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Situation globale des performances en 1999 sur le site D

PARTIE 3 – VALIDATION DU MODELE EQUILIBRE DE PERFORMANCE :

3.1 Les apports du modèle : vers la performance

3.1.1 La situation avant l’intégration du modèle

3.1.1.1 Le site D en 1999

3.1.1.1.3 Situation globale des performances en 1999 sur le site D

Outre les résultats présentés dans le §3.1.1.1.1, nous pouvons apporter d’autres éclairages quantitatifs annonçant les signes précurseurs à la crise. Sept types d’indicateurs illustrent bien le décalage du site D par rapport aux autres unités du Parc dans les années précédant le déclenchement du cycle de crise :

- Le coefficient d’indisponibilité fortuite en fonctionnement (Indicateur n°1 dans le PSU58) : l’année 1998 fut une excellente année avec un 0,68% qui correspond au minimum du parc nucléaire. En 1999 (réalisé 3,3% pour un objectif fixé de 1,2%) et 2000 (réalisé 3,1% pour un objectif fixé de 1%), ce pourcentage est multiplié par cinq, ce qui place le site D juste en dessous de la moyenne de la Division du Parc Nucléaire (DPN).

- Le nombre de jours d’indisponibilité pour prolongation d’arrêt pour rechargement et pour travaux de responsabilité site (Indicateur n°2 dans le PSU), le nombre moyen de prolongation d’arrêts de tranche de responsabilité site entre 1997 et 1998 a été multiplié par plus de 2,5. Le nombre de jours était en 1998 de 22 jours et de 20 jours l’année d’après tandis que les moyennes du parc étaient respectivement de 6,5 et 9,3 jours.

- Les coûts de maintenance en arrêt de tranche (Indicateurs n°3.1 dans le PSU) : les coûts de maintenance sont restés à peu près stables exceptés en 1998 où l’on observe une augmentation qui place le résultat du site D le plus élevé de la DPN.

- Les coûts de maintenance courante (Indicateurs n°3.2 dans le PSU) : Les résultats concernant les coûts de maintenance en arrêt de tranche, les résultats de Dampierre se situent dans la moyenne des sites 900MW. On observe malgré tout une augmentation constante sur les années 1998 (244,1 MF), 1999 (252,6 MF) et 2000 (274,6 MF).

- Le nombre d’incidents significatifs de non conformité aux STE (spécifications techniques d’exploitation) par tranche (Indicateur n°5 dans le PSU) : il a été multiplié par 2 entre 1998 et 2000, de même qu’en 2000, le nombre d’incidents atteint les 5,25 contre une moyenne parc de 1,79.

- Le nombre d’incidents significatifs par tranche (Indicateur n°6 dans le PSU): jusqu’en 1998, le site de Dampierre se situait dans la moyenne du parc, par contre en 1999, le nombre d’incidents significatifs est passé de 6, 5 à 10,8 (le maximum parc) tandis que la moyenne parc était à 7,2.

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- Le taux de fréquence d’accidents du travail des agents EDF (Indicateur n° 10b du PSU) : on observe une nette progression entre 1997 (8,8) et 1998 (10,9) mais cette augmentation a été maîtrisée en 1999 et en 2000 aux environs de 8,8. Ces résultats restent malgré tout au dessus de la moyenne du parc qui se situe pour ces deux années entre 6,8 (1999) et 5,3 (2000). En parallèle, on peut remarquer que ces chiffres sont nettement supérieurs aux objectifs fixés dans le PSU qui étaient de 5,5 pour 1998, 5 pour 1999 et 4,5 pour 2000.

Outre ces indicateurs de résultats, signaux faibles de crise, une série d’évènements significatifs considérés comme des signaux forts sont survenus sur le site D entre1999 et 2000. Les signaux forts majeurs en terme de résultats ont été :

- La convocation du directeur de site par la DRIRE suite à l’incident bâche ASG et son traitement sur site en 1999,

- Le triple déchargement de la tranche 4 (1999),

- Les difficultés de négociations et tensions avec les organisations syndicales notamment sur l’horaire de travail et l’accord social, en plein milieu d’un planning technique tendu, - Le dépassement du délai imparti pour passer de 100% de puissance à l’arrêt du réacteur

1 ; rejet d’hydrocarbure (mai 2000),

- La procédure de conduite erronée ; redémarrage interrompu du réacteur 3 suite au non- respect des « SPEC » (juin 2000),

- L’écart d’appréciation sur l’état d’un réacteur ayant entraîné le dépassement de la puissance autorisée lors d’un essai; essai réalisé à une puissance trop élevée (août 2000) .

De 1998 à la mise sous surveillance du site D à l’été 2000, de nombreux évènements sociaux ont perturbé la vie du site. Quelques signaux forts illustrent les relations sociales du site avant le déclenchement de la crise:

- en septembre 1998, conflit de près de deux mois avec blocage du site, manifestations à l’extérieur, sollicitations de la presse locale pour l’embauche de la veuve d’un agent décédé,

- de février 1999 à octobre 1999, plusieurs mouvements de grève lors de la négociation de l’accord local,

- fin 1999, le conflit Conduite (le site D a été l’un des premiers à rentrer dans le mouvement),

- en 2000, le conflit Automatismes/Essais, en vue de mieux faire reconnaître leur spécificité, a démarré le 2 mai, sur la base d’une succession de préavis illicites, s’est

traduit par 20 jours de retard sur l’Arrêt de Tranche 3 et la déclaration d’un incident significatif pour non-réalisation d’essais requis au titre de la sûreté,

- en juin 2000, conflit des agents des services généraux,

- après les rappels à l’ordre oraux et écrits suite à des refus d’obéissance caractérisés à des demandes simples de la hiérarchie, y compris en provenance d’agents de haute maîtrise (exemple : refus du port des protections individuelles), certains de ces agissements ont donné lieu à des sanctions disciplinaires à l’égard d’agents (3 avertissements et un blâme de l’été 1999 à l’été 2000).

- l’organisation majoritaire syndicale a communiqué à l’extérieur sans aucune concertation avec la direction du site, dans un contexte externe de moins en moins amical (médias, élus,...), deux évènements : la fissuration du rotor BP1 de la tranche 2 et un incident de niveau 2.

Des tracts sociaux diffusés lors de ces différents conflits démontrent un dialogue social (entre direction du site et syndicats) virulent. C’est une caractéristique d'un temps syndical où les acteurs sociaux sont dans une logique d’affrontement et de confrontation directe. L’objectif des syndicats n’est pas de trouver une logique de pression pour aboutir à une négociation raisonnée gagnant/gagnant, le rapport de force est beaucoup plus marqué :

« Nous faisons face à une direction sourde et intransigeante plus soucieuse de la mise en concurrence des salariés et des profits qui en découlent que du progrès social des agents. Cette direction n’hésite pas à revoir à la baisse ses engagements pour mieux montrer son mépris, sa méconnaissance du travail que nous fournissons», Tract SAE, juin 2000

« Pourquoi en est-on là aujourd’hui, les réorganisations imposées par les technocrates parisiens portées par des directions à durée limitée et ne tenant compte à aucun moment de l’avis des agents dans les services se sont succédées allant ainsi à l’encontre de toute idée de sérénité indispensable à la sûreté », Tract CGT, juin 2000

« Le management par la terreur est inacceptable », Tract CGT, juillet 2000

D’autre part, deux enquêtes réalisées auprès des agents nous permettent de compléter cette analyse :

- l’enquête Projet de Site réalisée en 1997,

- l’enquête « Diagnostic Satisfaction Interne » réalisée fin 99 dont sont extraits les indicateurs sociaux « satisfaction interne » du §3.1.1.1.2.

A partir de ces deux enquêtes, quelques signaux faibles ont été mis en évidence au niveau des relations sociales:

En 1997 :

- 61% des agents estiment que l’ambiance de travail est tendue,

- 28% des agents considèrent que la Direction du site fait bien redescendre l’information,

- 40% se sentent considérés par leur hiérarchie comme une pièce sur l’échiquier. En 1999 :

- selon 63% des agents, le dialogue entre l’encadrement et le terrain est difficile et pour 55%, il s’exerce dans un rapport de force,

- 58% des agents estiment qu’ils ne sont pas compris par leur hiérarchie, - 76% des agents estiment que leur situation professionnelle ne s’améliore pas. Enfin, les points faibles identifiés par les agents sont révélateurs du contexte de l’époque :

- la présence hiérarchique sur le terrain 88% - la capacité à décider 83%

- les relations sociales au sein des équipes 81%

Ce volet socio-managérial s’est dégradé peu à peu jusqu’à une situation de crispation à l’été 2000 relevée par l’Autorité de Sûreté.

Le diagnostic stratégique établi en vue de l’élaboration du Plan d’Orientation 2001-2004 du site D met en avant un signal faible majeur : « la Gestion des Ressources Humaines insuffisamment anticipée, un déficit de compétences et une structure d’emplois inadaptée... » D’après ce diagnostic, « la structure des emplois est inadéquate : nous n’avons pas les ressources, ni même dans certains cas les compétences, aux bons endroits, rendant la situation dans certains collectifs très délicate (conduite, CA maintenance lourde, combustible, ingénierie). Ces difficultés s’associent à un turnover important, à l’intégration récente de certains agents, à beaucoup de personnes en instance de mouvement et / ou en acquisition de compétences. »59

Pour illustrer ces constats par des faits, sur le site D, le turn-over était de 9,7% en 1998, de 11.6% en 1999 et de 17,1% en 2000. Là aussi, le double renforcement agit, le turn-over dégrade l’image et agit directement sur l’attractivité du site qui elle aussi s’érode.

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Ce constat avait déjà été formalisé lors de précédents diagnostics dans lesquels un axe de progrès du site D visait à la mobilisation des ressources humaines : « excepté pour les métiers de la conduite, la gestion des emplois est encore trop limitée au « coup par coup ». L’analyse prospective pour apprécier nos besoins dans le domaine du recrutement de la mobilité fonctionnelle, des parcours professionnels du volume d’emplois par métiers doit encore progresser ».60 Le site ne possédait pas à cette période de Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) et le Système Local de Développement des Compétences (SLDC), institué dans de nombreux sites, était quasi inexistant.

Ces différents signaux n’ont pas été perçus par le site car, comme dans d’autres entreprises, plusieurs filtres culturels, socio-managériaux et psychologiques ont occulté les faits. Nous aborderons ces points au sein du §3.2.2 consacré au retour d’expérience à propos de la situation de crise.

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