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De simples dommages et intérêts, sanction non suffisante pour une majorité d’auteurs.

Dans le document L'immixtion du juge dans les contrats (Page 30-34)

La jurisprudence ne reconnaissant toujours pas une possibilité de réparation en nature concernant les promesses de contracter, les auteurs continuent à s’affronter sur la meilleure sanction à l’inexécution d’un tel contrat. Le point de discorde le plus important reste de savoir si la partie a déjà donné son consentement définitif et irrévocable au contrat projeté (A), et surtout si la sanction en nature reste la meilleure au regard de la nature de la promesse (B).

A. Une volonté définitive et irrévocable, au cœur des débats sur l’exécution forcée.

Dans le célèbre arrêt Cruz du 15 décembre 1993, la Cour s’appuyant sur les articles 1142 et 1134, alinéa 2, du code civil, affirme que « attendu que la cour d’appel ayant

exactement retenu que tant que les bénéficiaires n’avaient pas déclaré acquérir, l’obligation de la promettante ne constitue qu’une obligation de faire et que la levée d’option, postérieure

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Stoffel-Munck P., « Novembre 2005 - juin 2006 : la jurisprudence au service d’une défense raisonnée des prévisions des parties.», droit

à la rétractation de la promettante, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vente et d’acquérir, le moyen n’est pas fondé. » 38

« Colonne du temple contractuel, l'article 1134, alinéa 1er, du code civil vient de subir, en raison de l'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, un coup de boutoir propre à le faire vaciller »39

L’unique sanction possible selon les Hauts magistrats serait l’obtention de dommages et intérêts. En effet, l’obligation de faire recensée par la Cour, selon la lettre de l’article 1142 du Code civil, ne peut se résoudre qu’en dommages et intérêts.

Cette solution, confirmée de nombreuses fois, n’en reste pas moins critiquée par la majorité des auteurs.

Selon Monsieur Mazeaud, le promettant, dans cette situation n’est pas débiteur d’une obligation de faire. En effet, sa situation se caractériserait par la passivité. Il doit simplement attendre que le bénéficiaire lève ou non l’option. La vente sera conclue dès que le bénéficiaire aura levé l’option, sans intervention supplémentaire nécessaire de la part du promettant. 40

De plus, les auteurs s’entendent aussi pour démontrer que la vision de la Cour concernant l’article 1142 est désuète. En droit positif, tout créancier a droit à une exécution en nature, peu importe l’obligation qui se trouve en face. En effet, rares sont les obligations qui touchent à la personne même du débiteur.

Un autre argument est mis en avant. La Cour semble prendre en compte la volonté des parties au jour de la rétractation, et non plus au jour de la conclusion du contrat de promesse. Ce qui ne correspond donc pas à la sanction du contrat de promesse, mais plutôt, à la sanction du contrat projeté, pour lequel, il n’y aurait pas de rencontre des volontés.

Le 11 mai 2011, la troisième chambre civile décide de réitérer sa solution de l’arrêt Cruz, mais au visa de l’article 1101 et 1134 du Code civil. « La levée de l’option par le

bénéficiaire postérieurement à la rétractation du promettant excluant tout rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, la réalisation forcée de la vente ne peut être ordonnée. » 41 Cette fois-ci les Hauts magistrats semblent avoir pris en compte un des arguments des auteurs, qui ne comprenaient plus l’utilisation de l’article 1142 du Code civil.

Pourtant cette décision n’en reste pas moins critiquée, en ce qu’elle fragilise la force obligatoire du contrat et notamment du point de vue de l’échange des consentements, qui ne serait pas réalisé en cas de rétractation antérieure à la levée d’option. Monsieur Mazeaud, ou Monsieur Boyer42, en outre, énoncent que suivant l’article 1134 du Code civil, le consentement donné, au jour de la conclusion de la promesse, par le promettant est définitif et irrévocable. Pour former valablement le contrat, il suffit que le bénéficiaire utilise son droit potestatif, et lève l’option. Ainsi, la position de la Cour nie l’existence du contrat de promesse. Et en cela, lui fait perdre tout son intérêt.

38

Cass. Civ 3ième, 15 décembre 1993, n° 91-10.199, Bull.Civ, III, n°174 39

Mazeaud D., JCP éd. G. 1995. II. 22366.

40Mazeaud D., « Promesse unilatérale de vente : La Cour a ses raisons… », Recueil Dalloz, 2 Juin 2011, n°21 41

Cass. Civ 3ième, 11 mai 2011, N° 10-12.875, Bull. Civ., III, n°77 42

Toutefois, des voix minoritaires se font entendre pour défendre cette jurisprudence.

B. Des dommages et intérêts, comme sanction adaptée à la nature de la

promesse.

Monsieur Mainguy, dans son célèbre article, « l’efficacité de la rétractation de la promesse de contracter »43, développe et concentre les arguments qui ont pu être prononcés en faveur de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Le premier étant que l’exécution par équivalent est tout à fait de nature à combler la satisfaction du créancier. En effet, ce dernier, dans une grande majorité de cas, pourra consentir un contrat, portant sur le même objet que le premier, avec un tiers.

De plus, forcer l’exécution reviendrait à méconnaitre la liberté contractuelle. « La

force obligatoire de la promesse de contracter se heurte en effet au principe de la liberté contractuelle. Autant l'obligation de payer ou l'obligation de livrer peuvent faire l'objet d'une « exécution forcée » par le créancier par le biais d'une saisie - ce qui signifie, au passage, que ce n'est pas d'exécution forcée du débiteur dont il s'agit mais simplement de satisfaction contrainte du créancier - autant le maintien de l'offre, pour autant qu'il s'agisse d'une obligation, est impossible à forcer. Elle implique la personne dans ce qu'elle a de plus intime, la volonté, et elle implique une « chose » des plus incorporelles, la volonté encore. »44

Cet auteur critique aussi le fait que le consentement du promettant serait déjà donné au jour de la conclusion et qu’il serait donc irrévocable. « Cette solution qui vise à permettre

l'exécution forcée de la promesse aboutit à objectiver, désincarner et rigidifier la volonté du promettant. »45 Il faudrait distinguer clairement le consentement à la promesse et celui au contrat définitif.

Cependant l’argument majeur de Monsieur Mainguy repose dans la théorie de l’inexécution efficace, « efficient breach of contract ». Si le promettant ne respecte pas le contrat de promesse, c’est que des intérêts économiques le poussent à le faire. Dans ce cas, il ne faudrait pas le maintenir dans un lien contractuel. L’objectif premier du contrat reste la circulation des richesses.

Les arguments en faveur d’une formation forcée du contrat projeté paraissent les plus pertinents. Ayant donné sa parole, le promettant se doit de la respecter, comme l’impose l’article 1134, alinéa 1, du Code civil. Accepter qu’il répare « sa faute contractuelle » en dommages et intérêts ne permet pas de donner aux avants-contrats une véritable force. Si le promettant prend « le risque » de devoir payer des dommages et intérêts en cas de méconnaissance de ses obligations, c’est bien souvent parce que ce dernier trouve une contrepartie plus avantageuse dans le contrat conclu avec le tiers.

De plus, les décisions de la Cour de cassation ne sont pas cohérentes sur la sanction à appliquer aux avant-contrats. Pourquoi admettre la substitution pour le pacte de préférence, et se limiter à des dommages et intérêts pour la promesse unilatérale de contrat, quand il a pu être constaté que la promesse avait un effet plus contraignant pour le promettant ?

43

Mainguy M., « L’efficacité de la rétractation de la promesse de contracter » , RTD civ. 2004, p 1.

44

ibid

45

Deux solutions uniquement paraissent envisageables. Soit la Cour de cassation rétracte sa décision concernant le pacte de préférence et la substitution. Ce qui paraît fort probable au vu du nombre de décisions allant dans ce sens depuis 2006. Soit la Cour de cassation finit par aligner la sanction des promesses de contrat sur celle du pacte de préférence.

Pour avoir une idée de la réponse à venir de cette question, il faut se tourner vers les avant-projets de réforme du droit des contrats. Ces derniers, qu’ils soient nationaux ou extranationaux, permettent d’avoir une vision sur ce que le législateur décidera quant à cette question de formation forcée du contrat.

Section II. Une réforme attendue de la sanction du non respect des

Dans le document L'immixtion du juge dans les contrats (Page 30-34)

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