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4. Enseignement de la phonétique

4.3 Méthodes d’enseignement des langues étrangères

Une méthodologie renvoie à un ensemble de procédés et manières de faire cohérents utilisés dans un programme d’enseignement (Billières and Spanghero-Gaillard, 2005). La cohérence de chaque méthodologie repose sur un noyau dur qui est constitué d’un ensemble de méthodes privilégiées, telles que la méthode active (participation active de l’apprenant) ou transmissive (l’enseignant transmet les savoirs, l’apprenant y est attentif), orale (l’apprenant parle) ou écrite, directe (utilisation de la L2) ou indirecte, inductive (établissement de règles à partir de la production) ou déductive (exposition des règles d’abord), conceptualisatrice (l’apprenant appréhende les règles) ou imitative (l’apprenant répète de manière intense pour acquérir des automatismes) (Puren, 1988; Puren, 2001).

Le terme « méthode » peut-être employé soit dans le sens de « méthodologie » (pour parler de la méthode directe, audio-orale, etc.), soit dans les sens de matériel didactique, comme « la méthode Panormama » ou « la méthode Assimil » qui est constitué de manuels, (avec souvent un livre du maître, guide pédagogique et cahier d’exercice) et des CD ou DVD, construits selon une planification didactique (la présentation du contenu) et pédagogique (les objectifs de l’apprentissage).

En méthodologie, on distingue les méthodes conventionnelles et non-conventionnelles (Billières and Spanghero-Gaillard, 2005). Parmi les méthodes conventionnelles peuvent être classées la méthode traditionnelle, directe, audio-orale ou phonétique intégrale, SGAV, l’approche communicative et actionnelle. Notons que le terme « approche » désigne ici une méthodologie qui se veut souple, ouverte et non-dogmatique. Les méthodes non-conventionnelles sont représentées par les

méthodes silencieuses où la responsabilité revient à l’apprenant (Silent Way), la méthode OK-feelings où l’on vise le bien-être, la suggestopédie qui suscite également la relaxation, la méthode communautaire visant la dynamique du groupe des apprenants, etc. (Puren, 1990). Elles ont été élaborées aux Etats-Unis essentiellement par des psychologues et elles sollicitent la créativité et l’imagination de l’apprenant pour garantir la réussite (Constantinescu-Stefanel, 2006). Contrairement aux méthodes conventionnelles, elles ne sont fondées sur aucun noyau dur et théorie de référence sous-jacente (description linguistique ou la psychologie de l’apprentissage) et donc ne peuvent pas vraiment détenir le statut de « méthodologie ».

Dans ce qui suit, seules les méthodes conventionnelles sont détaillées.

4.3.1 Méthodes conventionnelles

Méthode traditionnelle : La première méthode utilisée dans l’enseignement des langues est la méthode traditionnelle, appelée également « méthode grammaire-traduction ». Elle est utilisée à partir du 16e siècle, d’abord pour enseigner le latin et le grec, puis pour enseigner les langues vivantes (Besse, 1985; Stoean, 2006). Son objectif premier est de donner l’accès à des textes littéraires et la compétence écrite est donc au centre de cette méthodologie (CREDIF, 1972). La prononciation est abordée à travers des dictées et par apprentissage par cœur des morceaux cités. Il s’agit d’une méthode transmissive (et donc passive), indirecte, déductive et répétitive.

Méthode directe : La méthode directe a émergé en Europe au début du 20e siècle grâce à, entre autre, P. Passy, H. Sweet ou H. E. Palmer (Besse, 1985; Dobre, 2006b). Il s’agit d’une méthode active, inductive et directe où seule l’utilisation de la L2 est permise dès la première leçon. L’enseignant a recours à des gestes, des mimiques et des dessins. On sollicite l’écoute, la vue et les mouvements du corps entier. L’oral y occupe une place importante et les transcriptions phonétiques sont systématiques dans presque tous les manuels.

Méthode audio-orale : La méthode audio-orale émerge en Amérique du Nord en 1950 (Besse, 1985; Dobre, 2006a). Elle jouit alors d’un grand succès et se propage en France à partir de 1965. A la base, elle s’appuie essentiellement sur les exercices structuraux des linguistes L. Bloomfield, E. Sapir et F. Boas ainsi que sur une expérience didactique conduite par l’Armée américaine au cours de la deuxième guerre mondiale. Les enseignants-linguistes sont des locuteurs natifs de la L2 et les apprenants reproduisent de manière intensive les modèles de la langue orale. Cette méthodologie repose ainsi sur la méthode imitative et orale (quoique non intégrale car l’apprenant est amené à faire des transcriptions écrites des dialogues). La méthode de l’Armée américaine avec un travail intensif en laboratoires de langues a montré qu’il était possible d’apprendre à parler une L2 très rapidement.

Les linguistes américains C.C. Fries et R. Lado, adoptent cette méthode, très intensive, d’enseignement des LE à un public plus large. Ils travaillent désormais avec des enregistrements faits par des locuteurs natifs et la progression se fait à l’aide d’exercices structuraux qui permettent de créer des automatismes comportementaux. Ainsi les théories de référence sont le structuralisme et le behaviorisme. Les élèves commencent par des structures faciles, qui sont supposées entraîner le moins d’interférences possibles. La progression est ainsi programmée selon la difficulté prédite par l’analyse contrastive, introduite par Lado (1957).

Méthode phonétique intégrale : En même temps, Delattre (1944) élabore la méthode phonétique intégrale destinée aux écoles de langues et aux universités. Elle ne vise plus la quantité et la rapidité, comme la méthode de l’Armée mais la qualité. Selon cette méthode, un cours idéal de LE, au départ exclusivement oral, devrait s’appuyer sur des matériaux méticuleusement construits et présenter les difficultés phonétiques graduellement, c’est-à-dire aborder d’abord la prosodie et les principes généraux d’articulation (antériorité, position de la langue, des lèvres, la loi de position), puis les sons individuels, mais toujours intégrés dans des unités de sens. Un cours de français pour débutants devrait ainsi éviter utilisation de tout support écrit (d’où la dénomination « méthode orale

‘intégrale’ »), afin d’empêcher l’association d’un son à une image visuelle (graphème, symbole phonétique) mais favoriser au contraire l’association directe du son au sens. Seulement quand l’apprenant maîtrise authentiquement un mot ou une phrase, il peut en apprendre son orthographe.

Delattre (1947) élabore un manuel d’introduction des habitudes du français oral basé sur la méthode intégrale.

Approche communicative : L’enthousiasme induit par le travail en laboratoires de langues diminue et les années 1970 marquent l’apparition de l’approche communicative qui introduit le concept de « compétence » (Billières and Borrell, 1990). L’apprenant se trouve désormais au centre de l’apprentissage et l’objectif principal n’est plus une prononciation native mais plutôt la capacité à communiquer et à se faire comprendre dans les situations de la vie quotidienne (Puren, 2006). Ainsi, les exercices de prononciation sont moins nombreux et l’enseignement de la phonétique est peu à peu délaissé (Billières and Borrell, 1990; Derwing and Munro, 2009; Leather, 1983; Wachs, 2011). Il

Méthodologie Période Objectif général Noyau dur Théories sous-jacentes

Tableau 22 : Méthodologies conventionnelles d’enseignement des langues étrangères

4.3.2 Principes de correction phonétique

Les exercices en phonétique corrective sont construits essentiellement à partir de deux méthodes : la méthode verbo-tonale d’intégration phonétique (MVT) et la méthode articulatoire (MA).

La MA a apparu bien avant la MVT et elle est largement utilisée. En quoi les deux méthodes diffèrent ?

Méthode verbo-tonale d’intégration phonétique : La MVT fait partie de la méthodologie SGAV (structuro-globale audio-visuelle, émergeant dans les années cinquante) et elle est le fruit d’une

collaboration des chercheurs de Saint-Cloud, sous la direction de G. Gougenheim et P. Rivenc (travaillant avec des malentendants), et de l’Université de Zagreb, représentés par P. Guberina (travaillant avec des apprenants croates). Elle se base sur le concept du « crible phonologique » (Intravaia, 1993; Magnen et al., 2005; Murillo, 1982), développé d’abord par Polivanov (1931) et repris par (Troubetzkoy, 1957): les difficultés de prononciation sont dues à des problèmes de perception qu’il faut rééduquer en premier lieu (Guberina et al., 1965; Landercy, 1976; Magnen et al., 2005; Urbain, 1975). Dans la rééducation, on fait appel aux mouvements du corps entier, de la mélodie et du rythme (Guberina, 1970). On introduit l’usage de l’appareil Suvag qui permet d’éliminer de nombreuses fréquences non perçues par l’apprenant (Guberina, 1973) et de remodeler ainsi l’oreille (Cureau, 1973). On considère qu’il est inutile de travailler la prononciation tant que la perception de l’apprenant continue à appliquer le filtre de la langue maternelle (Lebel, 1969). Dans les exercices de prononciation, on se sert des entourages facilitants pour favoriser la bonne prononciation des sons (le timbre vocalique peut être assombri ou éclairci au contact d’une consonne). L’accent est porté sur la communication dans des situations de la vie courante (linguistique de la parole). En revanche la méthode verbo-tonale ne recourt ni à l’explication articulatoire, ni à l’analyse contrastive, ni à l’API (Intravaia, 1976).

Méthode articulatoire : La MA se repose sur la description articulatoire d’un son que l’apprenant d’une L2 doit connaître. L’articulation est au centre de l’apprentissage et les facteurs relevant de l’audition sont négligés. Le raisonnement est alors inverse de celui de la MVT. Les enseignants ont recours à des schémas articulatoires des cibles vocaliques et consonantiques (coupes sagittales, lèvres vues de face, etc.), à des descriptions de la position exacte des organes de la parole dans la production des sons et à l’analyse contrastive entre la L1 et la L2 en termes de base articulatoire. L’apprenant est invité à reproduire des sons en étant adossé au dossier de la chaise et avec le buste relevé. Le mouvement est donc absent, contrairement à la MVT. Les exercices commencent souvent par la prononciation de sons isolés, puis des logatomes, ensuite des mots isolés et enfin des phrases isolées. L’influence de la qualité d’un son sur le son adjacent n’est pas prise en compte et les exercices avec des contextes facilitants ne font donc pas partie du programme.

Méthode des oppositions phonologiques : Enfin, une troisième méthode est largement répandue dans les manuels de LE, à savoir la méthode des oppositions phonologiques. En s’appuyant sur la linguistique structurale, l’acquisition des phonèmes se fait à partir des unités de sens. L’avantage est que l’apprenant comprend tout de suite l’utilité de réaliser correctement la qualité d’un son (Abry and Veldeman-Abry, 2007).

Ces méthodes, avec parfois la correction fondée sur la transcription phonétique, se trouvent à la base d’exercices et d’activités en matière de correction phonétique que l’on trouve dans de nombreux manuels et sur des sites web dédiés à l’apprentissage des langues étrangères.