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Une réfaction de la clause pénale supprimant son caractère comminatoire

Dans le document L'immixtion du juge dans les contrats (Page 45-47)

La diversité des fonctions de la clause peut expliquer les difficultés à cerner sa notion. Il s’agit pourtant d’une question essentielle.

En effet, depuis que le juge a reçu le pouvoir de réviser les clauses pénales, il est important d’identifier ses caractères. Retenir la qualification de clause pénale permet de préciser l’étendue du pouvoir de réfaction des magistrats.

Après avoir voulu contrôler de manière stricte l’application de la qualification de la clause pénale, il semblerait que la Cour de cassation laisse de nombreuses décisions venir modifier le caractère comminatoire de la clause pénale.

C’est ainsi que les juges portent atteinte à la notion de clause pénale, en admettant de la supprimer en cas d’inexistence d’un préjudice, ou encore en maintenant les contours de la notion de clause pénale flous afin de pouvoir faire rentrer dans son périmètre un certain nombre de clauses.

En ce qui concerne la qualification de clause pénale, les juges ne se contentent plus de suivre les définitions apportées par le Code civil. Il suffit, désormais, que la clause porte sur une indemnité conventionnelle de l’inexécution du contrat pour que celle-ci soit qualifiée de clause pénale. Peu importe que cette clause comporte un caractère comminatoire.

C’est notamment dans ce mouvement, que les Hauts magistrats ont pu qualifier que toute indemnité de licenciement prévue par le contrat de travail est une clause pénale61. Ou encore, à l'égard de la clause qui prévoit qu'un établissement pourra conserver définitivement les droits d'inscription perçus en cas de rupture de la convention par l'étudiant.62

Ainsi, concernant la clause portant sur les droits d’inscription, Monsieur Delbecque se demande « si la Cour de cassation, sous couvert de qualification, n'est pas en train de

61

Cass. soc., 18 janv. 2011, n° 09-40426, inédit. 62

Delebecque P., « Définition de la clause pénale : évaluation conventionnelle de dommages et intérêts en cas d'inexécution de la convention » Dalloz, 1996, p. 116.

consacrer la révision judiciaire des contrats. » En effet, pour ce dernier cette clause est une

sorte d’acompte. Le paiement est exigé par avance et s’impute sur les frais de scolarité. L’aspect comminatoire de la clause se rencontre donc dans très peu de cas, et cela se concrétise uniquement dans les cas où l’inexécution n’est pas imputable à l’élève.

La Cour de cassation ne s’arrête pas à ces cas particuliers de clause, elle a tendance à ne plus différencier les clauses pénales des clauses d’indemnisation forfaitaire en général.

Pourtant une différence doit être faite entre les clauses pénales et les clauses d’indemnisation forfaitaire. Comme le rappelle Monsieur Seube « La meilleure doctrine a

ainsi montré la différence entre la clause pénale pure et la clause d'indemnisation forfaitaire. En disposant que « lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages intérêts », l'article 1152 vise ainsi la clause d'indemnisation forfaitaire. La « vraie » clause pénale, revêtue d'un caractère comminatoire, est évoquée au seul article 1226, lequel dispose que « la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution ». Ainsi, la clause pénale servirait à garantir l'exécution d'une obligation tandis que la clause d'indemnisation ne garantirait que l'évaluation de la réparation. »63

En admettant une extension importante de cette notion, la Cour de cassation ne revient pas uniquement sur le caractère comminatoire de la clause pénale. Elle se permet aussi de supprimer une clause pénale, dont la qualification ne fait pas de doute, lui ôtant ainsi tout caractère de sanction.

Il a pu être jugé ainsi, en matière de contrat de bière, que « ( ...) pour débouter la

brasserie de sa demande, la cour d'appel a constaté, dans l'exercice du pouvoir souverain d'appréciation que lui conféraient les dispositions de l'article 1152 du Code civil pour l'application de la clause pénale( ...) que la brasserie(...) n'avait subi, à la suite de la résiliation du contrat, aucun préjudice susceptible de dédommagement »64.

Cette décision a pu être expliquée par la nécessité d’apporter plus d’équité dans des contrats qui en sont bien souvent dépourvus, par la Cour de cassation. En particulier dans les contrats de bière, qui ont souvent l’apparence de contrat d’adhésion.

Il n’en reste pas moins que cette décision est critiquable, en ce qu’elle supprime toute nature comminatoire à la clause pénale, pour ne lui substituer qu’un caractère de réparation du préjudice subi.

Pour Monsieur Mazeaud65, cette décision est critiquable du point de vue de l’esprit de la loi de 1975, elle-même. En effet, l’article 1152 du Code civil permet à la loi de modérer le montant de la clause pénale, non pas de la supprimer. « Le législateur lui a donné le pouvoir

de supprimer l'excès grâce à l'équité mais pas celui de sacrifier la clause pénale à cette même

63

Seube J.-B., Revue des contrats, 01 octobre 2008 n° 4, P. 1257 64

Cass. Com., 16 juillet 1991, n° 89-19.080, inédit.

65

Mazeaud D., « Possibilité pour le juge de supprimer une clause pénale lorsque le créancier n'a subi aucun préjudice du fait de l'inexécution invoquée », Recueil Dalloz, 1992 p. 365

équité. En outre, de même que l'existence de l'excès, et mieux encore de l'excès manifeste, constitue la condition nécessaire du pouvoir judiciaire de révision, la disparition de cet excès doit en constituer la juste limite. »

Il est donc reproché à la Cour de cassation son approche plus économique que juridique de la clause pénale. Pour Monsieur Pasqualini, « on est donc, dans l'ensemble,

revenu à la situation que connaissait l'Ancien droit, dans laquelle la clause pénale combinait une fonction d'évaluation forfaitaire de la réparation et une fonction comminatoire, la

première ayant progressivement joué un rôle au moins aussi important que la seconde. »66

« Une remarque essentielle s'impose en définitive quant à la portée de la réforme de

1975. Elle est liée à la politique législative suivie. A l'époque, seuls quelques contrats précis présentaient des difficultés - il s'agissait surtout du crédit-bail - et avaient nécessité aussi bien qu'expliqué l'intervention du législateur. Dans nombre de systèmes juridiques comme, par exemple, aux États-Unis, autant de lois que de contrats concernés auraient été préparées, chacune ayant son domaine limité à une catégorie de convention. En France, les inspirateurs de la réforme préférèrent modifier le régime général des obligations. Il en est résulté que la révision judiciaire des peines est devenue une règle de droit commun, s'appliquant progressivement à maintes conventions auxquelles il n'avait pas été songé à l'origine, au fur et à mesure que les problèmes se dévoilaient en pratique. La portée de l'intervention judiciaire dépassa ainsi rapidement l'imagination de ses concepteurs. »67

Le pouvoir réservé au juge pour réviser la clause pénale est jugé excessif par les auteurs, « l'affirmation d'un pouvoir manifestement excessif au profit des juges du fond. »68. Pourtant, ce pouvoir est précisément prévu par une loi, ce qui devrait lui permettre d’avoir une légitimité conséquente.

Toutes les clauses ne rentrant pas dans le moule de la définition de la clause pénale, malgré les contours floues de cette notion, la Cour de cassation a du passer par d’autres techniques, pour permettre la réfaction du contrat. Il en a été ainsi avec l’indemnité d’immobilisation.

Paragraphe II. Une révision reposant sur une interprétation excessive

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