dans le futur, par des investigations supplémentaires auxquelles les connaissances des géo-chimistes apporteraient des analyses pertinentes sur les mécanismes en jeu.

9.2.2 - Utilisation de la porosimétrie au mercure sur des états hydratés

Nous nous intéressons maintenant à des échantillons prélevés à proximité des précédents mais dont les mesures de volume poral sont effectuées à l'état hydrique initial de la roche, sans préparation particulière. Comme décrit au § 5.1.4, il ne s'agit pas de l'utilisation idoine et habituelle de la porosimétrie au mercure qui met en œuvre classiquement des échantillons exempts d'eau.

Les spectres obtenus sur les états hydriques initiaux présentent de fortes analogies avec ceux des états secs (Figure 9.17). Cependant, les volumes injectés sont moindres, conséquence de la présence de fluide dans les pores, donc d'un volume moindre accessible au mercure.

Les classes de pore sont quasiment identiques à celles observées pour les états secs (Figure 9.14). Il semblerait que soit visible aussi une seconde classe beaucoup moins marquée vers 2 µm – classe totalement absente à l'état sec – mais il convient de rester très prudent car cette gamme de rayons correspond au changement d'appareil entre celui de la gamme 400 kPa et celui de la gamme 400 MPa ; il est probable qu'il s'agisse d'un artefact.

Selon les remarques formulées au § 5.1.2, nous traitons les données de porosimétrie en corrigeant les volumes de mercure injecté (V1 dans le Tableau 9.3) de la compressibilité de l'eau contenue dans les

pores selon les Equations 5.3 et 5.4 (volume V2), ce qui permet d'estimer le volume poral connecté

total V3 par la somme des volumes d'eau ωi et de gaz V2 .

La première remarque sur ces résultats est une pénétration importante de mercure dans la roche (de l'ordre de 4,5 à 6,5% du volume total de l'échantillon soit le volume V2). Le ratio entre le volume d'eau

obtenu par la teneur en eau volumique ωi et le volume total des pores connectés estimé par V3 permet

d'accéder au degré de saturation comme défini par l'Equation 3.7. Ainsi le degré de saturation correspondant au ratio

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Vi