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Le recouvrement des coûts pour l’eau et l’assainissement : une discussion

7 L’échelle du village

7.3 Le recouvrement des coûts pour l’eau et l’assainissement : une discussion

La question du recouvrement des coûts dans les pays en développement reste passablement controversée dans le milieu des professionnels de l’eau. Depuis la décennie internationale de l’eau et de l’assainissement (années 1980), deux camps sont en opposition.

Un côté est mené principalement par des spécialistes de l’Organisation Mondiale de la Santé et de l’UNICEF et supporté par des professionnels et politiciens de pays en développement, souvent du secteur rural. Ils affirment que les bénéfices sociaux et sur la santé justifient amplement l’utilisation des fonds publics et de l’aide internationale pour fournir des services de base d’eau et d’assainissement à tous ceux qui n’y ont pas encore accès. Une partie de ce camp concède cependant que les fonds pour l’opération et la maintenance des nouveaux systèmes doivent être générés localement pour éviter la baisse de l’utilisation et la détérioration de l’équipement.

Pour l’autre côté, mené principalement par des économistes de la Banque Mondiale, l’abordabilité30 et la volonté de payer sont des pré-requis pour accéder au service.

Pour ces partisans du recouvrement des coûts, la fourniture de services à une population incapable de payer ou ne voulant pas payer les coûts est vouée à l’échec. Leur argument est l’historique de plusieurs gouvernements et donateurs qui retirent

30 Traduction de l’auteure pour « affordability ». Le terme a encore été peu utilisé dans la littérature

leur financement au fil des années. Sans autre financement, les infrastructures n’ont pas été entretenues adéquatement, encore moins prolongées pour les nouveaux besoins. Les communautés qui n’avaient pas investi dans ces infrastructures ne les valorisaient pas assez pour investir dans l’entretien. Ils prônent un recouvrement total des coûts par une forte contribution des bénéficiaires et du secteur privé.

Au fil des ans, plusieurs compromis se sont élevés entre les positions, particulièrement avec l’évolution des concepts pluridisciplinaires comme la gestion communautaire, les partenariats publics-privés et la planification participative qui visent tous à atteindre une plus grande durabilité dans le domaine des services publics. Dans le secteur de l’eau et l’assainissement, la discussion se maintient sur les coûts qui doivent être inclus ou non dans les stratégies de recouvrement des coûts et sur les sources de financement avec lesquelles le « recouvrement » peut être envisagé.

7.3.1 Le recouvrement des coûts vs la durabilité  

Une définition simple du recouvrement des coûts est celle du Centre International de l’Eau et de l’Assainissement IRC31.

« Recouvrement des coûts : Recouvrer tous les coûts associés à un système, programme ou service pour assurer sa durabilité à long- terme (Cardone and Fonseca 2003) ».

Le recouvrement des coûts a donc pour objectif d’assurer la durabilité du service d’assainissement. La plupart des auteurs s’entendront sur la définition de l’OMS (Brikké, 2002), utilisée par le centre de recherche IRC (tableau 25).

Tableau 25 : Définir la durabilité

Un service d’eau et d’assainissement est durable lorsque : • Il fonctionne et est utilisé;

• Il peut fournir un niveau approprié de bénéfices (qualité, quantité, confort, continuité, santé) à tous, incluant les hommes et femmes les plus pauvres;

• Il continue de fonctionner sur une période prolongée (qui va au-delà de sa durée de vie planifiée initialement);

• Sa gestion est institutionnalisée;

• L’opération, la maintenance, les coûts administratifs et de remplacement sont couverts au niveau local;

• Il peut être opéré et entretenu au niveau local avec un support externe limité mais accessible;

• Il n’affecte pas l’environnement de manière négative.

Source : (Brikké 2002)

Même si cette définition peut paraître simple, elle est interprétée différemment par des individus ou organisations ayant des points de vue différents sur le recouvrement des coûts. Tous s’entendent sur le fait qu’un service d’approvisionnement en eau et assainissement coûte de l’argent. Cependant, tous ne s’entendent pas à propos des coûts du programme qui doivent être calculés pour assurer sa durabilité. La définition de la durabilité est pluridimensionnelle, elle inclut une dimension sociale (équité, accessibilité), technique (efficacité, fonctionnement et entretien simple), institutionnelle, environnementale et financière. Plusieurs projets-pilotes l’ont démontré, toutes ces dimensions peuvent être assurées lorsque le budget adéquat y est garanti. C’est pourquoi les économistes ont traduit la durabilité d’un programme d’assainissement en coûts totaux. Et dans des contextes où les ressources sont limitées, les coûts à considérer dans un programme d’accès à l’eau ou à l’assainissement sont encore très discutés.

De même, les modes de financement à utiliser pour recouvrer ces coûts sont aussi discutés. Les coûts et les modes de financement sont présentés au tableau 26.

Tableau 26 : Coûts et modes de financement de l’assainissement

De quels coûts parle-t-on?

Construction du système Coûts d’investissement initiaux

(capital) Développement des capacités et des institutions

Opération et maintenance COUTS

D’APPROVI-

SIONNEMENT Coûts récurrents

Coûts de gestion (et de crédit) Coûts de remplacement Coûts des futurs investissements

Coûts d’extension Renforcement institutionnel Systèmes d’information Suivi et évaluation Coûts de support Réglementation, planification et stratégies Bénéfices de santé Utilisation de l’eau usée Productivité économique Réduction des inondations COÛTS

ÉCONO- MIQUES

Coûts/bénéfices économiques

Impacts sur l’écosystème

Comment ces coûts peuvent-ils être recouvrés?

Sources de financement

o Gouvernement national o Agences de support externes o Autorités locales et régionales o Secteur privé

o ONG

o Organismes communautaires o Communautés/utilisateurs

Formes de financement

o Subventions (directes, croisées, etc.); o Aide internationale au développement; o Microcrédit;

o Fonds sociaux de développement; o Fonds communautaires;

o Tarifs (fixes ou variables);

Adapté de : Cardone et Fonseca (2003)

La définition de la durabilité de l’OMS (tableau 25) considère que seuls les coûts récurrents et possiblement une part pour des investissements futurs de croissance ou de restauration soient recouvrés localement. L’application de ce principe, lorsqu’adopté, est réalisé par une politique nationale qui fixe quelle partie exacte des

coûts doit être recouvrée auprès des consommateurs, puis fixe un tarif officiel entériné par une loi nationale.

Les coûts non couverts localement incluent donc les coûts d’investissement en capital, les coûts des futurs investissements et les coûts de support. Les coûts de support sont les investissements qui feront la différence entre un programme durable et porteur de développement, et un programme abandonné quelques années après l’instauration. L’institutionnalisation du service, par exemple, est essentielle pour assurer un support adéquat aux travailleurs et gestionnaires locaux. Trop souvent, des techniciens quittent leur communauté à la recherche d’un meilleur emploi après avoir été formés, ou un scandale de corruption mène à la destitution du comité local du projet communautaire.

Cette approche théorique de calcul des coûts n’est pas la plus courante. Le calcul public des coûts des projets n’incluent habituellement que les coûts d’investissement en capitaux. Très peu de vérifications sont faites pour vérifier le recouvrement des frais récurrents et des coûts de support (si intégrés) dans les tarifs chargés aux utilisateurs, les coûts d’opération et maintenance varient beaucoup selon les technologies et selon l’âge et la qualité des infrastructures.

Une approche plus durable serait donc d’aborder l’assainissement au-delà du simple système technologique et de l’horizon court-terme habituellement financé. Les coûts planifiés ne doivent pas seulement considérer la construction, mais aussi la durée de vie, la réhabilitation et les possibilités d’expansion. L’approche doit aussi fournir un support long-terme aux utilisateurs et gestionnaires des communautés plus pauvres, urbaines, rurales et périurbaines.

Selon la définition de la durabilité, la part locale du financement par les communautés et les utilisateurs devrait minimalement couvrir le maintien du système local (l’opération, la maintenance, les coûts de gestion et de remplacement), et un peu plus si la capacité de payer le permet.