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situe pas tant en matière de créativité mais de

Dans le document 98-99 : Liberté, citoyenneté, bibliothèque (Page 109-111)

visibilité

I N T E R V I E W M E N É E P A R C É L I N E M E N E G H I N

JOUEZ !

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A BLIND LEGEND

Vous incarnez un chevalier aveugle dont la femme est retenue prisonnière par votre pire ennemi et qu’il vous faudra délivrer au mépris de moult périls� Développé pour non-voyants mais pas seulement, A Blind Legend est une nouvelle expérience de jeu : la tablette n’affiche aucune image et permet simplement de combattre ou de vous déplacer� Le travail fait sur l’environnement sonore est impressionnant : on y joue les yeux fermés, bercé par son univers invisible� Voilà une expérience à proposer à tout public�

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JOU E Z !

Si vous n’êtes

pas sur une

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distribution, votre

jeu n’existe pas

BIBLIOTHÈQUE(s) : Au sujet de mise en avant des jeux indépendants, pouvez-vous nous parler des IndieCade que vous co-organisez ?

L. C. :

IndieCade est un festival et non un salon du jeu vidéo, l’objet est de faire

découvrir une sélection de jeux culturels et artistiques et non de vendre des licences. Le meilleur moyen de présenter des créations originales reste les fes- tivals. Le spectre de création est très divers, expérimental, les créateurs de toute l’Europe se déplacent sur ces festivals et viennent avec beaucoup d’en- thousiasme car ils savent pouvoir échanger et partager des expériences ori- ginales. Les festivals sont également le meilleur vecteur pour amener cette culture vidéoludique au grand public, les familles, les enfants, car le contexte particulier de l’événement donne l’envie et l’occasion de tester.

BIBLIOTHÈQUE(s) : Les IndieCade de cette année se tiennent à la Bibliothèque nationale de France. Pourquoi ce choix ?

L. C. :

Parmi les lieux qui pouvaient nous accueillir, la BnF nous a semblé une

évidence pour des raisons de partage de valeurs culturelles. Cela a pu se faire cette année et nous sommes ravis de présenter des jeux dans ce cadre idéal. BIBLIOTHÈQUE(s) : Notre rôle de bibliothécaire est aussi de faire découvrir des pans méconnus du jeu vidéo, quels liens voyez-vous ?

L. C. :

Images en bibliothèques organise chaque année une journée profession-

nelle Jeux vidéo et cinéma à la BPI. Je participe à cet événement depuis deux ans pour présenter des jeux engagés et j’ai pu échanger avec les bibliothé- caires. Comme le jeu vidéo n’a jamais été adoubé par les médias classiques, il s’est construit de son côté. En tant que médiateurs, les bibliothécaires ont un rôle clé pour promouvoir le jeu vidéo et montrer qu’il est possible de jouer à des jeux qui ont du sens, de mettre en avant le parti pris artistique et culturel de certains jeux vidéo. Les bibliothécaires sont en première ligne dans cette démarche, ils voient les publics directement, notamment des jeunes qui vont facilement demander des jeux triple A de type Call of Duty ou FIFA. Est-ce que ces joueurs vont ensuite aller vers la production indépendante ? A priori pas naturellement. Donc le public a besoin d’un accompagnement et les bibliothé- caires ont ce rôle à jouer. Il faut montrer ces jeux au public, y compris des jeux triple A ou I très qualitatifs : un jeu comme Life is strange, s’il est bien contex- tualisé, attirera beaucoup de joueurs qui n’y seraient pas allés seuls. Il y a des jeux qui abordent des thématiques dures comme la dépression et qui parlent aux jeunes. Il est important de les leur faire découvrir. Le problème est qu’il n’y a pas de relais dans les médias et qu’on a du mal à sortir de l’image négative des jeux vidéo. De plus, l’appareil critique n’est pas vraiment mis en place, l’ex- périence de jeu n’est pas rendue, on s’arrête aux graphismes ou au gameplay. BIBLIOTHÈQUE(s) : Il y a pourtant sur la scène indépendante un réel parti pris artistique, la presse ne l’intègre pas ?

L. C. :

Pas vraiment. Certains jeux sont tellement massifs qu’ils occupent tout

l’espace et occultent les autres. Il y a cinq à dix ans il existait encore des sites importants publiant des critiques qualitatives de jeux indépendants. Les canaux actuellement sont rompus avec la presse entre sa capacité de cura- tion et son impact. Si avec cent envois de mails vous arrivez à avoir un article dans la presse, c’est le bout du monde! Une diffusion alternative s’est créée, notamment avec les youtubeurs qui analysent les jeux vidéo d’un point de vue didactique ou qui se spécialisent dans les productions indépendantes, avec une audience plus importante que les titres de presse. D’un point de vue

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pragmatique les développeurs de jeux vidéo ont tout intérêt à aller voir un youtubeur qui aura quelques milliers d’abonnés, ce qui n’est presque rien à l’échelle de YouTube, mais qui a une audience qualifiée, plutôt qu’un mass-media qui ne mettra pas en avant le jeu et sa créativité. De plus, les retours de la communauté sont immédiats. Les consoliers eux- mêmes ont coupé les relations avec la presse en créant leurs propres canaux de commu- nication. C’est un vrai problème pour l’objectivité des avis.

J’ai pu échanger avec les bibliothécaires sur ces questions, du temps qui manque pour découvrir les jeux indépendants, de la difficulté à trouver des outils de veille, et même à tester ou acheter les jeux. Mon conseil serait de faire une curation régulière et de créer une communauté, un espace fédéré qui permette de garder une trace, pour mettre en avant les jeux à conseiller.

BIBLIOTHÈQUE(s) : Une question sur les communautés, la scène indépendante passe désormais beaucoup par le financement participatif. Quel est votre avis sur ce mode opérationnel ?

L. C. :

Notre studio n’a pas encore fait appel à ce type de financement. Depuis sept ou huit

ans pas mal de jeux ont vu le jour grâce à ce moyen. Le nombre de projets proposés est de plus en plus important et l’on constate qu’il y a maintenant un écrémage qui se fait dès la page de présentation Kickstarter. Il y a une montée en gamme des projets pour pouvoir interpeller et sortir du lot. Il y a une base essentielle, c’est la relation du développeur avec son audience, mais elle peut être problématique si les règles n’ont pas clairement été éta- blies au départ. L’autre problème de la levée massive, c’est que l’on donne tout pendant un mois pour essayer de financer le projet et si on n’y arrive pas, le projet tombe purement et simplement à l’eau, a contrario lorsqu’on reçoit beaucoup plus que prévu, on peut être dépassé par l’ampleur que prend le projet.

Le studio Amplitude a une vision du participatif qui n’est pas financière: le budget de base est assuré pour concevoir le jeu, les contributions et propositions du public amènent des évolutions, des éléments supplémentaires.

Le système de patronage me paraît plus intéressant. La communauté est sollicitée pour effectuer des micro-dons. En fonction de la somme reçue, le créateur sait qu’il peut consacrer x jours à la création, ce n’est pas le jeu qui est financé mais le créateur. Kickstarter crée des précommandes, le joueur achète en avance son jeu et cela peut donner un effet pervers : chacun fantasme son jeu idéal et pense être en droit d’exiger car il a financé, alors que le patronage crée plutôt un système de confiance : je te soutiens dans ce que tu veux faire, je te paie des heures de travail.

BIBLIOTHÈQUE(s) : Dernière question, comment voyez-vous l’évolution de la scène indépendante européenne ?

L. C. :

Question difficile. Ce que j’ai toujours apprécié dans la scène indépendante, c’est sa capacité à se

questionner et à se réinventer. Elle n’hésite pas à tester, expérimenter les nouvelles technologies. Il y a sept ou huit ans par exemple c’était la réalité virtuelle. À l’heure actuelle, la réalité augmentée paraît être une piste intéressante. Elle ne segmente pas, elle est simple à utiliser, pas besoin de maîtriser une manette ou d’avoir un casque coûteux. On commence à voir les grosses industries comme Google ou Apple essayer d’imposer cette technologie mais il n’y a pour le moment que des jeux très basiques, aucun encore avec des aspects créatifs. La réalité augmentée est déjà familière du public par exemple via les filtres sur Snapchat. Elle a le potentiel pour attirer un public de masse grâce à cette interac- tion avec le monde réel. La technologie est un bel outil mais on aura toujours cette volonté de jouer ensemble, d’être ensemble et la réalité augmentée répond à cette philosophie. n

Le système de

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