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3.2 Définition des paramètres physiques caractéristiques

D'une façon générale, une roche poreuse peut être décrite comme un milieu hétérogène triphasique constitué d'une phase solide (elle-même, plus ou moins hétérogène selon l'échelle d'observation considérée), d'une phase liquide (eaux plus ou moins chargées, occupant différents sites dans la roche) et d'une phase gazeuse (air et vapeur d'eau). La quantité d'eau présente sous les formes vapeur et liquide confère à la roche un certain état hydrique. Nous définissons cet état comme l'état hydrique en équilibre avec une succion s (i.e. en équilibre avec une humidité imposée par la succion s).

Les différentes phases d'une roche poreuse hydratée peuvent être décrites par les schémas équivalents de la Figure 3.1.

Par la suite, nous rappelons les définitions et les méthodes d'identification des paramètres physiques caractéristiques, couramment usités en Mécanique des Roches et des Sols.

1 Les cellules T1 décrites plus en détail au § 8.3.1 sont des cylindres à base circulaire, de diamètre 80 mm et de

hauteur de 250 à 300 mm.

2 Par la suite, nous désignons par éprouvette tout cylindre re-carotté, et par morceau tout débris récupéré, sans

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- II.4

à l'état hydrique en équilibre avec la succion s

Figure 3.1 – Description schématique du milieu poreux.

M, V et ρ correspondent respectivement à la masse, au volume et à la masse volumique.

L'indice s correspond à l'état hydrique en équilibre avec la succion s, et l'exposant ' aux grandeurs apparentes. La masse de gaz Mgaz est négligée par la suite.

3.2.1 - Masses volumiques et teneur en eau

La masse volumique apparente ρs' à l'état hydrique en équilibre avec la succion s est déterminée par

la mesure de la masse de l’échantillon Ms et par la mesure géométrique de son volume apparent Vs'

(déterminé par les mesures de dimension au pied à coulisse dans le cas de géométrie d'échantillon cylindrique à base circulaire) selon :

Équation 3.1

's

s s′=MV

ρ

La masse volumique des grains solides ρsolide est mesurée à l'aide d'un pycnomètre à gaz3 permettant

d’estimer le volume réel d’un petit échantillon de roche réduit en poudre. Pour déterminer ce volume, cette méthode utilise le déplacement d’un fluide (hélium gazeux).

On peut définir la masse volumique apparente du matériau à l’état sec après dessiccation4 ρ

d

'

comme le rapport de la masse Md et du volume apparent Vd

'

d’un échantillon ayant subi une

dessiccation (étuve à 105°C pendant 24 heures). Les mesures du volume s'effectuent après passage à l’étuve, soit par mesures géométriques directes, soit par déplacement de fluide. Cependant, une limitation importante de cette méthode est une possible fissuration de la roche lors du passage à l'étuve.

Les masses volumiques estimées à partir de mesure de masse (au moyen d'une balance de précision de 0,01 g) et de mesures géométriques (au pied à coulisse de précision de 0,1 mm), ont une incertitude absolue inférieure à 0,3 %.

La teneur en eau massique w se définit simplement par le rapport entre la masse d'eau et la masse de solide. Sa détermination expérimentale suppose la définition d'un état sec de référence (obtenu par dessiccation à l’étuve à 105°C pendant 24 heures). La teneur en eau ws à l'état hydrique en équilibre

avec la succion s, est alors déterminée par les masses Ms de l'éprouvette à cette humidité, et Md du

même morceau après dessiccation, selon le rapport (souvent exprimé en %) :

3 Un échantillon de masse M et de volume recherché V

e est introduit sous forme pulvérulente dans la cellule du

pycnomètre, dont le volume Vc est connu précisément. Un gaz non réactif avec l'échantillon (hélium dans notre

cas) est confiné dans la cellule avec une pression P1. Ce gaz est ensuite libéré dans un volume de détente connu

V2 et la pression de détente P2 est alors mesurée. La loi de Mariotte fournit la relation suivante : (P1-Patm) V1 =

(P2-Patm) V2 avec Patm la pression atmosphérique et le volume V1correspondant au volume occupé par la gaz

avant la détente soit V1 = Vc - Ve. Ainsi le volume réel de poudre Ve peut être déterminé.

Pour la détermination de la masse volumique des grains solides, est introduite de la poudre de roche sèche de masse Msolide ; le volume Vsolide est alors déterminée ce qui permet de connaître ρsolide selon

solide solide solide

V

M

=

ρ

4 L'indice d (dry) fait référence aux états secs.

solide liquide

gaz

volume apparent

V

s', masse Ms

V

s'=Vsolide+ Vliquide+ Vgaz

masse volumique apparente ρs' Ms =Msolide+ Mliquide + Mgaz

ρgaz, Vgaz, Mgaz

ρliquide, Vliquide, Mliquide

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- II.5 Équation 3.2 d d s s M M M w = −

Malgré les remarques sur les différents types d'eau (évaporable par un passage à l'étuve et non- évaporable, cf. § 8.1.4), nous faisons l'hypothèse que le passage à l'étuve ôte toute l'eau contenue dans la roche si bien que la masse de l'échantillon après passage à l'étuve correspond à la masse de la phase solide Msolide , soit :

Md ~ Msolide

L'incertitude absolue de la mesure des teneurs en eau est de l'ordre de 0,3 %.

La teneur en eau volumique ω se définit par le rapport entre le volume d'eau liquide contenue dans un échantillon et le volume total de l'échantillon

V

s' selon :

Équation 3.3 ' s liquide V V =

ω

La connaissance des masses volumiques des phases solide et liquide, ainsi que la porosité n (définie ci-après) permet de déterminer l'équivalence suivante entre ws et ω selon :

Équation 3.4

)

1

1

(

n

n

w

liquide s solide

+

=

ρ

ρ

ω

Le passage de la teneur en massique à la teneur en eau volumique peut aussi être exprimée en fonction de la masse volumique du liquide et de la masse volumique apparente de la phase solide, selon :

Équation 3.5 liquide s solide w

ρ

ρ

ω

= '

Les teneurs en eau sont des paramètres définis à l'échelle macroscopique qui ne permettent pas de fixer l'état hydrique de la roche ; en ce sens, il ne s'agit pas de variables d'état.

3.2.2 - Porosité

La porosité totale se définit comme le volume total des pores Vp

t (occupés par les phases liquide et

gazeuse) rapporté au volume apparent

V

s'. Cette porosité est communément désignée par l'indice des

vides noté n. La porosité totale peut aussi s'exprimer à partir des mesures de la teneur en eau ws, des

masses volumiques apparente et des grains solides ρs'etρsolide à l'état hydrique en équilibre avec la

succion s, selon : Équation 3.6

=

'

=

+

'

=

'

'

=1−

('

+1)

s solide s s solide s s liquide gaz s t p

w

V

V

V

V

V

V

V

V

n

ρ

ρ

Cette définition quantifie les pores de façon globale sans prendre en considération la géométrie ou l'organisation de ceux-ci. En particulier, la porosité totale se décompose en une porosité connectée ou ouverte, et une porosité occluse. Il est important de pouvoir quantifier la porosité ouverte qui joue un rôle prépondérant dans les échanges hydriques.

'

'

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- II.6

La porosité définie selon l'Équation 3.6 cumule les erreurs de détermination des masses volumiques et de la teneur en eau ; on peut estimer la précision de n de l'ordre de 1%.

La technique de porosimétrie par intrusion de fluide (Chapitre 5) fournit une quantification de la porosité ouverte, permettant d'accéder au volume et à la distribution géométrique des pores ouverts et accessibles au fluide (typiquement pour le mercure, des pores de diamètre de 2 nm à 60 µm). La porosité occluse se déduit donc des données de l'indice des vides et de la porosité connectée.

3.2.3 - Degré de saturation

Le degré de saturation S se définit par le rapport entre le volume de l'eau liquide Vliquide et le volume

des pores Vpore :

Équation 3.7 pore liquide

V

V

S=

avec liquide d s iquide l liquide liquide

w

M

M

V

=ρ

=ρ×

solide d d d solide apparent pore

V

V

M

M

V

=

=ρ

ρ

' d'où Équation 3.8 ) 1 1 ( 1 ' solide d liquide s w S

ρ

ρ

ρ

=

Il est aussi possible d'utiliser une formule ne faisant pas intervenir ρd :

Équation 3.9 n n w S solide liquide s − =

ρ

ρ

1

D'après cette dernière équation, la précision du degré de saturation peut être estimée à 3%. A partir de ces définitions, il est possible d'exprimer la teneur en eau à saturation notée WS=1 :

Équation 3.10

n

n

W

solide liquide S

=

=

1

1

ρ

ρ

Par définition, la saturation correspond au remplissage total des pores (du moins des pores connectés) par de l'eau liquide, c'est-à-dire une absence de gaz (air et vapeur d'eau) dans les pores. Cependant contrairement à des roches poreuses au squelette rigide (des grès par exemple), dans une roche argileuse, selon les proportions de phases argileuses gonflantes telles que les smectites (sodiques en particulier), le volume des pores se déforme fortement en présence d'eau, en particulier lors des succions imposées en laboratoire sans contrainte mécanique extérieure. La notion de saturation est ambiguë et ne correspond plus au remplissage des pores mais à l'avidité en eau de la roche. L'estimation du volume poral à partir du volume déduit des mesures des masses sèches et de la masse volumique sèche apparente tend à minimiser le volume poral, ce qui peut conduire (en plus des incertitudes de mesure) à des degrés de saturation largement supérieurs à 1 pour des faibles succions.

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- II.7

A partir de ces constatations, nous préférons utiliser un autre paramètre pour rendre compte de la capacité de rétention d'eau sur la gamme d'humidité investiguée à savoir entre 0 et 98% RH. Ainsi, nous définissons la teneur en eau pondérale normalisée w~ qui correspond au rapport entre la teneur s

en eau ws après la succion s et la teneur en eau w98% RH obtenue après la succion à l'hygrométrie de

98% RH :

Équation 3.11

w~s=w

98

w

%sRH

Par la suite, nous mentionnons cette teneur en eau normalisée dans le seul but d'établir des comparaisons entre les différentes hygrométries que nous mettons en œuvre. Nous sommes tout à fait conscients de la limitation d'une telle normalisation car comme nous l'avons cité précédemment, l'hygrométrie de 98% RH ne permet pas d'atteindre la saturation. Pour l'atteindre, il eût fallu utiliser des techniques autres que les solutions salines, comme les techniques tensiométriques qui permettent d'obtenir des succions bien plus faibles que celle de 2,8 MPa (correspondant à 98% RH).

3.2.4 - Composition minéralogique

Le calcimètre Bernard permet de déterminer la teneur en carbonates de calcium présents dans la roche. La méthode est basée sur la mesure du volume de gaz carbonique dégagé par la décomposition de ces carbonates avec de l'acide chlorhydrique concentré, selon l'équation de réaction suivante :

Équation 3.12 CaCO3 + 2HCl → Ca++ + 2Cl- + H2O + CO2

La roche est préalablement broyée afin de maximiser la surface d'échange pour la réaction entre la roche et l'acide. Des essais d'étalonnage sont systématiquement réalisés sur de la poudre pure de CaCO3 avant chaque mesure sur roche.

La précision de la calcimétrie qui met en œuvre une pesée de poudre de roche et une mesure de volume de gaz carbonique par burette graduée, peut être estimée autour de 0,5 % à partir de la lecture seule des instruments utilisés. Cependant, une cause importante d'erreur est une réaction incomplète entre la roche et l'acide chlorhydrique, de par une mouture trop grossière de la poudre obtenue et une mauvaise qualité du mélange acide-poudre.

Ne disposant pas de moyens de détermination des autres phases constitutives (argiles, quartz, feldspath, pyrite…), les autres données minéralogiques des argilites sont extraites de la littérature, à partir de l'étude exhaustive de la minéralogie effectuée par Gaucher et al. [GAU 04] sur des carottes prélevées dans le même forage et à des profondeurs très proches de celles des éprouvettes utilisées au cours de nos travaux.

Dans la présentation des résultats, nous nous appuyons sur ces données dans le but de corréler les caractéristiques minéralogiques aux différentes propriétés physiques et mécaniques investiguées. 3.2.5 - Célérité des ondes élastiques ultra-sonores

Les célérités des ondes élastiques de compression P (VP) et de cisaillement S (VS) sont déterminées

afin de caractériser de façon relative divers états de la roche (à l'état de prélèvement ou à la suite de sollicitations hydriques, mécaniques pures ou couplées).

La mesure de la célérité consiste en une mesure du temps de propagation mis par l'onde ultra-sonore (émise à travers un transducteur piézoélectrique, excité par un générateur électrique) pour effectuer le trajet entre deux faces opposées d’une éprouvette dont la distance est mesurée au pied à coulisse (Figure 3.2). Les ondes élastiques se propagent dans le matériau à des vitesses dépendant des phases rencontrées ; la célérité des ondes est plus importante dans la matière solide dense que dans les phases gazeuse et liquide. Les célérités sont donc sensibles à la structuration interne de la roche (en particulier

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à une anisotropie de type stratification) mais aussi à la présence d'eau dans les pores, de fissures ou d'éventuelles hétérogénéités minéralogiques.

Figure 3.2 – Mesure des célérités des ondes ultra-sonores.

La célérité qui est le rapport entre une longueur (mesurée au pied à coulisse de précision 0,1 mm) et un temps (mesuré sur un oscilloscope numérique avec une incertitude absolue de l'ordre de 0,5 %), est déterminée avec une incertitude de l'ordre de 0,8%.

Les déterminations des célérités permettent d'une part d'effectuer des comparaisons entre différentes zones de prélèvement et entre différents états hydriques, et d'autre part, d'estimer des paramètres d'élasticité selon le cadre de la théorie de l'élasticité linéaire (§ 7.5). De plus, nous nous servons de cette technique pour repérer la position des strates comme nous le décrit au Chapitre 7.

…..

….

….

générateur émetteur récepteur oscilloscope éprouvette temps de vol T distance parcourue L célérité V=TL

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