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Similarité acoustique des voyelles isolées du français et du tchèque

Première'partie ! :"Introduction !

8. Propriétés acoustiques des voyelles isolées

8.4 Similarité acoustique des voyelles isolées du français et du tchèque

Puisque le SLM (Flege, 1995) prédit une performance native pour les voyelles identiques, nous voulons tout d’abord tester s’il existe des voyelles véritablement identiques sur le plan acoustique, c’est à dire avec une différence non significative des valeurs formantiques (p > 0,05) entre le français et le tchèque. Nous considérons néanmoins les résultats des tests statistiques avec précaution, car comme le précise Flege (1987b, p. 291) : « It is, of course, difficult to make valid, cross-language, comparisons of parameter values for a phonetic dimension. ».

Nous émettons l’hypothèse qu’il existe des voyelles isolées acoustiquement identiques entre le français et le tchèque. Autrement dit, nous stipulons que certaines voyelles isolées du français et du tchèque ne diffèrent pas significativement par la valeur des formants comparés (F1 et F2 des voyelles postérieures, F1, F2 et F3 des voyelles antérieures, F1, F2, F3 et F4 du [i], [ɪ] ou [i:]).

L’hypothèse nulle consiste à dire qu’il n’existe pas de voyelles acoustiquement identiques entre le français et le tchèque.

Pour vérifier notre hypothèse à savoir qu’il existe des voyelles isolées acoustiquement identiques entre le français et le tchèque, nous avons comparé les formants un par un des voyelles acoustiquement proches dans un test-t bilatéral. Les paires des voyelles acoustiquement proches que nous avons comparées sont les suivantes : [i]fr - [i:]tch, [e]fr - [ɪ] tch, [ɛ]fr - [ɛ]tch, [ɛ]fr - [ɛ:]tch, [a̠]fr - [a̠]tch, [o]fr - [o]tch, [o]fr - [u]tch, [ɔ]fr - [o]tch, [ɔ]fr - [a]tch, [u]fr - [u:]tch, [œ]fr - [ɛ]tch.

Les deux premiers formants des voyelles postérieures, les trois premiers formants des voyelles antérieures et les quatre premiers formants de [i, ɪ, i:] ont été comparés. Le résultat du test-t fournit la valeur p < 0,05 au niveau de tous les formants des voyelles comparées, mis à part pour le F1 des paires [e]fr - [ɪ]tch où p = 0,527 et [u]fr - [u:]tch où p = 0,226. Le résultat intégral du test-t bilatéral se trouve en annexe du chapitre 8, à la page 44 des annexes.

Les apprenants tchèques n’ont donc jamais affaire à des sons acoustiquement identiques dans l’apprentissage des voyelles isolées du français car il existe des différences significatives entre les moyennes d’au moins un formant comparé. Notre hypothèse de départ est alors rejetée et l’hypothèse nulle est retenue.

Dans l’impossibilité d’utiliser le terme voyelles identiques, nous opposerons alors les voyelles similaires aux voyelles “hautement similaires” dont les formants se situent à un écart type ou moins des moyennes formantiques des voyelles tchèques.

Comme exposé dans la partie méthodologique du chapitre 6, la similarité acoustique des voyelles du français et du tchèque dépend des distances de leurs formants et nous les définissons de la manière suivante :

Les voyelles du français “hautement similaires”, avec similarité +++, sont celles dont les formants moyens se trouvent à un écart type ou moins des formants moyens des voyelles tchèques.

Les voyelles du français similaires avec similarité ++ sont celles dont les formants se trouvent entre un et 1,5 écart type des formants des voyelles tchèques.

Les voyelles du français similaires avec similarité + sont celles dont les formants se trouvent entre 1,5 et deux écarts types des formants des voyelles tchèques.

Les voyelles du français nouvelles avec similarité 0 sont celles dont un ou plusieurs formants se trouvent à plus de deux écarts types des formants des voyelles tchèques.

La Figure 57 représente le triangle F1/F2 (l’image du haut) et le triangle F2/F3 (l’image du bas) des voyelles orales du français (en pointillé) et des voyelles monophtongues du tchèque (en trait plein).

L’écart type affiché est de 1 et l’échelle est en Bark. Observons la distance acoustique entre les voyelles du français et du tchèque.

Figure 57 : Triangle vocalique (en Bark) des voyelles orales isolées du français (en pointillé) et du tchèque (en trait plein) sur le plan F1/F2 (en haut) et F2/F3 (en bas). Les ellipses de dispersion sont tracées à 1 écart type de la moyenne calculée à partir de productions de 10 Françaises/ 20 Tchèques*4 répétitions*3 valeurs par voyelle

La Figure 57 montre qu’il n’y a qu’une voyelle du français qui soit « hautement similaire » par tous ses formants comparés : il s’agit de [a̠] dont les trois premiers formants se trouvent à un écart type ou moins de ceux du [a̠] tchèque. Nous remarquons que même si cette voyelle est « hautement similaire », elle est plus dispersée que le [a̠] tchèque. Les triangles vocaliques F1/F2 et F2/F3 avec des ellipses de dispersion tracées à 1,5 et deux écarts types se trouvent en annexe du chapitre 8 (pages 48 – 50 des annexes).

Le Tableau 36 résume la similarité acoustique entre les voyelles du français (FR) et des voyelles du tchèque (TCH) du point de vue des écarts types de leurs moyennes formantiques.

- Similarité acoustique + contexte O

FR TCH ≤ 1 ET 1 - 1,5 ET 1,5 - 2 ET > 2 ET

a̠ a̠ F1/F2

F2/F3

ɔ o F1/F2

u u/ u: F1/F2

ɛ ɛ F1/F2

F2/F3

o u F1/F2

e ɪ F1/F2 F2/F3

i i: F1/F2 F2/F3

y / ✔

ø / ✔

œ / ✔

Tableau 36 : Similarité acoustique entre les voyelles du français (FR) et du tchèque (TCH) prononcées en isolation, exprimée en termes d’écarts types (ET). </= 1 ET => Similarité +++ (gris foncé), 1 – 1,5 ET => Similarité ++ (gris moyen), 1,5 – 2 ET => Similarité + (gris clair), 2 et + ET => Similarité 0

Le Tableau 36 met en évidence que :

! [a̠] isolé est par ses formants « hautement similaire » (avec similarité +++) au [a̠] tchèque

! [y, ø, œ] isolés sont des voyelles acoustiquement nouvelles (similarité 0)

! [ɔ, u] sont par leurs formants similaires (avec similarité ++) à respectivement [o, u/u:] tchèques

! [ɛ, o, e, i] sont par leurs formants similaires (avec similarité +) à respectivement [ɛ, u, ɪ, i:]

tchèques

La Figure 58 de la page 152 est un spectrogramme illustrant la similarité des voyelles du français (fr), prononcées par une Française native, et du tchèque (tch), prononcées par une Tchèque native. Nous comparons les formants F1, F2 des voyelles postérieures, F1, F2 et F3 des voyelles antérieures et enfin F1, F2, F3 et F4 de [i, ɪ, i:].

Figure 58 : Spectrogramme des paires de voyelles du français et du tchèque [e-ɪ], [a-a], [i-i:], [ɔ-o], [u-u:], [ɛ-ɛ], [o-u]

prononcées par une Française et une Tchèque. Notons la similarité des patrons formantiques

Comme l’indique la Figure 58, une certaine similarité formantique peut être observée entre les paires des voyelles suivantes : [e-ɪ], [a̠-a̠], [i-i:], [ɔ-o], [u-u:], [ɛ-ɛ], [o-u] où le premier membre de chaque paire est une voyelle française et le deuxième membre une voyelle tchèque.

Pour résumer, les voyelles isolées du français acoustiquement identiques aux voyelles tchèques n’existent pas mais [a̠] est par ses formants « hautement similaire » (avec similarité +++) au [a̠] tchèque. Les voyelles [y, ø, œ] sont des voyelles acoustiquement nouvelles (similarité 0). Les autres voyelles [ɔ, u, ɛ, o, e, i] sont acoustiquement similaires (avec similarité ++ ou +) aux voyelles tchèques. Il reste à vérifier la similarité perceptive de ces voyelles avec les voyelles tchèques ce qui fait l’objet du chapitre 11.

9. Propriétés acoustiques des voyelles