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La situation sanitaire générale et la vulnérabilité des pauvres par rapport aux plus aisés

POLITIQUES ÉCONOMIQUES

1.3.2.2. La situation sanitaire générale et la vulnérabilité des pauvres par rapport aux plus aisés

En matière de lutte contre la faim, la norme internationale sur la consommation énergétique en calories fixe à 2.400 le seuil minimum de la consommation journalière pour couvrir les besoins en nutriments d'un adulte. Les données de l’ECAM 2 (2001) sur l'état nutritionnel des populations urbaines montrent que la consommation moyenne d'énergie par équivalent-adulte s’élève à 3.264,2 calories par jour, soit nettement au-dessus de la norme. Ce résultat est néanmoins trompeur car il masque de profondes disparités suivant les caractéristiques socioéconomiques, le milieu de résidence et les régions. En effet, un peu moins de la moitié des ménages urbains (45%) n’arrive pas à couvrir leurs besoins énergétiques.

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Cette insécurité alimentaire est plus accentuée à Yaoundé que dans les autres villes. Elle

est flagrante chez les pauvres (1er quintile), où 92,1% de la population se trouvent dans

une situation d'insécurité alimentaire chronique, se situe à 59,3% pour les ménages à

revenu intermédiaire (3ème quintile) et à 22,4% pour les ménages aisés (5ème quintile). Si

l'on s'intéresse maintenant aux contributions relatives à l'insécurité alimentaire, on voit que les pauvres, qui représentent 15,4% des ménages urbains, contribuent à plus de 31,8% à l’insécurité alimentaire alors que les ménages aisés, qui représentent 52,8% de l’ensemble des ménages, ne contribuent qu’à 26,3%.

Concernant la capacité de la population à recourir aux soins, le délabrement du tissu économique a considérablement modifié la demande. D’une part, l’appauvrissement ambiant qui en est résulté a entraîné une baisse de la capacité financière des ménages à recourir aux soins modernes et, d’autre part, la baisse du budget de l’État consacré à la santé a entraîné une substitution du financement de ce secteur au détriment de la demande publique. Ainsi, la dépense totale de santé en 95/96 était de 250 milliards de Fcfa dont 72% financé par les ménages contre seulement 22% par l’État.

Parallèlement, la part des dépenses de santé dans le budget des ménages est passée de 4%

en 1984 à 6% en 1996 [NTANGSI,1998138 ;LELOUP etBALMES139]. Ces éléments se sont

nécessairement répercutés sur le niveau des dépenses de santé et surtout sur les formes

d’accès aux soins [SAMBA, 2004]140,141. Les dépenses de santé par habitant durant la

période 1995 à 2006 n’ont pas évolué avec la richesse du pays (12.775 F CFA par habitant et par an en 2007) où on enregistrait 6,3% du budget national affecté à la santé contre 6% en 1996. Elles sont allées décroissantes jusqu’en 2002 avant de croître à partir de 2003. La maîtrise des déterminants de recours aux soins, de la demande exprimée en termes de

138 NTANGSI J. (1998), An analysis of Health Sector Expenditures in Cameroon Using a National Health Accounts Framework, World Bank Resident Mission: Yaoundé, p. 22.

139 LELOUP M., BALMES J.C. (1999), Les secteurs Santé et Éducation au Cameroun. Agence Française de Développement, Service des projets sociaux : Yaoundé, p. 13.

140 Une étude de l’OMS a révélé que dans certains pays en développement, les décès dus au paludisme avaient triplé dans les quatre premières années suivant les réformes (PAS), en partie à cause de l’effondrement des services de soins curatifs et de l’envolée des prix des antipaludiques.

141 SAMBA M.E. (2004), Systèmes de santé en Afrique, Qu’est ce qui s’est détraqué? Communication personnelle du Directeur régional de l’OMS pour l’Afrique, 2004.

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nature de services de santé attendus, de leur capacité contributive, combinée à une connaissance fine de l’organisation du système de santé par type d’offre pourra permettre de déterminer des stratégies alternatives d’organisation et de financement du système afin de concilier l’offre et la demande de santé.

Les principaux facteurs qui expliquent le déséquilibre entre l’offre et la demande de santé peuvent être : (i) la pauvreté généralisée de la population et le manque d’argent pour payer les frais de soins et des médicaments ; (ii) l’absence de prise en charge des frais des soins du fait de la quasi-inexistence des mécanismes de prévoyance en matière de santé (mutualisation du risque maladie, assurance maladie réservée pour les plus aisés); (iii) le manque de motivation des personnels de santé et les pratiques généralisées de corruption, notamment du fait qu’ils ne soient pas bien payés, problème qui se répercute sur la qualité de l’accueil et des prestations de services ; (iv) le manque de clarté dans la prise en charge des indigents conduisant au rejet mutuel des responsabilités entre les différents ministères techniques en charge de la question ; (v) l’insuffisance d’infrastructures et d’équipements sanitaires dans les centres de santé, surtout en milieu rural ; (vi) l’insuffisance en quantité et en qualité des personnels de santé surtout dans les zones éloignées des 2 grandes métropoles ; (vii) le déficit organisationnel des services de santé, le manque d’informations et la quasi-inexistence de structure chargée du développement d’activités d’IEC (Information, Éducation et Communication).

En marge de ces principaux facteurs, on peut également relever l’atomisation de la demande de services et le déficit organisationnel des structures supposées défendre les populations vulnérables et indigentes (ONG et associations). Or, dans une organisation sociale de type démocratique comme celle adoptée par le Cameroun, on retrouve deux caractéristiques essentielles quant à l’obligation des responsables politiques : (i) l’obligation de rendre compte de leur gestion auprès des populations qu’ils représentent ; (ii) l’existence de mécanismes à travers lesquels les groupes sociaux peuvent manifester pacifiquement contre les injustices sociales (par exemple à travers les manifestations et plaidoyers publics). Le DSRP [2006] précise que :

«Le dysfonctionnement social, caractérisé notamment par l’exclusion sociale de

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difficultés d’intégration sociale de ces groupes vulnérables, constitue une autre

manifestation de la pauvreté et des injustices sociales».