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Le maintien forcé du contrat ordonné au titre de l'exécution en nature

Dans le document L'immixtion du juge dans les contrats (Page 93-95)

Paragraphe I. Un maintien forcé pouvant être une forme d’exécution ou de réparation d’une

A. Le maintien forcé du contrat ordonné au titre de l'exécution en nature

La décision de rupture qui met fin à un contrat s’analyse en un acte juridique. Un tel acte peut être annulé, ce qui aura pour conséquence directe de maintenir le lien contractuel préexistant. La nullité de la décision, dont il convient de circonscrire le domaine (A), est donc un préalable à l'exécution forcée en nature de la convention (B).

1. Le domaine de la nullité.

La nullité de la décision de rompre est prévue expressément dans deux domaines, ceux du bail et du travail. Ces deux domaines sont marqués par une position dominante d’une des parties envers l’autre, et cet effet peut être néfaste.

Le licenciement de certains salariés protégés peut être frappé de nullité, et plus généralement, celui qui intervient pour des motifs discriminatoires, comme prévu à l’article L122-45 du Code du travail. Quant aux contrats de bail, l’article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 prévoit que le congé donné par le bailleur doit, à peine de nullité, indiquer le motif pour lequel il est donné.

La Cour de cassation n’a pas hésité, en l’absence de texte particulier, à agrandir ce domaine de la nullité permettant une prolongation forcée du contrat. Ainsi, un licenciement non autorisé d’un représentant du personnel a pu être annulé167 comme celui d’un salarié, prononcé en violation de la liberté d’expression168. La nullité devrait « alors pouvoir être

appliquée à tout acte de rupture dont la motivation heurterait l’ordre public en portant atteinte aux droits fondamentaux de la personne. »169

En plus de la possibilité de revenir sur une possibilité de rupture, il arrive que ce droit de rompre n’existe pas, tout simplement. En principe, un contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant la survenance du terme convenu170. Pourtant la jurisprudence a permis au créancier de rompre un tel contrat lorsque la gravité du comportement du débiteur le justifie171. En l’absence de ce comportement grave, la décision de cessation anticipée de la convention devrait être annulée par le juge et ainsi le créancier devrait être forcé à continuer l’exécution du contrat.

Cependant les Hauts magistrats ont pu refuser une telle solution. Ainsi, la Cour a pu casser un arrêt ayant condamné un contractant qui avait mis fin à une convention à durée déterminée, à payer la fraction du prix restant due. La Cour d’appel ne pouvait qu’accorder des dommages et intérêts, « le prix, fût-il d’un montant forfaitairement convenu, n’était dû

qu’en cas d’exécution de la convention. »172

Pourtant cette jurisprudence ne peut pas tenir, surtout depuis la généralisation du droit à la rupture unilatérale, même pour les contrats à durée déterminée. Et surtout, puisque les

167

Cass. soc., 3 juin 1948, Bull. civ. IV, no 557, p. 622 168 Cass. soc., 28 avril 1988, n° 87-41804, Bull. civ. V, no 257

169

Marais A., « Le maintien forcé du contrat par le juge », LPA 2002, n° 197 170 Cass. com., 5 mai 1982,n° 81-11020, Bull. civ. IV, no 154, p. 137 171

Cass. civ. 1re, 13 octobre 1998, n° 96-21485, Bull. Civ. I, no 300, 172

juges des référés n’hésitent pas à ordonner le maintien des relations contractuelles si la gravité du comportement n’est pas avérée. Ainsi, dans un arrêt rendu le 3 mai 2012, par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, il a été annoncé que « La cour d'appel, qui a

souverainement constaté l'existence d'un dommage imminent et qui a fixé un terme certain à la mesure de maintien des relations commerciales qu'elle imposait à l'auteur de la rupture pour remédier à ce dommage, n'a pas porté atteinte au principe de la liberté du commerce et n'a pas excédé le pouvoir que lui confère l'article 873, alinéa 1er, du Code de procédure civile. »173

« La nullité devrait donc être prononcée dès lors que la partie qui a mis fin aux

relations contractuelles ne disposait pas du droit de rompre le contrat, soit parce qu'un tel droit n'existait pas ab initio, soit parce que son titulaire en a été déchu en raison de l'illicéité des motifs ayant inspiré la cessation des relations contractuelles. »174

Le maintien du contrat, une fois la nullité obtenue, apparait comme une mesure d’exécution forcée en nature.

2. L'exécution forcée en nature du contrat, conséquence de la nullité.

Un acte annulé est censé n’avoir jamais existé. Le juge, qui ordonne la poursuite du contrat, prescrit une mesure d’exécution forcée du contrat.

Pendant des années, le juge s’est réfugié derrière l’article 1142 du Code civil, selon lequel« Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur » pour refuser la poursuite forcée d’un contrat.

Aujourd’hui, le juge semble préférer privilégier le respect de la force obligatoire du contrat sur l’impossibilité d’ordonner l’exécution forcée d’une obligation de faire. Et ainsi, l’application de l’article 1142 du Code civil est réservée aux cas dans lesquels l’obligation a un caractère personnel qui impliquerait que pour être exécuté, il y ait besoin de recourir à une contrainte physique.175

Cette évolution concernant l’application de l’article 1142 se retrouve parfaitement dans la jurisprudence concernant les pactes de préférence. Les juges ont pu décider qu’en cas d’inobservation de ce pacte, une substitution au tiers acquéreur par le bénéficiaire était possible. Le maintien forcé du contrat, en cas de nullité de l’acte de rupture, s’analyse en une exécution de celui-ci, qui est obligatoire pour tous, les parties, comme le juge.

Ainsi, même le juge des référés se doit d’ordonner l’exécution du contrat lorsqu’il annule l’acte de rupture. « Dès lors que la nullité n'est pas contestable, le juge des référés ne

fait que constater l'évidence en annulant l'acte de rupture. La continuation du contrat apparaît alors comme une mesure de remise en état qui, aux termes des articles 809, alinéa 1 et 873, alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile, se justifie pour faire « cesser un trouble manifestement illicite ». C'est d'ailleurs sur ce fondement que le juge des référés est intervenu pour ordonner la réintégration d'un salarié qui en avait fait la demande, à la suite de l'annulation de son licenciement176 ou encore pour décider de la poursuite de relations

173 Cass. com., 3 mai 2012, n° 10-28.366, inédit.

174

Marais A., « Le maintien forcé du contrat par le juge », LPA 2002, n° 197

175

Terré F., Simler P., Lequette Y., Droit civil : Les obligations, 10 éd., Précis Dalloz.

176

contractuelles extra-judiciairement résolues177 . »L’avantage du recours au juge des référés est la rapidité. Ainsi, la mesure d’exécution en nature est plus facilement mise en œuvre. Les parties n’ont pas eu le temps, entre la rupture et la décision, de conclure d’autres contrats, par exemple.

La prolongation forcée du contrat ne résulte pas uniquement de l’annulation de l’acte de rupture. Cette mesure peut aussi être prise sur le terrain de la responsabilité, et sans remettre en cause la validité de la rupture. Cette mesure apparaît alors comme une modalité de la réparation du préjudice de la victime résultant de la rupture.

Dans le document L'immixtion du juge dans les contrats (Page 93-95)

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