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6 Étude de cas

6.2 La situation dans les zones périurbaines

Le Vietnam a connu des changements très importants depuis la fin des années 1980. Par les réformes du Doi Moi (rénovation), le pays s’est engagé dans des réformes qui réduisent le rôle de l’État et ouvrent l’économie aux capitaux étrangers. L’économie présente une très forte croissance, qui s’est maintenue autour de 8% entre 1990-1997, autour de 7% entre 2000-2005 et à 8.4% en 2005 (Joint Donor

report 2007). C’est l’une des plus fortes croissances en Asie, derrière la Chine. Les changements sociaux, économiques et physiques sont surtout visibles dans les villes, centres de croissance économique, mais les zones rurales vivent aussi des transformations de leur économie. Les zones en périphérie des villes, traditionnellement rurales, subissent donc des pressions conjointes : des pressions de la croissance du centre urbain adjacent et des transformations du milieu rural. La situation y est particulière et encore peu analysée.

6.2.1 Croissance urbaine au Vietnam 

À la différence des autres pays d’Asie du Sud-Est, le Vietnam présente un taux d’urbanisation relativement faible, même s’il y a eu une augmentation marquée depuis les années 1990 (de 19,5% à 24% entre 1990 et 2000) (GSO 2001). La plus grande partie de la croissance économique générée se concentre dans les zones urbaines de Ho Chi Minh et Hanoi, ce qui explique que la croissance urbaine s’y concentre aussi. Avec 3,1% de taux de croissance entre 1990 et 1999, la population de la province d’Hanoi a augmenté beaucoup plus vite que dans le reste du pays. De cette croissance, les données officielles mentionnent un peu plus de la moitié de migrants, ce qui n’inclut pas les migrants non-enregistrés(UNDP 2000; van den Berg, van Wijk et al. 2003). Leaf (2002) résume en deux points le mode d’urbanisation récent au Vietnam et en Chine : (1) La segmentation stricte ente les secteurs urbains et ruraux par un contrôle des mouvements de la population et (2) un sous- investissement notable dans le centre des villes, particulièrement dans le développement résidentiel, à cause d’une priorité claire du développement industriel dans les périphéries. Le résultat, contrairement aux économies en développement capitalistes de l’Asie, a été des villes concentrées et congestionnées avec un fort développement industriel en périphérie.

6.2.2 Effets de l’urbanisation sur l’agriculture périurbaine 

Les districts agricoles autour d’Hanoi et d’Ho Chi Minh sont envahis par des structures urbaines comme la construction d’industries et parcs industriels avec leurs infrastructures.

Au Vietnam, van den Berg et al. (2003) voient deux effets principaux de l’urbanisation sur le secteur agricole périurbain. D’abord, la croissance urbaine réduit les terres disponibles pour l’agriculture, causant une hausse des prix des terres forçant les agriculteurs à intensifier l’utilisation de leurs terres. Ensuite, la demande de produits agricoles change : la demande est plus forte pour le porc, le poisson, les fruits et les légumes. La culture du riz est donc remplacée par ces cultures à plus haut rendement et la création d’emplois non-agricoles. Un autre effet majeur de la croissance urbaine est la production croissante de déchets urbains, qui s’accumule dans les districts périphériques en aval par les cours d’eau ou dans les décharges formelles et informelles qui se situent forcément en périphérie du centre. Le district de Thanh Tri au sud de la ville est un exemple reconnu comme « the navel of

pullution-driven elements : where wastewater from Hanoi enters via three rivers (van

den Berg et al., 2003)». L’eau usée contenant des polluants et des nutriments de déchets organiques produit des mauvaises odeurs qui n’attirent pas les nouveaux développements résidentiels et d’affaires. On y retrouve plutôt des résidences pour ménages à faibles revenus et des industries lourdes.

Cette contamination croissante a aussi de nouvelles conséquences pour les agriculteurs des districts périphériques qui utilisent traditionnellement l’eau usée urbaine pour l’irrigation. Furedy (1994) et Dung (2001) ont soulevé des questions sur le danger de l’utilisation de ces eaux chargées de polluants lourds. Pour diminuer les risques de contamination, les agriculteurs interviewés laissent maintenant reposer l’eau usée dans un bassin séparé avant l’utilisation. Cette pratique diminuerait de beaucoup la contamination des récoltes mais elle accumule les contaminants dans ces bassins. Les familles étaient au courant que l’eau de surface dans leur district n’était pas potable, même après avoir été bouillie, mais l’équipe de Dung (2001) a trouvé que, déjà en 2000, les métaux lourds atteignaient quelques fois les eaux souterraines et les puits dédiés à l’eau potable.

6.2.3 Conversion des terres agricoles 

Comme en Chine et ailleurs en Asie du sud-est, la réduction de la superficie agricole en périphérie des villes au Vietnam est lié à des processus d’industrialisation :

l‘émergence de grands parcs industriels et de groupes de petites entreprises. En Afrique, l’expansion urbaine serait davantage poussée par le développement résidentiel (Tacoli 2005).

La conversion des terres agricoles en projets urbains se ferait au Vietnam de façon non planifiée, hors du contrôle des autorités des communes et districts. Il y a un plan d’aménagement officiel du Grand Hanoi, héritage de la planification socialiste, mais dû à un manque de fonds, il n’est pas suivi ni modifié lorsque des nouveaux développements sont initiés par des départements d’état, des compagnies publiques ou des joint-ventures. Le plan d’aménagement n’a jamais été détaillé pour les districts périurbains (van den Berg et al. 2003).

Les autorités des communes et des districts trouvent difficile de perdre totalement la juridiction de leur territoire en cas de grands projets. Lorsqu’un territoire de leur juridiction est identifié pour un nouveau projet urbain, une enclave est crée pour être gérée par les autorités de la Ville d’Hanoi ou du gouvernement national. Par exemple, dans le district périurbain de Thanh Tri, au sud d’Hanoi, presque 500 hectares (12.5 % du district) sont utilisés par de telles grandes compagnies (publiques ou joint-venture) et les autorités du district n’ont plus juridiction. Depuis 1995, le district a perdu 197 hectares de cette façon (van den Berg et al. 2003). Les autorités des districts et communes ne se sentent pas consultées et trouvent qu’elles devraient avoir un rôle plus important à jouer dans la planification et le développement de leur territoire.

Leaf (1999) considère aussi que la planification du développement de Hanoi se fait de façon chaotique. Le plan d’urbanisme d’Hanoi de 1999 n’a jamais été détaillé pour chacun des districts. De plus, les priorités nationales de développement économique permettent au gouvernement central et aux ministères de modifier le plan en cas d’opportunité économique (Leaf 1999). De même, les projets industriels situés à l’extérieur de la ville d’Hanoi sont gérés directement par le gouvernement central ou un ministère national. Dans ces cas-ci, la juridiction des autorités du district est donc retirée abruptement sans aucune collaboration possible.

van den Berg (2003) critique aussi le mode de compensation des agriculteurs périurbains, qu’il trouve ni consistant ni transparent. Il y a une procédure standard pour compenser les droits d’utilisation perdus de terres agricoles mais la demande en hausse pour les terres industrielles a relancé la négociation entre les fermiers et les agences d’état qui acquièrent les terres pour le gouvernement.

Selon le type de projet, différentes agences gouvernementales sont actives dans l’acquisition des terres agricoles dans les zones périurbaines de Hanoi. Il peut s’agir de l’agence de développement urbain de la Ville d’Hanoi ou de compagnies publiques qui sont sous la juridiction du Département provincial de la Construction, de la Planification et de l’Investissement et du Département des Terres et du Logement (van den Berg, 2003).

La procédure standard de compensation, qu’ont reçue les fermiers de Lai Xà, inclut trois composantes (JBID 1999):

• Montant pour la perte de terres au taux de 16 000 à 19 000 Dongs23 par

mètre carré, dépendant de la productivité agricole de la terre;

• Montant pour la perte des récoltes. Ce montant pouvait être plus élevé en cas de cultures permanentes comme les arbres fruitiers, mais pouvait aussi être très limité juste après une récolte saisonnière;

• Montant pour la réinsertion, la formation et la recherche d’un nouvel emploi. Ceci est calculé à 30% de la valeur de la terre sur une période de 30 ans et est donné au fermier en un seul montant.

Toujours selon van den Berg et al. (2003), « depuis le changement de politique de 1986 (doi moi) vers une économie socialiste de marché, les résidents ont développé la notion qu’il existe un espace de négociation » en refusant d’accepter les offres faites par l’agence de développement.

Selon le type de projet prévu et la valeur mobilière des immeubles et des terrains, des familles peuvent refuser et négocier la compensation. van den Berg (2003) rapporte que 2/3 des familles du district de Thanh Tri ont refusé, en 2001, une offre de 39 000 dongs par mètre carré (pour les trois composantes ensemble), ce qui a forcé l’agence de développement à renégocier. L’entente a finalement été signée

deux ans plus tard avec une compensation de 75 000 dongs du mètre carré. D’autres cas avec des compensations plus élevées (1 à 3 millions de dongs par mètre carré) sont aussi connus des dirigeants des communes, ce qui maintient le niveau d’inquiétude sur le manque de transparence du processus.

6.2.4 Transformations du milieu rural 

L’urbanisation n’est pas la seule cause des changements en milieu rural et périurbain. Il faut rappeler que durant les années 1980, environ 7 vietnamiens sur dix vivaient dans la pauvreté, principalement en milieu rural. Vingt ans après l’instauration de la politique du Doi Moi (rénovation) en 1986, le Vietnam connaît un constant développement économique et une réduction de la pauvreté sans précédent. La pauvreté est passée de 58% en 1993; à 37% en 1998; à 29% de la population en 2002 (World Bank 2004).

Selon plusieurs études, le facteur principal de cette réduction de la pauvreté dans la dernière décennie a été la décollectivisation des terres agricoles aux ménages ruraux. En 1994, le Politburo du Parti Communiste a adopté la résolution 10, qui redistribuait les terres aux ménages sur une base par habitant et instaurait des contrats de production de quotas spécifiques d’une culture, leur permettant de vendre les surplus. Cette politique a résulté en une augmentation phénoménale de la production agricole et des exportations. Comme cette politique visait la population rurale, la population la plus pauvre, les résultats en termes de réduction de la pauvreté ont été très efficaces. Cependant, il y a maintenant un consensus sur l’épuisement des bénéfices de la redistribution des terres. La croissance économique et la réduction de la pauvreté nécessiteront l’intégration de l’agriculture dans l’économie de marché et la création d’emplois dans le secteur privé (Gironde 2004; Thanh, Nguyen et al. 2005).

6.2.5 Problématique d’assainissement dans les zones périurbaines  

Les zones périurbaines se retrouvent donc dans une situation particulière. Elles subissent une pression importante sur leurs terres agricoles avec une forte densité de population et une réduction des terres disponibles à l’agriculture. Comme tout le Delta du Fleuve rouge, la base de l’économie se transforme rapidement. En plus de

l’agriculture de subsistance, la production s’intensifie avec des cultures plus rentables pour les marchés urbains. L’exportation et les activités non-agricoles sont également en croissance. Le résultat est un mélange d’économies rurales et urbaines.

Le mélange de ces activités amène une situation de pollution complexe, par la croissance de la population, du transport, des industries chimiques et lourdes, des petits ateliers et de l’intensification de l’agriculture. Il y a un besoin urgent de traitement des déchets industriels sur leur lieu de production pour éviter leur diffusion. Le transport et les activités industrielles polluent l’air, l’eau et le sol, sans compter la pollution par le bruit. La construction de structures de drainage est aussi urgente pour réduire les inondations, autant que la collecte et le traitement des déchets solides domestiques pour éviter de bloquer les drains et contaminer davantage l’eau de surface. Dans plusieurs districts, la nappe d’eau souterraine est déjà contaminée par des métaux lourds et de l’eau potable doit être importée.

Pour l’instant, la responsabilité officielle des institutions se limite au périmètre urbain, qui est beaucoup plus peuplé et dense que le périurbain (tableau suivant). Cette priorité aux districts urbains ne signifie pas que les autorités ne reconnaissent pas les besoins en infrastructures et assainissement public des quartiers périurbains.

Tableau 18 : Population et densité des districts administratifs d’Hanoi

District   Désignation officielle Statut  Population 

(1999) 

Densité  population 

(pers/km2, 1999)

Ba Dinh   District Urbain  Urbain  200 800 21 591 Cau Giay   District Urbain  Urbain  127 700 10 686 Dong Da   District Urbain  Urbain  332 700 33 708 Hai Ba Trung   District Urbain  Urbain  355 300 24 253 Hoan Kiem   District Urbain  Urbain  171 100 32 344 Tay Ho   District Urbain  Urbain  9 200 3 843 Thanh Xuan   District Urbain  Urbain  151 900 16 637

Total urbain           17 015

Dong Anh   District périurbain  Rural  258 400 1 422 Gia Lam   District périurbain  Rural  337 300 1 951 Soc Son   District périurbain  Rural  243 400 824 Thanh Tri   District périurbain   Rural  227 800 2 325 Tu Liem   District périurbain  Rural  189 700 2 524

Total périurbain        1 527

Province d’Hanoi         2 964

Source : Calculé de Hanoi Statistical Office (2001)

Au niveau de l’encadrement du développement, Leaf (2002) a analysé le contexte de dévolution administratif dans les zones périurbaines. Il conclut à un manque de prise en charge au niveau local, ce qui engendre une accélération du développement informel. Les initiatives d’assainissement doivent donc prendre en compte les limites des institutions urbaines et l’informalité prépondérante des districts périphériques.