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6 Étude de cas

6.1 Contexte sociopolitique du village de Lai Xà

Lai Xa est un village typique de la région du delta du fleuve Rouge, dans le Nord du Vietnam. Lai Xà est le plus gros village de la commune de Kim Chung du district de Hoai Duc, dans la province de Ha Tay. Avec ses 4000 habitants, divisés en 855 ménages, la densité est d’environ 3200 personnes/km2. Cette densité de population

est beaucoup plus haute que la moyenne du delta du fleuve Rouge qui est de 955 habitants/km2. Situé à 15km de la ville d’Hanoi, le village présente des

caractéristiques autant rurales qu’urbaines, ce qui nous porte à le qualifier d’ « interface périurbaine » au sens des recherches de Allen (Allen 2003; Allen, Davila et al. 2006).

Selon Allen, l’interface périurbaine ne fait pas seulement référence aux frontières de la ville, mais à un contexte où des caractéristiques urbaines et rurales coexistent, en termes physiques, environnementaux, sociaux, économiques, et institutionnels.

Environnementalement, c’est une mosaïque hétérogène d’ « agro-écosystèmes » et d’écosystèmes urbains, affectés par la circulation de matériel et d’énergie exigés par les systèmes urbains et ruraux. L’interface est socialement et économiquement hétérogène, sujette à des changements rapides dans le temps. Allen donne les exemples des petits fermiers, résidents informels, entrepreneurs et travailleurs en ville qui peuvent coexister avec des intérêts, pratiques et perceptions différentes. En termes institutionnels, il est caractérisé par la convergence d’institutions sectorielles et chevauchées avec différentes emprises spatiales et physiques (Allen, 2003)

Les limites du village de Lai Xà bordent la frontière ouest de la province d’Hanoi, au niveau du district périurbain de Tù Liem. En raison de sa proximité avec la ville d’Hanoi et de sa situation stratégique, le village traditionnellement agricole subit de plus en plus les pressions du développement urbain. Les superficies cultivées diminuent et la pollution environnementale augmente.

Figure 19 : Location de Lai Xà (adapté de van den Berg et al. 2003).

En 2005, au début du projet, plus que 59% des ménages de Lai Xà tiraient des revenus de l’agriculture à Lai Xà (Tableau 16). 43% des ménages tiraient alors un revenu d’un emploi en industrie comme la transformation des aliments, les usines de fabrication, ou des emplois spécialisés comme les charpentiers et les forgerons. Le commerce et l’artisanat étaient aussi de plus en plus importants (13% et 9% des ménages). À l’agriculture traditionnelle du riz se sont ajoutées graduellement d’autres types de cultures. La culture des fruits, légumes, soya et fleurs sont en croissance dans le village, tout comme l’aquaculture (poissons). Celles-ci seraient plus rentables (par hectare et par heure de travail) que la monoculture du riz (van den Berg, van

Wijk et al. 2003; Gironde 2004). Le village compte quatre familles qui pratiquent l’aquaculture dans deux étangs, qui sont aussi les principaux réservoirs d’eau d’irrigation du village. Les étangs sont aussi utilisés par plusieurs familles pour la lessive et le nettoyage de la vaisselle et de la maison.

Tableau 16 : Sources de revenu des ménages de Lai Xà (source : YWAM (2005))

Sources de revenu principales % des ménages

Agriculture 59% Artisanat 9%

Commerce familial 13%

Salaire d’employé/ouvrier 43% Autre (travail saisonnier, envoi d’argent par

travail éloigné) 10%

Selon Gironde (2004), l’économie familiale du delta du Mékong se diversifie rapidement et la plupart des familles combineraient déjà plusieurs sources de revenus. Il a étudié trois communes « agricoles22» du sud d’Hanoi et la diversification

économique concernait la très grande majorité des foyers. En 1999, 75% des foyers (recensés principalement comme « agricoles ») combinaient des activités agricoles et non agricoles. Déjà en 1996, la part des revenus non-agricoles était de plus de 30% des revenus des foyers dans les communes du district de Chaû Giang.

Socialement, le village de Lai Xà n’est pas aussi hétérogène que l’interface périurbaine décrite par Allen (2003). Même si plusieurs habitants travaillent maintenant à Hanoi, encore peu d’immigrants ont élu domicile dans le village. Seuls quelques étudiants de régions éloignées y louent des logements à un meilleur prix qu’à Hanoi. Le niveau d’éducation et les revenus familiaux, détaillés dans le tableau ci-dessous, sont très homogènes. La plupart des adultes ont atteint l’éducation de niveau secondaire et les trois quarts des ménages ont un revenu très près de la

22 En 1994, 93% des foyers du district de Chaû Giang avaient été recensés comme « foyers agricoles »

moyenne du village. Le revenu moyen brut par personne dans la commune est de 129$US/personne/année tandis que la moyenne nationale est de 540$US par personne par année.

Tableau 17 : Distribution du niveau d’éducation et revenu familial à Lai Xà (enquête

YWAM, 2005)

Éducation % Revenu familial %

Analphabète 1% Riche 1%

École primaire 14% Supérieur à la moyenne 21%

Secondaire (II) 44% Moyen 75%

Secondaire (III) 30% Pauvre 3%

Collège, professionel 6% Très pauvre 0.2%

Université 5%

Le village est construit de façon très dense, de façon à bien préserver les terres agricoles entourant le village. L’aménagement dense du village est traditionnel, mais s’est amplifié avec la croissance de la population et la pression urbaine sur les terres agricoles. La photo aérienne de la région (figure 20) montre que les zones urbanisées des districts périurbains d’Hanoi sont très près du village de Lai Xà. De plus, une route principale qui fait le lien entre la province de Ha Tay et la ville d’Hanoi passe par le village de Lai Xà, ce qui en fait une zone de prédilection pour le développement industriel et commercial.

Figure 20 : Photo aérienne du district péri-urbain Tu Liem adjacent à Lai Xà (source :

Google Earth 21°03’40.03"N 105°43’15.86”E)

Figure 21 : Photo aérienne du village de Lai Xà. (source : Google Earth

21°03’40.03"N 105°43’15.86”E)

Site d’enfouissement et compostage Étangs HANOI Lai Xà Lac de l’Ouest HANOI

Cette densité de construction, l’agriculture intensive et les nouveaux voisins industriels et commerciaux créent un environnement chargé et hétérogène, caractéristique des interfaces périurbaines. L’environnement rural traditionnel intègre maintenant des problématiques environnementales urbaines. Le transport et les activités commerciales affectent de plus en plus la qualité de l’air et le bruit. La route principale qui passe par le village relie la capitale de la province de Ha Tay à Hanoi et voit son achalandage augmenter sur une route étroite, poussiéreuse et sans structure de drainage. La densité de superficies construites provoque aussi des inondations rapides du village et des terres basses en saison des pluies. La qualité de l’eau d’irrigation, provenant du drainage d’Hanoi, s’est grandement détériorée ces dernières années et affecte la qualité des cultures et du poisson. Le traitement des rejets industriels est de plus en plus courant mais pas strictement appliqué. À quelques occasions depuis la construction de l’usine de bonbons en bordure du village, plusieurs hectares de récoltes ont été détruits par les rejets de l’usine. Les leaders du village ont dû négocier avec les dirigeants de l’usine et du comité populaire pour demander un traitement plus efficace des rejets de l’usine.

Les agriculteurs de Lai Xà subissent aussi de fortes pressions pour intensifier leur agriculture sur de plus petites superficies. Le gouvernement planifie de modifier une partie de la commune en zone industrielle pour accueillir des compagnies industrielles publiques et internationales (joint-venture). Pour ce faire, l’agence de développement industrielle du gouvernement national a réquisitionné la moitié des terres agricoles de la commune en 2005. Chaque agriculteur enregistré s’est vu réassigné 360 m2 (réduction de 50%) de terre agricole et a reçu une compensation pour la perte selon la valeur et la productivité de la terre.