• Aucun résultat trouvé

La création d’obligations se basant sur un principe d’équité

Dans le document L'immixtion du juge dans les contrats (Page 53-56)

Paragraphe II. Un forçage ostensible du contrat reposant sur un principe d’équité

A. La création d’obligations se basant sur un principe d’équité

Grâce au principe d’équité, la Cour de cassation a pu créer l’obligation de sécurité, même si, au moment de sa découverte, les auteurs avaient pu la rattacher à une interprétation de la volonté (A). Le fondement, en ce qui concerne l’obligation d’information, est bien plus nette, les magistrats se référant clairement à l’article 1135 dans certaines décisions (B).

79

Leveneur L., « le forçage du contrat », Droit et patrimoine, 1998, n ° 58.

80

Malaurie Ph., Aynès L., Stoffel-Munck Ph., Les obligations, 5° éd., Defrénois, 2011

81

1. La naissance de l’obligation de sécurité comme prise en compte des dangers afférant à l’émergence de l’industrialisation.

Avec le développement des accidents dus à l’industrialisation, les différentes dispositions extra-contractuelles du Code civil ne parurent pas assez efficaces pour régler les conséquences de ces accidents.

C’est ainsi qu’a pu être créée l’obligation de sécurité en matière de contrat de transport. En 191182, la Cour de cassation décida que le transporteur de personnes est tenu de l’obligation de résultat, de conduire le voyageur à destination sain et sauf. « Attendu que

l’exécution du contrat de transport comporte (…) pour le transporteur, l’obligation de conduire le voyageur sain et sauf à destination. » Cette création prétorienne répond à

l’absence de texte en matière de transport de personnes, comme ça peut être le cas pour le transport de choses à l’article 1784 du Code civil.

Dans cette décision, et les suivantes concernant l’obligation de sécurité, les magistrats ne se sont jamais référés à une quelconque recherche de la volonté des parties. Il a pu en être déduit par la totalité des auteurs que cette découverte reposait sur un principe d’équité, où les juges cherchaient avant tout à rendre une décision qui leur paraissaient juste. C’est ainsi l’avis de Monsieur Terré, Monsieur Simler et Monsieur Lequette « Bien qu’on justifie souvent

cette solution par l’intention des parties, c’est le souci d’équité qui a commandé la décision des magistrats. Ceux-ci ont cherché à affranchir le voyageur de la charge d’une preuve souvent impossible à apporter, lorsqu’il est victime d’un accident dont il ne peut que difficilement contrôler les causes. »83

En effet, grâce à cette jurisprudence, le voyageur n’a pas besoin de prouver la faute du transporteur pour demander l’indemnisation de son préjudice. Il lui suffit d’établir l’inexécution de l’obligation de sécurité par le transporteur. La facilité de preuve a permis une meilleure indemnisation des personnes victimes d’accident.

Toutefois, pendant plusieurs années, un doute a pu exister sur l’étendue de cette obligation de résultat. Dans un premier temps, la Cour de cassation considérait que l’obligation de sécurité était de résultat dès que le voyageur se trouvait dans l’enceinte de la gare et jusqu’à son départ. 84 Puis, face aux critiques, les magistrats décidèrent que l’obligation était de résultat à partir du moment où le voyageur commençait à monter dans le véhicule et jusqu’à sa descente. 85 Le reste du temps, le débiteur n’était plus tenu qu’à une obligation de moyens. Par un revirement datant du 7 mars 198986, la Première Chambre civile de la Cour de cassation a décidé de « supprimer » cette obligation de moyens, pour ne laisser subsister que la responsabilité délictuelle dans la période ante- transport et post-transport.

Par la suite, cette obligation de sécurité a été découverte dans bien d’autres domaines. Notamment dans les conventions conclues entre l’exploitant d’un manège forain et ses clients « l’entrepreneur a l’obligation d’assurer la sécurité absolue des personnes qui se livrent au

82

Cass. Civ., 21 novembre 1911.

83

Terré F., Simler P., Lequette Y., Droit civil : Les obligations, 10 éd., Précis Dalloz.

84 Cass. Civ. 1ière, 17 mai 1961, Bull.Civ, n°254 85

Cass. Civ. 1ière, 1ier juillet 1969, Bull. Civ, n°260. 86

jeu qu’il organise. »87; dans la vente « elle y consiste à ne livrer que des produits exempts de

tout vice ou de tout défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens. » 88 Dans ces différents domaines, des questions entourant le degré que devait revêtir cette obligation se sont posées. Mais le débat qui intéresse le cadre de ce mémoire concerne la création même de cette obligation de sécurité, il faudra ainsi s’attarder sur les critiques entourant cette découverte par les juges.

2. Une obligation d’information pour assurer un équilibre entre les parties.

L’obligation d’information peut aussi bien intéresser la formation du contrat que son exécution. S’agissant des effets du contrat, la Cour de cassation découvre dans de nombreux contrats, l’obligation pour l’une des parties de délivrer à son cocontractant les informations utiles à la bonne exécution du contrat. Il y a encore une cinquantaine d’années, c’était à chaque cocontractant de rechercher lui-même les informations qui pourraient lui être utiles. Maintenant, les magistrats se fondent le plus souvent directement sur l’article 1135 du Code civil, l’équité. 89 L’inexécution de cette obligation se réglera alors au moyen des règles de la responsabilité contractuelle.

Cette obligation peut revêtir des intensités variables. Parfois, le débiteur sera tenu de simplement délivrer des informations, il s’agit d’une obligation de renseignement. Dans d’autre cas, il sera tenu de porter à l’attention de son cocontractant les risques encourus par ce dernier s’il ne se conforme pas aux indications fournies, c’est l’obligation de mise en garde. Et pour finir, il devra, dans certains cas, orienter l’activité de son partenaire, c’est le devoir de conseil.

Cette intensité variera selon le type de contrats, et selon les qualités de chaque contractant. Ainsi, cette obligation se retrouve le plus souvent dans les rapports entre professionnels et consommateurs. Plus généralement, elle joue chaque fois que l’une des parties ignore légitimement l’information et que l’autre partie la connaissait ou aurait dû la connaitre.

Par exemple, le vendeur est tenu de mettre en garde l’acheteur contre les risques d’utilisation d’un produit lorsque ce dernier est susceptible d’être dangereux. De même, en cas d’appareils présentant une complexité, le vendeur est tenu de fournir les renseignements pour que cet appareil puisse être utilisé au mieux.

Mais c’est surtout dans le domaine des contrats ayant pour objet une prestation de service que l’obligation d’information s’est beaucoup rencontrée ces dernières années. Notamment, chez les notaires, les avocats, les banquiers, ou encore, les architectes.

Cette obligation étant d’autant plus mise en œuvre que c’est au débiteur de rapporter la preuve qu’il a exécuté cette obligation.

87

CA Nancy, 26 Juin 1925

88 Cass. Civ 1ière, 11 Juin 1991,n°89-1274889-12748, Bull civ I, n° 201

89

Malgré les avantages probatoires que ces obligations engendrent pour les parties « les plus faibles », beaucoup de critiques se sont élevées contre le recours à la notion d’équité, notion encore floue dans le droit des contrats français.

B. L’équité, une notion juridiquement floue, imprimant un risque d’atteinte à la

Dans le document L'immixtion du juge dans les contrats (Page 53-56)

Outline

Documents relatifs