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Le maintien forcé du contrat, mesure consolidant la vision française du droit des contrats

Dans le document L'immixtion du juge dans les contrats (Page 98-100)

Paragraphe II. Un maintien forcé du contrat souhaité, et souhaitable en pratique, mais difficilement mis

A. Le maintien forcé du contrat, mesure consolidant la vision française du droit des contrats

Selon la majorité des auteurs, admettre la sanction en nature, le maintien forcé du contrat, reste la seule solution pour préserver efficacement le principe de force obligatoire, et ainsi, conserver notre vision du droit des contrats (1). Cette affirmation se retrouve dans les avant-projets nationaux, contrairement aux européens, preuve en est de nos différences de perception de ce droit particulier (2).

1. Une sanction en nature permettant de maintenir la conception traditionnelle du droit des contrats.

La majorité des auteurs avait craint qu’admettre le droit de rupture unilatéral ne vienne démoraliser notre conception du contrat. Comme l’énonce Monsieur Stoffel-Munck « Traditionnellement, notre conception de la force obligatoire du contrat a un fondement

moral exprimé par la maxime pacta sunt servanda : il faut rester fidèle à la foi jurée, car l’infidélité est un péché. Dans cette veine, l’exécution forcée des promesses non tenues se présente comme le remède naturel de la défaillance : on ramène le pécheur à l’accomplissement exact de ses devoirs, on le ramène sur le droit chemin. »188Et qu’à l’inverse, n’accorder que des dommages et intérêts en cas de rupture injustifiée du contrat, permettrait de laisser « prospérer la faute lucrative ». Effectivement, celui qui rompt le contrat, sans réel motif, dans une grande partie des cas, a trouvé une relation contractuelle plus lucrative avec un autre cocontractant. « Si le bénéfice qu’il espère retirer de sa liberté

nouvelle est supérieur aux dommages et intérêts prévisibles qu’il sera tenu de verser, pourquoi s’en priverait-il ? »189

Cette vision se rapprocherait de la conception du droit anglais des contrats. Ce droit met en avant l’économie, plus que la morale. Il refuse ainsi l’exécution nature et permet le calcul entre le paiement de dommages et intérêts, et les gains trouvés dans la nouvelle relation contractuelle. C’est ce sur quoi repose la théorie de l’efficient breach of contract. « Celle-ci

admet, précisément, qu’une partie puisse légitimement rompre un contrat pour mieux

188

Stoffel-Munck Ph., Le contrôle a posteriori de la résiliation unilatérale. », Droit et patrimoine 2004.126. 189

employer ses ressources ailleurs, quitte à indemniser le partenaire délaissé. »190Cette prééminence de l’intérêt économique, sur l’intérêt moral, risque de parvenir jusqu’en France, si la sanction de la rupture injustifiée ou illégitime, reste des simples dommages et intérêts.

C’est à ce titre, que des auteurs souhaitent la reconnaissance d’un pouvoir donné au juge, de maintenir le contrat, en affirmant le caractère obligatoire de celui-ci. « Pour la

plupart des auteurs, aujourd’hui, il convient en cas de résolution unilatérale illégitime ou abusive, d’accorder au juge le pouvoir de décider que le contrat demeure obligatoire et exécutoire »191, « Chaque fois que cela est possible et que la victime le souhaite, le juge

devrait pouvoir maintenir le contrat pour assurer le respect de la force obligatoire des contrats »192; « Alors même qu’il n’y aurait pas été habilité spécialement par la loi, le juge maintient, de plus en plus souvent, le contrat, malgré la volonté de l’une des parties de le rompre »193.

En admettant une sanction en nature, le calcul n’est plus permis, et ainsi, le respect de la parole donnée, retrouvera une place dominante. C’est cette conception que les avant-projets nationaux entendent conserver, en posant comme principe la sanction en nature.

2. Une sanction reprise par les avant-projets nationaux.

Tous les projets de réforme du droit des contrats nationaux retiennent le maintien forcé du contrat, sanction propre à préserver la conception de notre modèle contractuel.

L’article 1158-1 de l’avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription énonce, ainsi, que « « Il est loisible au débiteur de contester en justice la décision du créancier en alléguant que le manquement qui lui est imputé ne justifie pas la résolution du contrat. Le juge peut, selon les circonstances, valider la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en octroyant éventuellement un délai au débiteur ».

L'article 110, alinéa 3, de l'avant-projet Terré, quant à lui, énonce que : « Le débiteur peut, à tout moment, contester la résolution, le cas échéant, en référé. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution. Le juge peut, selon les circonstances, soit constater la résolution, soit ordonner l'exécution du contrat ».

Et, enfin, selon l'article 170 du projet de réforme du droit des contrats élaboré par le ministère de la Justice : « En toute hypothèse, la résolution peut être poursuivie ou contestée en justice. Le juge peut, selon les circonstances, valider la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en octroyant éventuellement un délai au débiteur ».

Les avant-projets nationaux, contrairement aux européens tiennent comme acquis que, pour préserver la place de l’adage « pacta sunt servanda », le maintien forcé de la convention en cas de rupture injustifiée ou illégitime, reste la seule solution. Les avant-projets européens, quant à eux, ne font pas allusion à cette possibilité de sanction. Ce qui démontre encore une fois les différences de conception entre notre droit et celui de la common law.

190

ibid

191 Mazeaud D., « Sanction de la résolution unilatérale infondée », RDC 2009, p. 485 192

Amrani Mekki S., « La résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée », Defrénois 2003.383. 193

Même si l’intention est plus que louable de vouloir généraliser le recours au maintien forcé du contrat, il ne peut qu’être observé qu’en pratique, une telle sanction est difficilement possible à mettre en place.

Dans le document L'immixtion du juge dans les contrats (Page 98-100)

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