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L’intervention (ou action) publique : un concept différent ?

EN MATIÈRE DE SANTÉ

2.1.1.2. L’intervention (ou action) publique : un concept différent ?

Faisant référence aux difficultés à saisir le concept de politique publique, on constate aisément que la frontière entre une politique publique et une intervention publique n’est pas aussi nette étant donné que certains auteurs assimilent l’analyse des politiques

publiques à la sociologie de l’action publique [DUBOIS, 2009]170. L’existence d’une

politique publique sera fondée par la matérialisation : (i) d’un ensemble de mesures

concrètes qui forment la « substance » d’une politique ; (ii) des décisions de nature plus

ou moins « autoritaires » qui, explicites ou latentes, constituent le socle « coercitif » de la

politique (sur la pratique des différents agents) ; (iii) d’un « cadre général d’action »

distinguant (en principe) une politique publique de simples mesures isolées ; des

« publics », individus, groupes ou organisations, actifs ou passifs dans le processus de

construction de la politique publique, dont la situation est affectée par celle-ci ; (iv) des buts ou des objectifs à atteindre, etc.

La limite d’une telle perspective est assez visible car une pareille conception passe à côté d’une part importante de l’action publique, les déclinaisons qu’on vient d’évoquer pouvant certes former d’utiles étiquettes descriptives tout en renforçant l’inflation de la dynamique

distinctive entre les deux concepts. Comme le rappelle Pierre MULLER [2000], « l’apport

essentiel de l’analyse des politiques est d’avoir montré que la sphère des représentations ne constitue que l’une des dimensions – certes très importante permettant de comprendre

170 DUBOIS V. (2009), « Action publique », in COHEN A., LACROIX B., RIUTORT Ph., (dirs), Nouveau manuel de science politique, Paris, La Découverte.

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les décisions en matière de politiques publiques »171. L’action publique (qu’elle aboutisse

ou non à une prise de décision) est un processus long et complexe, mettant en jeu un nombre important d’acteurs collectifs ou hétérogènes.

Portant son analyse sur les champs de l’action publique, DUBOIS [2009]172 met en exergue

les systèmes d’action concrets nés de la conceptualisation des systèmes de relation constitutifs des politiques fortement marquées par deux courants : l’analyse stratégique

formalisée par CROZIER et FRIEDBERG [1977]173 et l’approche cognitive issue des travaux

de JOBERT et MULLER [1987]174. Il met en relief un présupposé théorique et politique,

selon lequel l’action publique procéderait essentiellement d’une coopération horizontale entre des acteurs faiblement ou non hiérarchisés, et dont l’éventuelle hiérarchisation serait constamment changeante. Loin de refléter la logique économique du choix rationnel, le champ politique s’enracine donc dans des règles sociales et institutionnelles historiquement construites.

La notion d’action publique, par rapport aux modèles classiquement décisionnistes et à la vision surpolitisée qui leur est généralement associée, présente de sérieuses contraintes en termes d’orientations idéologiques. Une action publique dépolitisée se rapprocherait de la politique publique en ce sens que les relations entre les acteurs en jeu respectent le principe de non hiérarchisation des systèmes. L’intervention publique consiste aussi pour une part à agir sur des représentations sociales parce qu’elle est en partie liée aux échanges symboliques dans lesquels se joue le processus politique. Certains auteurs évoquent les

concepts d’action publique « policy action » [ANDERSON, 1975]175 et de moyens de

l’action « course of action » [JONES, 1970]176 pour désigner les composantes des

politiques publiques débarrassées des multiples interprétations sur les finalités et le sens.

171 MULLER P. (2000), « L'analyse cognitive des politiques publiques : vers une sociologie politique de l'action publique », Revue Française de Science Politique op. cit.

172 DUBOIS V. (2009) « Action publique », in COHEN A., LACROIX B., RIUTORT Ph. (dirs), Nouveau manuel de science politique, Paris, La Découverte.

173 CROZIER M., FRIEDBERG E. (1977), L’acteur et le système, Paris, Seuil.

174 JOBERT B., MULLER P. (1987), L’Etat en action. Politiques publiques et corporatismes, Paris, PUF, op. cit.

175 ANDERSON J. (1975), Public Policy-making, New York, Praegger. Co.

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Vue dans ce sens, nous retenons que la politique publique est liée à une action publique

débarrassée de l’influence, ou mieux, de l’emprise de la sphère du politic.

2.1.2. Construction d’une démarche empirique qui s’appuie sur l’approche d’analyse des politiques publiques par les référentiels

L’analyse des politiques publiques de santé au Cameroun, comme nous l’avons déjà signalé au premier chapitre, requiert une lecture dans plusieurs sens. Rappelons que l’historicité des politiques publiques de santé leur confère un caractère économico-dépendant avec une évolution qui s’est avérée ondulaire, partagée entre les pôles égalitariste et libéral de la justice sociale, mettant en conflit deux conceptions idéologiques (le modèle keynésien fondé sur le monopole étatique de la santé et le modèle libéral porté par une logique marchande de la santé).

Nous focalisons notre analyse sur la construction de la SSS comme modèle de politique publique, tout en apportant un éclairage sur la montée en puissance de nouveaux cadres normatifs supposés encadrer l’action publique et qui constituent une contrainte pour les acteurs parce qu’ils transforment leur perception du monde vécu et disqualifient les anciennes visions sans pour autant régler les problèmes de représentation et de légitimité.

Nous distinguons l’approche prescriptive et sectorielle de type top-down177 qui repose sur

un schéma linéaire et séquentiel (très proche du Cadre Logique) d’une approche plus systémique qui fait ressortir la circularité du processus de négociation entre acteurs multiples. La première approche doit beaucoup à la rationalité instrumentale alors que la seconde est plus incrémentale. L’objectif ici n’est ni d’évaluer l’une ou l’autre approches, ni d’essayer de leur donner du sens. Il s’agit plutôt, à travers une grille simplifiée, d’opérer une lecture des dynamiques et des ressorts explicatifs des interactions entre les différents échelons en jeu, en ouvrant la « boîte noire » de l’élaboration des politiques publiques qui permet de mieux cerner les espaces de rencontre entre les différents acteurs qui interagissent.

177 Elle consiste en un séquençage de type linéaire partant d’un centre décisionnel vers la périphérie où existent les assujettis à la politique publique. Le « top » préétablit des fins en se fondant sur l’autorité dont il dispose et le «

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2.1.2.1. Les approches néo-institutionnaliste et de référentiels des politiques publiques