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2.1 Comportements mécaniques macroscopiques et mécanismes de déformation

Les réponses à différents types de chargements mécaniques (compressions uniaxiale ou triaxiale, traction, extension, fluage, relaxation…) couplés ou non avec d'autres sollicitations (thermique, hydrique, chimique…) permettent de définir des classes de comportement instantané et différé afin d'élaborer des critères d'usage des ouvrages.

Les grandes classes de comportement mécanique macroscopique des matériaux se distinguent à partir des relations entre contrainte et déformation, en particulier sur le critère de réversibilité des déformations. Des cycles de charge-décharge sont classiquement réalisés afin d'effectuer ce classement.

La réversibilité (Figure 2.1-a) traduit un comportement d'élasticité, linéaire ou non. Au contraire, lorsque des déformations irréversibles apparaissent pour des niveaux de contrainte moyens à élevés et au dessus de la zone d'élasticité caractérisée par la limite d'élasticité σe (Figure 2.1-b), les déformations

sont qualifiées de plastiques et le comportement d'élastoplastique. Ce dernier terme est ambigu : le comportement identifié classiquement de façon macroscopique peut regrouper plusieurs phénomènes physiques de déformation c'est-à-dire à la fois de la plasticité et de l'endommagement. La plasticité stricto sensu s'entend par l'apparition de déformations permanentes avec continuité de la matière. Ces déformations permanentes peuvent être associées à des déplacements de défauts d'empilement d'atomes (dislocation) dans des corps cristallins (comme observé dans le sel par exemple) ou à des roulements entre grains. L'endommagement correspond à une détérioration progressive du matériau soussollicitation avec apparition et développement de nouvelles surfaces de non-adhérence.

(a) comportements réversibles (b) comportement non-réversible. (c) comportement élasto-plastique

linéaire (1) et non-linéaire (2). parfait (1), avec écrouissage positif

ou durcissant (2), avec écrouissage négatif ou radoucissant (3).

Figure 2.1 – Exemples de comportements mécaniques.

Le comportement réel des roches est souvent une combinaison des deux modes fondamentaux présentés que sont l'élasticité et la plasticité, modes auxquels se rajoute le comportement visqueux. Classiquement, on distingue les modes globaux ductile et fragile que l'on peut illustrer par les exemples suivants, sachant que des intermédiaires entre ces modes existent selon le type de roche ou les conditions d'essai (vitesse de sollicitation, confinement, conditions drainées ou non…) :

- une craie se rompt progressivement avec de grandes déformations, ce qui caractérise un mode ductile,

- au contraire, des granites se rompent de façon brutale avec des macro-fissures de grande taille ; le mode de rupture est qualifié de fragile.

ε σ ε σ 1 2 σe ε σ σe 1 2 3

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Les paramètres mécaniques (résistance, modules, déformations maximales, seuil de dilatance) et les modes de rupture sont fortement variables d'une roche à l'autre, avec une dépendance par rapport à l'état hydrique dans le cas de roches poreuses et/ou comportant des phases réactives à l'eau (milieux argileux en particulier) ainsi qu'une dépendance vis-à-vis des conditions d'essai.

Les essais de compression uniaxiale sont simples de mise en œuvre et permettent d'accéder pendant l'essai à la surface de l'éprouvette, ce qui présente le fort intérêt de pouvoir suivre les évolutions microstructurales par l'intermédiaire de méthodes optiques comme mises en œuvre par la suite. L'inconvénient principal du mode uniaxial par rapport à des conditions avec confinement est une propagation plus instable des fissures présentes avant l'essai ou initiées lors du chargement, ce qui peut conduire à une certaine dispersion des résultats (au contraire, le confinement tend à stabiliser la propagation des fissures). De plus, les conditions uniaxiales ne permettent pas de prendre en compte différents taux de triaxialité, ce qui est limitant pour l'analyse du comportement mécanique des roches qui dépend le plus souvent de la pression.

Pour l'ensemble des essais réalisés au laboratoire, le comportement et les propriétés mécaniques sont identifiés à partir d'éprouvettes de dimension centimétrique ou décimétrique. Se posent alors des questions de représentativité des éprouvettes par rapport au massif dont elles sont extraites, comme en particulier :

- la variabilité des propriétés mécaniques au sein d'un massif ou d'une formation : certains massifs géologiques présentent des macro-hétérogénéités (fractures ou failles majeures) qui ne peuvent être contenues dans l'éprouvette. A une échelle moindre comme celle des éprouvettes de laboratoire, peuvent exister des discontinuités et hétérogénéités (composition minéralogique, micro-fissures, veines, bioclastes…) ou des directions privilégiées (stratification…). La zone et la direction de prélèvement ainsi que les dimensions des éprouvettes (ces paramètres définissent l'échantillonnage) sont donc des éléments déterminants. En effet, un prélèvement dans une zone macro-fissurée6 ne permet pas de tester la roche intrinsèquement mais plutôt la structure "roche intrinsèque + macro- fissures présentes". En outre, en utilisant des éprouvettes petites au regard de la taille des grains minéraux la composant, un effet d'échelle apparaît, se traduisant par une dépendance des propriétés mécaniques vis-à-vis de la taille de l'éprouvette.

De plus, comme nous le verrons par la suite, dans le cas du site de Bure, la seule indication "argilite de tel site" ne suffit pas à décrire correctement le matériau. De par la variabilité minéralogique (liée à la genèse), la roche a des caractéristiques microstructurales dépendant de sa zone de prélèvement. Ces variations minéralogiques imposent de corréler les paramètres mécaniques issus des essais avec des paramètres physiques représentatifs de la roche (phases, porosité, anisotropie structurale…).

- le prélèvement qui induit des traumatismes importants comme du déconfinement mécanique et des modifications physico-chimiques par mise à l'air (désaturation hydrique, oxydation, activité bactérienne …). Ces phénomènes peuvent influencer le comportement mécanique et doivent par conséquent être limités pour que l'éprouvette testée au laboratoire soit proche et représentative de la roche in situ.

La Figure 2.2 montre une courbe globale typique de compression dans le plan contrainte-déformation σ−ε (les déformations de contraction sont systématiquement comptées positives) dans lequel sont reportées les déformations axiale, circonférentielle et volumique. Classiquement, pour la majorité des roches et des bétons, la communauté s'accorde depuis les années 1970, pour décomposer l'essai de compression en un certain nombre de domaines pour lesquels sont associés des mécanismes physiques. Cependant, ces processus physiques décrits parfois à des échelles sub-micrométriques dans le but d'expliquer le comportement macroscopique, n'ont pas systématiquement été directement mis en

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en supposant que la roche garde une cohésion suffisante afin de rester dans un cadre de milieu continu hors du contexte de matériau granulaire.

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évidence. Nos travaux cherchent à appréhender ces mécanismes par le biais de techniques mises en œuvre conjointement à l'application de la sollicitation.

Figure 2.2 – Phases principales de déformation lors d'un essai de compression uniaxiale monotone cité par Haïed [HAÏ 95].

Les déformations sont mesurées par des jauges de déformation millimétriques collées sur la surface de l'éprouvette.

Pour chacun des domaines subdivisés classiquement, sont rapportés les comportements et mécanismes suivants :

domaine 1 : serrage : le serrage se manifeste après la phase de contact et de mise en place des plateaux de compression, et éventuellement de l'écrasement de la rotule si cette dernière est utilisée pour la coaxialité de l'application de la charge. Le serrage, se produisant à un niveau faible de contrainte, se traduit par une contraction de l'échantillon correspondant à la fermeture, élastique ou non, de pores et de microfissures préexistantes dans le matériau. Le matériau tend à devenir de plus en plus rigide. La phase de serrage diminue lorsqu'une pression de confinement est appliquée au préalable.

domaine 2 : élasticité : une zone d'élasticité linéaire ou non-linéaire peut s'étendre jusqu'à 40 à 50% de la résistance. La déformation volumique est contractante. Aucun processus de microfissuration (ré-ouverture de fissures pré-existantes ou création de nouvelles fissures) n'est actif. Les déformations sont attribuables à des déformations élastiques des grains et des pores. En plus des déformations élastiques des grains, dans le cas d'une phase non-linéaire, des déplacements faibles des grains surviennent avec une dissipation d'énergie associée à ce glissement, ce qui conduit à des hystérésis sur les cycles de charge-décharge [PAT 78]. La rigidité de la roche est affectée par la pression de confinement et augmente avec celle-ci.

domaine 3 : seuil de microfissuration : généralement entre 30 et 60 % de la résistance, l'accroissement de la contrainte déviatorique entraîne l'apparition des premières fissures (amorçage et propagation stable), ce qui se traduit par une dilatance (visible aussi sous confinement).

domaines 4 et 5 : microfisuration : la microfissuration s'intensifie avec création de nouvelles fissures et propagation/coalescence de fissures. Le confinement tend à propager les fissures de manière plus stable qu'en conditions uniaxiales.

domaine 6 : propagation instable de la fissure : cette phase, se situant dans le quart supérieur de la courbe de compression jusqu'au pic de rupture, correspond à une propagation instable de la microfissuration. Les déformations dans l'éprouvette deviennent fortement inhomogènes et localisées. Phase I serrage domaine 6 domaine 5 domaine 4 domaine 2 domaine 3 domaine 1 Phase II élasticité Phase III propagation stable Phase IV propagation instable

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domaine 7 : post-pic : le domaine post-pic prend tout son sens en conditions triaxiales et correspond à de l'endommagement progressif, initié par un mode en cisaillement menant à l'effondrement total de la roche. Cet effet post-pic est fréquemment observé sur les bétons avec une dépendance vis-à-vis de sa composition (en particulier du rapport eau/ciment) [BUR 05].

A partir de ces sept domaines, nous définissions quatre phases principales (Figure 2.2) qui se rapportent successivement au serrage, à l'élasticité, à l'initiation et la propagation stable des fissures et enfin la phase de propagation instable menant à la ruine.

Ainsi à partir de leur teneur en eau et de leur module d'élasticité en compression, les roches argileuses sont classiquement distinguées en deux groupes de matériaux :

- les argiles plastiques, en général de faible profondeur, de teneur en eau supérieure à 10% et de module de Young n'excédant pas 500 MPa,

- les argiles raides de teneur en eau moindre (1-10%) et de module de Young supérieur à 2 000 MPa. Se situent dans cette catégorie, l'argilite de Meuse/Haute-Marne ainsi que celle de Tournemire à laquelle il est fait référence dans nos travaux.

La provenance, la teneur en eau et le module de Young (perpendiculaire à une éventuelle stratification) de quelques roches argileuses françaises et belge, ayant fait l'objet d'études plus ou moins récentes, sont données en Figure 2.3.

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2.2 - Rupture en mode localisé

A partir des éléments précédents établis macroscopiquement, un phénomène de fissuration est défini sans que soient spécifiés des paramètres des micro-fissures (morphologie, énergie …). Cependant, sont mis en évidence des modes de localisation des contraintes, des déformations ainsi que de la micro-fissuration.

Dans ce paragraphe, nous nous attachons à décrire quelques phénomènes de localisation fréquemment rencontrés dans les roches, ainsi que les techniques et méthodes disponibles pour les identifier.

2.2.1 - Modes de fissuration, localisation

La fissuration se met en place au cours du chargement à partir d'un certain seuil (phase III de la Figure 2.2) et conduit progressivement à la ruine de l'éprouvette.

Le processus de micro-fissuration dépend des concentrations de contrainte à une échelle locale qu'il convient de préciser. Le développement de ces micro-fissures est directement influencé par les hétérogénéités locales (pores, certaines phases solides, micro-fissures pré-existantes…) et par l'organisation des différentes phases (orientations privilégiées, morphologie…). Dans le stade ultime de déformation avant rupture, l'augmentation de la quantité des espaces ouverts dans la roche se poursuit avec une compétition entre la propagation des "vieilles" fissures ouvertes dans les stades précédents et la création de nouvelles fissures. De plus, outre la densité et la taille des micro-fissures, l'orientation de celles-ci par rapport à la direction de la contrainte principale majeure joue un rôle déterminant comme le font remarquer Brace et al. [BRA 66].

Malgré toutes les précautions expérimentales prises pour effectuer un chargement macroscopique homogène, la distribution spatiale des nouvelles micro-fissurations devient hétérogène, avec une forte localisation dans un espace de petite taille comme le souligne Wong [WON 82]. Par exemple, dans le cas d'un granite soumis à une compression triaxiale (confinement de 250 MPa), cet auteur a mis en évidence, par observations au microscope électronique à balayage (lame mince), d'une part, une zone très fine, de densité élevée de fissures (enchevêtrées et orientées de 15 à 45° par rapport à l'axe de chargement), et d'autre part, des fissures isolées coaxiales au chargement. D'une façon plus générale, les études et les observations disponibles dans la littérature s'accordent pour incriminer le processus de localisation spatiale de la micro-fissuration dans le mode de rupture fragile, fréquemment observé dans les roches. Les plans de rupture visibles macroscopiquement après essai sont généralement inclinés par rapport à la contrainte principale, ce qui laisse supposer l'existence d'une ou plusieurs bandes macroscopiques de cisaillement avant la rupture.

D'une façon générale dans le phénomène de fissuration, il est d'usage de considérer trois modes élémentaires (tout autre s'en déduisant par combinaison). Ces trois modes sont désignés par I, II et III : le mode I est associé à une traction perpendiculaire au plan de la fissure, ce qui traduit un mode d'ouverture ; les modes II et III sont des modes de cisaillement respectivement perpendiculaire et parallèle au fond de la fissure.

Plus localement, certains auteurs suggèrent que les fissures sont, dès leur apparition, le résultat d'une traction locale, qu'elles sont de petite dimension et disposées en échelons parallèlement à la contrainte majeure avec possibilité de chevauchement. Peng et Johnson [PEN 72] ont suggéré l'hypothèse de "colonettes" délimitées par des fissures axiales, et soumises à des efforts de flexion dans les stades ultimes au moment de la rupture conduisant à des fissures de liaison reliant les "vieilles" fissures axiales. Ce scénario est corroboré par les observations citées précédemment de Wong (modes I et II). Haïed [HAI 95] propose divers scénarii d'intensification de la fissuration et de connexions entre les micro-fissures initiées dans la phase III de la Figure 2.2, selon leur orientation (Figure 2.4).

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(a) (b) (c) (d)

Figure 2.4 – Scénarii de liaison entre fissures proposés par Haïed [HAI 95].

(a) : les premiers stades de fissuration ont créé des fissures de traction petites et peu inclinées par rapport à l'axe vertical de sollicitation. Du cisaillement se développe entre ces fissures et des coalescences de fissures s'opèrent dans la direction des fissures initiales.

(b) et (d) : des fissures axiales ou inclinées se regroupent en réseau et des fissures de liaison joignent les fonds des fissures principales, provoquant la formation de colonnettes ou des bandes locales de concentration de déformation et de fissures.

(c) : il s'agit de fissures axiales formant par déplacement latéral un réseau de fissures connectées en échelons.

Afin d'appréhender le comportement d'un ouvrage sur le long terme dans le cadre de la Sûreté Nucléaire, il convient de détecter les mécanismes de fissuration et leurs domaines d'apparition en fonction du chargement exercé. Dans le cas d'une excavation souterraine à grande profondeur, Bérest et al. [BER 79] font la remarque que le seul dépassement de la limite d'élasticité n'est pas inconciliable avec la stabilité d'un ouvrage, l'apparition d'écaillage en paroi pouvant être compatible avec les conditions d'utilisation. Dans le cas d'un ouvrage destiné au stockage des déchets radioactifs, les conditions d'utilisation sont très particulières car vis-à-vis de la Sûreté Nucléaire, l'étanchéité doit être préservée.

Le seuil de localisation des déformations marque la transition d'un mode de micro-fissuration diffuse à un mode de fissuration localisée, initiant la rupture. A la différence d'autres classes de matériaux, les roches ont dans leur état "naturel" non-contraint, un ensemble de discontinuités à des échelles diverses (de la faille régionale d'un massif à des micro-fissures à l'échelle sub-micrométrique), qui jouent un rôle important dans le comportement du matériau. Ceci pose les problèmes évoqués précédemment de l'échantillonnage des éprouvettes de laboratoire, mais induit aussi une difficulté supplémentaire pour distinguer les micro-fissures "intrinsèques" de celles consécutives au chargement mécanique.

Finalement, la littérature met en évidence la complexité du comportement fragile d'une roche associé aux mécanismes de micro-fissuration, depuis l'amorçage jusqu'à la coalescence finale et catastrophique des fissures. Diverses théories cherchent à prédire le comportement mécanique de tels matériaux comme la mécanique de l'endommagement, la mécanique de la rupture ou la théorie de la bifurcation. Cette dernière à travers à la fois des travaux anciens et actuels cherche à décrire la localisation des déformations et des discontinuités associées ; sans être exhaustif, citons par exemple les travaux fondateurs d'Hadamard en 1903, de Hill en 1961 et de Mandel en 1964, ainsi que les travaux de Rudnicki et Rice en 1975 [RUD 75] qui proposent une formulation quasi-statique de la théorie de la localisation des déformations pour une application aux géo-matériaux.

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- I.19 - 2.2.2 - Détection expérimentale

La mise en évidence expérimentale des localisations des déformations et de la fissuration, a pour objectifs l'identification des mécanismes d'émergence des bandes de localisation et des paramètres caractéristiques de ces bandes (position, épaisseur, distribution spatiale vis-à-vis de la microstructure, orientation).

La littérature montre qu'un grand nombre de techniques ont été utilisées, chacune apportant des informations spécifiques et complémentaires. Ces techniques peuvent fournir des mesures directes ou indirectes, être destructives ou non, et être simultanées ou non au chargement (dans ce dernier cas, il convient alors d'arrêter l'essai ou de le démonter pour pratiquer la mesure). Nous décrivons très sommairement quelques techniques employées dans des essais sur roches (pour plus de détails sur chacune d'elles, le lecteur pourra se reporter aux travaux de Haïed [HAI 95]).

a - Observations directes de la micro-fissuration

Une manière directe de mettre en évidence la micro-fissuration consiste à faire des observations microscopiques à partir de lames minces ou sur des répliques (empreinte). Les surfaces investiguées peuvent être soit les surfaces extérieures de l'éprouvette, soit des surfaces sur des découpes prélevées dans le volume de l'éprouvette. Ces deux techniques destructive pour la première et non destructive pour la seconde (du moins dans le cas de répliques sur surfaces extérieures) nécessitent d'arrêter ou de démonter l'essai. Le déchargement ainsi que l'usinage des lames minces peuvent induire des artefacts (micro-fissurations supplémentaires ou au contraire refermeture des micro-fissures induites). L'arrêt de l'essai pour pratiquer des répliques est souvent associé à une relaxation, ce qui peut aussi induire des modifications microstructurales qui s'ajoutent à celles que l'on souhaite observer.

D'autres techniques plus lourdes de mise en œuvre et détaillées ultérieurement (Chapitre 4) existent comme les observations sous tomodensitométrie (scanner de type médical) ou sous faisceau synchrotron (ESRF à Grenoble ou dans un futur proche, SOLEIL à Saclay) permettant d'observer les champs de déformation sous chargement et en volume, comme le montrent les deux exemples suivants : - des observations au scanner médical ont permis, sans découpe, de mettre en évidence un mode de fissuration hélicoïdal (Figure 2.5) dans une structure de type tube épais, soumise à un confinement externe et à une pression interne variable [VAL 03].

- sur de la marne de Beaucaire, Viggiani et al. [VIG 94] ont réalisé des coupes tomographiques simultanément à un chargement triaxial, à différents niveaux de déformation macroscopique et à deux hauteurs d'une éprouvette. Ils observent une localisation de la déformation structurée à la fois en petites bandes de localisation dilatantes et en fissures ouvertes. Ces bandes (de 40 à 50 µm d'épaisseur) apparaissent très concentrées, sans densité de fissures décelables7 autour de celles-ci.

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Sur la ligne ID15 utilisée dans les travaux de Viggiani et al., la résolution d'un élément cubique volumique est de 14×14×14µm3

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Figure 2.5 - Observation au scanner médical d'une éprouvette tube épais après essai [VAL 03].

Figure 2.6 – Courbe σ−ε et coupes reconstruites en 2D dans un essai triaxial sur de la marne de Beaucaire [VIG 94].

b - Mesures quantitatives volumiques

Un grand nombre de grandeurs physiques de nature différente peut être mesuré continûment au cours du chargement, et leurs évolutions peuvent être associées à des modifications microstructurales au sein du matériau.

Par exemple (Figure 2.7), Paterson [PAT 78] associe aux différentes phases d'un essai de compression,