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Du Plan National de Développement Sanitaire à une politique publique explicite du secteur (1978-2001)

SANTÉ : UNE TRIPLE ÉVOLUTION

1.2.2.2. Du Plan National de Développement Sanitaire à une politique publique explicite du secteur (1978-2001)

La réforme du système de santé a pris un tournant déterminant avec l’adoption de deux textes importants : la Déclaration de la politique sectorielle en 1992 (réorientation des SSP) et la Loi-cadre dans le domaine de la santé en 1996 (participation communautaire et partage des coûts). Cette Loi-cadre dans le domaine de la santé de 1996 constitue véritablement la première tentative de définition d’une stratégie cohérente d’actions à mener dans le secteur. Elle précise que la politique nationale de santé a pour objectif

« l’amélioration de l’état de santé des populations par l’accroissement de l’accessibilité

aux soins intégrés et de qualité pour l’ensemble de la population avec la participation des

communautés à la gestion et au financement de la santé » [PNDS, 1999]100. Elle a conduit

à l’élaboration du document de Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) qui devenait ainsi le tout premier outil de planification et de plaidoyer qui précise à moyen et long termes les priorités, les objectifs et les stratégies susceptibles de corriger les insuffisances, les disparités, voire les incohérences observées dans le secteur pour la période 1999-2008. Ce document a été articulé autour de 3 objectifs :

 la décentralisation rendant les Districts de santé (niveau périphérique) fonctionnels et

plus performants par la recherche d’une meilleure complémentarité entre secteur public et privé (qui couvre près de 45% des besoins au Cameroun) ;

 la maîtrise de la progression du Sida et des maladies endémiques avec un programme

très décentralisé au niveau des Districts ;

 le développement de la participation communautaire dans le financement de la santé

(système de recouvrement des coûts, mutuelle de santé).

Cet engagement du gouvernement s’est exprimé par des mesures immédiates, notamment la réorientation des programmes dans un cadre intégré et déconcentré des districts

100 Dans le PNDS (1999-2008), l’approche programme a été utilisée comme outil de gestion dans la mesure où il offrait un cadre d’intervention unique pour les acteurs. Centrée sur le district de santé, ses maîtres-mots étaient : « participation communautaire», « collaboration » entre secteurs public et privé, « mutualisation des risques », et «décentralisation » de la gestion.

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sanitaires. L’arrêté du 21 septembre 1998 fixant les modalités de création des structures de dialogue et de participation communautaire préparait déjà la mise en place du PNDS qui a été validé quelques mois plus tôt. Dans le PNDS, l’approche programme a été utilisée comme outil de gestion dans la mesure où il offrait un cadre d’intervention unique pour les acteurs. Le gouvernement voulait disposer d’un tableau de bord qui lui permette d’assurer un bon suivi et contrôle en imprimant une dynamique d’ensemble aux efforts isolés que représentent les projets. La globalité dans l’approche, le partage des objectifs communs par tous les acteurs et la volonté de mettre ensemble les efforts pour mobiliser les ressources ont enclenché une dynamique exigeant un minimum de règles : le partage des informations pour une meilleure lisibilité des interventions, la transparence dans la gestion, le respect des normes et procédures communes, le développement d’une culture du partenariat à la place de l’assistance. L’approche programme promue dans ce document pouvait alors être jugée comme étant ambitieuse avec une déclinaison en une douzaine d’orientations stratégiques. L’adaptation de la législation sanitaire, en particulier pour le secteur hospitalier et pharmaceutique, la rationalisation de la gestion des infrastructures, des équipements et du personnel, la mise en place de systèmes d'information sanitaire performants devraient à juste titre compléter ces orientations.

La politique actuelle se situe dans le cadre d’une approche plus africaine qui tient compte des similitudes des systèmes sanitaires globalement en déclin. Elle tient donc compte des recommandations issues de certaines rencontres importantes organisées par les Etats africains au cours desquelles des stratégies concertées ont été développées. Les plus importantes de ces rencontres sont : la conférence de Lusaka (1985), la conférence interrégionale de l´OMS à Harare (août 1987), le sommet des Chefs d’États de l’OUA (juillet 1987) et la conférence de Bamako (septembre 1987). La Stratégie Sectorielle de la Santé a été adoptée pour la période 2001-2010. Dans cette stratégie, trois objectifs majeurs ont été mis en relief, à savoir : (i) réduire de 1/3 au moins la charge morbide globale et la mortalité des groupes de population les plus vulnérables ; (ii) mettre en place, à une heure de marche et pour 90% de la population, une formation sanitaire délivrant le Paquet Minimum d’Activités (PMA); (iii) pratiquer une gestion efficace et efficiente des ressources dans 90% des formations sanitaires et services de santé publics et privés, à différents niveaux de la pyramide.

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La SSS comprend 4 axes stratégiques (annexe 2) déroulés en huit programmes eux-mêmes regroupés en deux catégories : les programmes de prestations de soins et services (lutte contre les maladies, santé de la reproduction, promotion de la santé, médicaments et consommables médicaux essentiels) ; et ceux d’appui (processus gestionnaire, amélioration de l’offre de soins, avec notamment, la mise en œuvre du PMA dans toutes les aires de santé, financement du secteur santé, développement institutionnel). Ces programmes se déclinent quant à eux en 39 sous-programmes, tous conformes avec le DSRP et calés sur les objectifs du millénaire pour le développement – OMD. Quatre domaines principaux sont mis en exergue afin de concourir au développement des axes stratégiques nationaux :

 le schéma directeur de l’offre de soins, qui énonce les relations de complémentarité

entre tous les intervenants du secteur santé ;

 l’organisation du secteur, qui s’appuie sur le développement d’un partenariat entre

le Ministère de la Santé Publique, les départements ministériels agissant de façon transversale dans le secteur de la santé, le secteur privé, les communautés et les partenaires extérieurs ;

 le processus gestionnaire et administratif, qui redéfinit le rôle attendu des différents

intervenants dans le financement et donne les orientations sur les principes et modalités d’allocation et de gestion des ressources ;

 les aspects techniques, qui définissent les conditions d’amélioration de

l’accessibilité géographique, financière et socioculturelle des populations au système de soins, l’amélioration de la qualité des soins et les programmes prioritaires.

Au niveau national, le secteur couvre 3 grands sous-secteurs, ce qui rend le cadre institutionnel diversifié avec une multitude d’acteurs. On observe des cloisonnements et des distorsions fonctionnelles du fait de la faiblesse des mécanismes de coordination et de concertation mis en place. Même au niveau central, les attributions et les compétences sont éparpillées au sein de plusieurs institutions et ministères techniques. La mise en

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œuvre de la SSS aura donc été un défi majeur à tous les niveaux, même si, à mi-parcours,

des cadres de concertation ont été établis « pour plus de coordination, de standardisation

et de capitalisation des interventions »:

(i) le sous-secteur public qui comprend, outre les structures sanitaires directement

sous la tutelle du Ministère de la Santé, certaines dont la tutelle relève d’autres départements ministériels (Forces armées, Travail, Éducation, Enseignement supérieur, etc.) ;

(ii) le sous-secteur privé qui regroupe des structures sanitaires privées à but non

lucratif (confessionnelles, associatives et d’organisations non gouvernementales) et celles à but lucratif (cliniques privées et cabinets médicaux) ;

(iii) le sous-secteur de la médecine traditionnelle, qui est une composante majeure du

fait qu’il est fortement ancré dans la pratique quotidienne des soins, surtout pour les moins nantis (premier et second quintiles de richesse). En revanche, ce secteur reste celui dont l’organisation et la réglementation ne sont pas encore suffisamment explicitées et dont le fonctionnement reste en interrompu.

Le DSRP final fut rédigé après l'atteinte du point de décision, donc après la mise en œuvre des premiers projets financés sur fonds PPTE et après la finalisation et la validation de la SSS. Par conséquent, cette dernière se retrouve pour l’essentiel dans le DSRP final (validé en 2003). Du document final, on peut lire l’engagement de faire évoluer rapidement les programmes d’application de la SSS avec pour objectifs prioritaires : (i) un rattrapage des

districts sanitaires les plus défavorisés101, (ii) une orientation forte vers la

déconcentration/décentralisation du système, (iii) une approche thématique corrigeant les inégalités liées à la « balkanisation » du territoire par le partage des régions entre les partenaires extérieurs dont les niveaux d’appui, les domaines d’intervention et les procédures diffèrent, (iv) une participation communautaire plus poussée, (v) une accessibilité, tant physique que financière, de toute la population et une réponse aux problèmes des indigents ainsi qu’à celui du partage du risque maladie.

101 Assertion vide de sens dans la mesure où il n’existe pas une cartographie des zones défavorisées présentant des déficits d’offre et de demande de santé.

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On retrouve en effet dans le DSRP certains programmes de lutte contre les grandes

endémies (paludisme, VIH/SIDA, onchocercose, tuberculose, maladies non

transmissibles), le PEV, la santé de la reproduction et de nutrition, outre trois programmes «structurants » (amélioration de l'accessibilité aux médicaments essentiels, amélioration du financement de la santé grâce aux mutuelles de santé, et programme urgences, épidémies, catastrophes). Ces derniers prennent particulièrement en compte le problème de l’accessibilité financière aux soins, et se trouvent donc plutôt destinés aux populations pauvres. Le cadrage macro-économique du DSRP a poussé le Ministère de la Santé Publique à mener une révision à la baisse du financement de la SSS, et donc de ses objectifs. Ainsi, le DSRP précise la méthodologie du cadrage budgétaire des secteurs, parmi lesquels la santé. Il existe néanmoins un gap de financement par rapport aux ressources internes et externes disponibles dans le cadre budgétaire du DRSP. Dans un second temps, les ministères sectoriels ont révisé leur scénario pour le mettre en cohérence avec les ressources dégagées dans le scénario central du DSRP et affectées dans le CDMT.

La diminution des enveloppes budgétaires disponibles a eu pour conséquence la révision des projets et programmes et des objectifs initiaux. Le financement interne correspond au budget du Ministère de la santé, prenant en compte les fonds PPTE et C2D à partir de 2004. Ces fonds n’ayant pas été rendus disponibles dans les délais et selon les montants prévus, un recentrage du CDMT de la SSS a été nécessaire afin d’obtenir un engagement ferme à moyen terme sur les ressources allouées. Les changements structurels qui vont intervenir dans le secteur social auront comme « leviers de contrôle » la recherche de l’efficacité/efficience en accordant peu d’importance à leur caractère redistributif, ce qui conduira à des politiques sectorielles à forte concentration sur la rentabilité économique au détriment de la réduction des inégalités.

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1.3.LA PERSISTANCE DES INÉGALITÉS DE SANTÉ COMME