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Une interprétation des conditions nécessaires à l’application du réputé non écrit

Dans le document L'immixtion du juge dans les contrats (Page 72-74)

Le premier rôle du juge est d’être la bouche de la loi. Il se doit d’appliquer les textes édictés par le législateur. Pourtant, ce principe ne doit pas l’empêcher de préciser ces textes par une interprétation. Le magistrat peut ainsi être amené à s’exprimer sur les conditions de mise en œuvre de ces textes, notamment en matière de réputé non écrit (A).Mais peut aussi utiliser cette sanction, dans les cas où, faute de précision par les textes législatifs, cette méthode n’est pas directement citée (B).

A. L’application de la loi prévoyant la sanction du réputé non écrit.

Par quelques décisions, le juge a consacré des solutions remarquées dans des hypothèses où il a eu à connaître des clauses réputées non écrites par la loi. Lorsque le législateur prévoit la sanction du réputé non écrit pour certaines clauses, le juge continue de jouer un rôle. En appliquant cette sanction, il peut interpréter les conditions de sa mise en œuvre. Il l’a fait essentiellement dans le droit de la copropriété.

Jugeant que ces clauses sont « non avenues par le seul effet de la loi »119, ou qu’elles

sont « censées n’avoir jamais existé »120, la Cour de cassation a considéré que le syndicat de copropriétaires, comme tout copropriétaire intéressé, peut, «à tout moment, faire constater

l’absence de conformité des clauses du règlement de copropriété aux dispositions légales et établir une répartition des charges conforme à ces dispositions »121. C’est là, semble-t-il, consacrer l’imprescribilité de la demande tendant au constat du caractère non écrit d’une clause. Estimant que ces clauses ont « été atteintes d’une nullité radicale le jour de l’entrée en

vigueur » de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété des immeubles bâtis, le juge a par

118

ibid

119

Cass. Civ. 3ième, 1er avril 1987,n°85-15010 bull.civ. III, n°41 120

Cass. Civ. 3ième, 9 mars 1988, n°86-17869, bull.civ. III, n°54 121

ailleurs retenu la solution de l’application immédiate des dispositions dont la méconnaissance est sanctionnée par une clause réputée non écrite122.

Par exemple, s’agissant de la règle « est réputée non écrite toute clause (…) qui autorise le bailleur à percevoir des amendes en cas d’infraction aux clauses d’un contrat de location ou d’un règlement intérieur à l’immeuble », énoncée à l’article 4 i) de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, la question portait sur la signification du terme « amende ». Le juge a pu décider que la somme due au titre d’une clause pénale ne correspond pas à une amende au sens du texte123, le juge a participé à l’identification formelle de la loi.

Ce devoir d’appliquer la loi, le juge s’est efforcé de le rétablir dans le droit des clauses abusives, sous l’empire de la loi du 10 janvier 1978. Alors que le projet confiait au juge la mission de caractériser et d’anéantir, litige après litige, les clauses abusives, la loi dans sa rédaction définitive réserva ce rôle au pouvoir réglementaire. Une commission des clauses abusives fût créée pour remplir cette prérogative. L’article 35 de la loi du 10 Janvier 1978, repris à l’article L132-1 du Code de la consommation énonçait que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs peuvent être interdites ; limitées ou réglementées, par des décrets en Conseil d’Etat pris après avis de la commission instituée à l’article 36, en distinguant éventuellement selon la nature des biens et des services concernés, les clauses relatives au caractère déterminé ou déterminable du prix ainsi qu’a son versement, à la consistance de la chose ou à sa livraison, à la charge des risques, à l’étendue des responsabilités et garanties, aux conditions d’exécution, de la résiliation, résolution ou reconduction aux non-professionnels ou consommateurs par un abus de puissances économiques de l’autre partie et confèrent à cette dernière un avantage excessif. »

Le problème étant que les gouvernements suivants usèrent qu’avec une extrême parcimonie de leur pouvoir. L’administration ne remplit pas son sa tâche d’apporter une meilleure justice contractuelle. En plus de dix ans, un seul décret fût paru, malgré les nombreux avis rendus par la commission des clauses abusives.

Le juge devait, dans ce système, ne faire qu’appliquer les règlements. Mais devant l’inertie du pouvoir réglementaire, et un encouragement doctrinal, une évolution notable s'est produite avec l'arrêt Lorthoir du 14 mai 1991 de la Première Chambre civile de la Cour de cassation, en décidant, contra legem, l'élimination des clauses abusives sur le seul fondement de l'art. 35. Le verrou du décret du 24 mars 1978 sautait. Ainsi, la jurisprudence se reconnu le pouvoir de participer au contrôle des clauses abusives, en parallèle du pouvoir réglementaire.

Toutefois, ici encore, le juge ne fait qu’appliquer la loi. La Cour reprend, mot pour mot, les critères de la loi de 1978124, et se fonde sur l’article 25 de la cette loi. D’ailleurs, la loi du 1er février 1995 semble donner raison à cette jurisprudence. Il est possible de déduire un pouvoir judiciaire à l’alinéa 2 de l’article L 132- 1 qui précise que le pouvoir reconnu au gouvernement pour déterminer les clauses est purement facultatif et à l’alinéa 3 qui énonce que la liste annexée « est indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être regardées comme abusives si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa. » L’intervention du juge est implicitement acceptée.

Cependant, le juge est parfois allé plus loin en interprétant la loi, cette fois-ci, sur la nature de la sanction en cause, et plus uniquement, sur les conditions de mise en œuvre de la sanction.

122

Cass. Civ. 3ième, 5 juin 1970, n°69-10929 bull.civ. III, n°368. 123 Cass. Civ. 3ième, 2 mars 1993, n° 91-16299, inédit.

124

B. La « révélation » du réputé non écrit contenu dans la loi.

En effet, parfois le juge utilise l’expression « clause réputée non écrite » dans des cas où la loi n’a pas retenu cette expression pour des conséquences équivalentes. Dans d’autres cas, le juge requalifie une clause nulle en une clause réputée non écrite.

La loi impose parfois un contenu obligatoire à certains contrats d’assurance, l’article L. 125-3, alinéa 1, du Code des assurances énonce que ces contrats sont « réputés, nonobstant toute clause contraire, contenir » de telles clauses. Le juge a, ainsi, donné son sens exact à cette formule, en déclarant « non écrites les stipulations qui ont pour effet d’exclure ou de

limiter la garantie définie par ces clauses types. »125

De même, il arrive au juge de requalifier une clause nulle en clause réputée non écrite. Malgré que les exemples de ces prérogatives restent rares, le juge, par ce biais, reconstruit la cohérence du système en recherchant la volonté du législateur, qui parfois utilise les deux termes indifféremment.

Dans ces hypothèses, le juge ne fait qu’interpréter la loi, mais son rôle ne se limite pas uniquement à ça. Il a pu réputer non écrite une clause, en dehors de disposition légale.

Paragraphe II. L’utilisation du réputé non écrit par les juges, en

Dans le document L'immixtion du juge dans les contrats (Page 72-74)

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