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5.1 Porosimétrie par intrusion de mercure 5.1.1 Principe

La porosimétrie par intrusion de mercure (PIM) consiste à introduire progressivement du mercure dans le réseau poral initialement vide de tout fluide liquide. Le mercure étant un fluide non mouillant, il ne pénètre pas naturellement ; pour le faire pénétrer dans le réseau poral, il faut donc appliquer au fluide une pression PHg, pression d'autant plus forte que la porosité est petite. La pression exercée par le

mercure est donc supérieure à la pression capillaire, permettant ainsi son intrusion. Cette méthode permet d'investiguer les structures macro- et méso- poreuses connectées.

Expérimentalement, l'échantillon est placé dans une cellule de volume connu dans lequel un vide grossier est réalisé (de l'ordre de 100 Pa) pendant quelques minutes afin d'effectuer un dégazage sommaire. Ensuite, du mercure est introduit avec une mesure précise du volume de celui-ci. Pour une pression de mercure faible, proche de la pression atmosphérique, le volume apparent de l'échantillon introduit peut a priori être déterminé, ce qui donne accès à une estimation de la masse volumique apparente.

Puis, une pression PHg est appliquée au mercure de façon incrémentale. Du mercure pénètre dans les

pores ; le palier de pression est jugé achevé lorsque le volume injecté n'évolue plus (l'équilibre hydrostatique est supposé atteint), la pression est alors augmentée pour atteindre l'incrément suivant. Le volume de mercure cumulé pénétré dans les pores VHg est mesuré pour chaque palier de pression

PHg , ce qui fournit sur l'intégralité de la gamme de pression, la courbe d'intrusion VHg = VHg(PHg). Une

démarche identique est menée lors de la décroissance de la pression en phase d'extrusion.

Afin d'identifier la totalité de la porosité connectée, il est nécessaire que ces pores soient exempts d'eau liquide. Dans ce but, un séchage doit être effectué au préalable pour les vider : classiquement, ce séchage est réalisé par un passage à l'étuve mais avec le risque de modifier la microstructure existante (possibilité de fissuration induite par le chauffage) ; le séchage peut aussi s'effectuer par mise en présence dans une atmosphère à hygrométrie très basse obtenue, par exemple, avec du gel de silice. Dans le cas de pores vides d'eau liquide, le volume de mercure injecté VHg correspond directement au

volume des pores connectés Vpo, aux corrections près des compressibilités de la roche et du mercure

selon les pressions exercées.

En faisant une hypothèse géométrique de pores cylindriques, la loi de Laplace relative aux pressions capillaires (Équation 1.10) fournit une relation entre la pression moyenne appliquée au mercure PHg et

le rayon moyen rp des pores pénétrés par le mercure à la pression PHg et peut se réécrire selon :

Équation 5.1 Hg solide Hg p

P

r

=−2σ

/

cosα

avec α l'angle de contact entre la surface solide et le mercure. Cet angle peut varier théoriquement entre 117 et 145° ; la valeur adoptée pour l'étude est de 141,3° (valeur retenue classiquement par beaucoup d'auteurs [BAR 94] [MET 92]),

σHg/solide la tension de surface du mercure(σHg = 0,474 N.m-1à une température de 21°C).

Moyennant l'hypothèse géométrique précédente de pores cylindriques, pour chaque incrément i de pression, la distribution cumulée des rayons de pores pénétrés Vp = Vp(rp) peut être identifiée à partir

de la courbe VHg = VHg(PHg) comme l'illustre la Figure 5.2-a. Une autre représentation de la

distribution porale obtenue par différentiation est souvent tracée sous la forme ∆Vp /rp = Vp /rp (rp),

ce qui permet de mettre en évidence des classes de pores (pics) caractéristiques d'une structure poreuse (Figure 5.2-b).

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(a) courbe Vp = Vp(rp) (b) courbe ∆Vp /∆rp = ∆Vp /∆rp (rp) Figure 5.2 - Exemples de courbes typiques obtenues en PIM sur des argilites.

La principale limitation de la porosimétrie au mercure est due à l'effet appelé couramment bouteille d'encre. Celui-ci se produit lorsque la distribution des rayons de pores comporte de façon discrète des classes bien identifiées et distinctes, soit en d'autres termes, des petits et des gros pores reliés entre eux.

Considérons le cas A de la Figure 5.3 avec deux gros pores (rayon R) reliés par un petit pore (rayon r), et supposons que le mercure ait déjà pénétré dans un des gros pores. Pour que le fluide pénètre dans le second gros pore, il faut que le mercure franchisse le petit pore, et donc que la pression PHg soit

supérieure à la pression capillaire Pcap(r) du petit pore. Dès que la pression de fluide atteint cette

pression capillaire, le mercure envahit à la fois le petit pore et le gros pore, si bien que le volume de mercure (volume hachuré dans le cas B de la Figure 5.3) correspondant à l'incrément de pression de fluide permettant de franchir Pcap(r), est affecté seulement à la classe de pore de rayon r et non à deux

classes de pores de tailles très différentes. Ce biais systématique à l'intrusion de mercure tend à sur- estimer les petits pores et à sous-estimer les gros pores (qu'il conviendrait de déterminer par d'autres méthodes).

En phase d'extrusion, les goulots se vident aux pressions capillaires identiques à celles ayant permis leur remplissage.

Ce biais est d'autant plus important que la distribution en taille des pores est étalée. Les techniques de porosimétrie par intrusion de fluide permettent la seule détermination des distributions des volumes associés à des rayons d'entrée des pores connectés et non la détermination des distributions des rayons des pores.

cas A – intrusion : PHg < P(r) cas B – intrusion : PHg ≥ P(r)

Figure 5.3 – Illustration de l'effet bouteille d'encre. 5.1.2 - Moyens utilisés

Les mesures par porosimétrie au mercure sont réalisées au moyen de deux porosimètres complémentaires de désignations commerciales Pascal 140 et Pascal 440. L'appareil Pascal 140 permet d'appliquer des pressions de mercure jusqu'à 400 kPa, soit d'investiguer la macro-porosité avec des rayons moyens de pores de 65 à 1,8 µm. Le second appareil (Pascal 440) permet d'injecter des pressions de 0,1 à 400 MPa, soit d'accéder à des rayons de pore de 7 µm à 2 nm environ. Un faible

Hg R r 0 10 20 30 40 50 60 70 80 0.001 0.01 0.1 1 10 100

rayons d'entrée de pore (µm)

vol u me cumul é i n ject é (m m 3/g ) 50 nm intrusion de mercure 10 nm 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 0.001 0.01 0.1 1 10 100

rayon d'entrée de pore (µm)

d V/d r

50 n

m

10 n

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vide de l'ordre de 100 Pa est réalisé préalablement à l'intrusion de mercure. Nous reviendrons en détails sur les conséquences possibles de ce vide sur des éventuels artefacts engendrés.

Comme abordé par la suite au Chapitre 8 relatif à la structuration interne des argilites, deux tailles de pore sont caractéristiques dans ces matériaux : la classe à 20 nm qui correspond à la limite des pores contenant de l'eau libre ou structurée, et la classe autour de 2 à 4 nm qui marque la distinction entre l'eau structurée et l'eau adsorbée liée en position interfoliaire (se reporter à la Figure 8.7). Ainsi pour les plus fortes pressions de mercure, celui-ci pénètre dans les pores contenant de l'eau liée.

La porosimétrie au mercure est pratiquée sur des échantillons de quelques cm3. 5.1.3 - Biais possibles introduits par un séchage préalable

La plupart des méthodes d'investigation de la structure poreuse nécessite que le réseau poral soit accessible, donc exempt d'eau résiduelle et de gaz. Pour cela, un séchage et un dégazage préalables sont réalisés. Le choix de ce pré-traitement (température, pression de vide, durée…) ainsi que le mode opératoire des appareils d'investigation (vide…) peuvent influer fortement sur les résultats obtenus, ce qui rend parfois difficile leur interprétation. Par exemple, le vide secondaire régnant dans la chambre d'un MEB conventionnel peut modifier la microstructure observée comme nous l'avons décrit au Chapitre 4. Dans le cas de la porosimétrie au mercure, différentes causes peuvent modifier les résultats obtenus ; leurs origines peuvent être :

- un séchage préalable insuffisant qui aurait pour conséquence de réduire le rayon d'entrée des pores et qui conduirait à sous-estimer la porosité et à décaler la courbe Vp = Vp(rp) vers des

pores plus fins,

- un séchage trop violent (température élevée …) qui pourrait engendrer des modifications microstructurales importantes comme du resserrement du réseau poral ou au contraire de la microfissuration,

- des effets de bord : au cours de l'essai, le mercure pénétrant par les bords de l'échantillon, les contraintes créées par la pression de mercure ne sont pas isotropes et pourraient ainsi provoquer une altération de la microstructure (élargissement des goulots, compression de l'échantillon…) en particulier aux fortes pressions.

A travers ces exemples, est perceptible l'ambiguïté de la définition d'un état sec qui n'est pas une définition absolue mais qui dépend du mode de séchage employé. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement lors de la présentation des résultats de porosimétrie au paragraphe 9.2.

Comme l'a fait remarquer Baroghel-Bouny [BAR 94], les techniques d'investigation du réseau poral ne donnent pas l'image réelle du matériau vierge. Les mesures sont le reflet d'un matériau plus ou moins altéré par des traitements préalables et nécessaires aux techniques usitées, ainsi que par certaines étapes des techniques elles-mêmes.

5.1.4 - Utilisation de la porosimétrie au mercure sur échantillons hydratés

Même si l'emploi classique de porosimétrie au mercure s'effectue sur des échantillons secs afin de connaître le volume poral connecté total, nous avons utilisé la porosimétrie par intrusion de mercure sur des échantillons plus ou moins hydratés dans le but de caractériser le volume poral occupé par la phase gazeuse seule et de connaître les rayons d'accès de pores selon l'état hydrique imposé. Ainsi, cette mesure permettrait théoriquement d'estimer un état de saturation en comparant les volumes de pores exempts d'eau liquide et le volume des pores vidés de tout fluide liquide par séchage préalable en faisant l'hypothèse d'une déformation nulle des volumes et formes des pores en fonction de l'état hydrique. Dans le cas de matériaux argileux, cette hypothèse est loin d'être réaliste, du moins à toutes les échelles de la porosité, en particulier pour la porosité la plus fine à l'échelle des feuillets d'argiles. L'intrusion de mercure sous pression dans le réseau poral contenant plus ou moins de liquide pose plusieurs questions pour interpréter les données telles que :

- le vide initial (100 Pa) effectué sur une durée courte, préalablement à l'intrusion de mercure, modifie-t-il la quantité d'eau présente dans la roche (dégazage par vaporisation de l'eau) ?

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Pour analyser ce point, nous avons effectué des mesures de masse sur des échantillons avant et après ce seul passage au vide : aucune variation pondérale n'a été détectée (du moins avec la précision de la balance utilisée qui est de 0,01 g pour des masses d'échantillon de l'ordre de 20 g soit des masses d'eau de l'ordre de 2 g).

- comment l'eau liquide est-elle affectée par l'action du mercure sous pression ?

L'eau se comprimant sous l'action de la pression transmise par le mercure, pour exploiter les données de PIM, en plus des compressibilités du mercure et du squelette lui-même, il faut tenir compte de la compressibilité de l'eau liquide, et ce en fonction de la pression sphérique appliquée.

De plus, malgré la pression isotrope appliquée extérieurement par le mercure et reprise en partie par la structure de la roche, de l'eau pourrait migrer poussée par le mercure pour les fortes pressions de celui-ci et pénétrer dans les espaces inter-feuillets modifiant ainsi les volumes poraux.

travaux antérieurs de PIM sur roches hydratées

Daupley [DAU 97] a employé la porosimétrie au mercure sur des échantillons partiellement hydratés d'argilite de Tournemire (état hydrique initial et états consécutifs à des succions contrôlées soit à des humidités de 83 et 11% RH). Pour ces trois états hydriques, deux types de préparation d'échantillons sont utilisés : d'une part des échantillons lyophilisés (congelés très rapidement), et d'autre part, des échantillons tels quels (sans préparation spécifique) dits humides. Les résultats de Daupley sont parfois contradictoires et les volumes de mercure injecté sont donnés bruts sans correction. Pour un même état hydrique, il apparaît de fortes différences sur le volume poral total et sur les classes de pores selon les deux techniques de préparation des échantillons avec eau :

- le volume de mercure pénétré dans l'état humide est 3 à 5 fois supérieur à celui de l'état lyophilisé,

- les pores de taille inférieure à 7 nm ne sont plus accessibles au mercure à l'état humide alors que des pores étaient visibles jusqu'à 3 nm pour l'état lyophilisé.

Pour les échantillons humides, il apparaît que lorsque la désaturation (ou la succion) augmente, le volume poral décroît et la taille des rayons d'accès diminue.

Plus récemment, Gasc et al. [GAS 05] ont utilisé la porosimétrie sur des échantillons d'argilite de Meuse/Haute-Marne, à succion imposée sur la gamme [0-98% RH], sans préparation spécifique. Comme dans le cas précédent, les volumes injectés sont bruts, sans correction de compressibilité du couple squelette-eau. Les données montrent que la classe de rayons d'accès à 10-15 nm (mise en évidence sur des états secs) reste présente quel que soit l'état de saturation, et que la succion imposée influe directement sur la quantité de mercure injecté avec des volumes moindres lorsque le matériau contient plus d'eau.

A travers ces deux exemples, nous voyons que l'interprétation des mesures de porosimétrie au mercure sur matériaux hydratés n'est pas aisée.

aspects physiques de PIM sur roches hydratées

Nous présentons quelques aspects physiques relatifs à l'intrusion de mercure dans un pore contenant de l'eau liquide, ce qui nous permet d'analyser les résultats obtenus dans ces conditions au § 9.2.

A un état hydrique donné, caractérisable par le niveau de succion s, le volume poral connecté total

s pore

V peut se décomposer selon la nature des phases (Figure 5.4-a) :

Équation 5.2 liqs gazs s

pore V V

V = +

avec s liq