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Première'partie ! :"Introduction !

5. Accent étranger

5.10 Conséquences de l’accent étranger

Traditionnellement, on considère que l’accent étranger fait baisser l’intelligibilité et la compréhensibilité de la parole (Bent and Bradlow, 2003; Flege, 1988a). Derwing and Munro (2009) définissent l’intelligibilité comme le degré de compréhension. Elle peut être mesurée par des tests de retranscription de ce qui est dit. La compréhensibilité correspond à la facilité ou difficulté avec laquelle l’auditeur traite la parole de son interlocuteur. C’est le ressenti de l’auditeur qui peut être exprimé sur une échelle de jugement.

De nombreuses études (Derwing and Munro, 2009; Derwing et al., 1998; Munro and Derwing, 1995a) montrent que dans des conditions parfaites, la présence de l’accent étranger jugé même très prononcé, ne diminue pas forcément l’intelligibilité et la compréhensibilité et les observations de van Wijngaarden et al. (2002) confortent cette idée. Els and Bot (1987) soulignent que la parole d’un locuteur non-natif, marquée par accent étranger, est en revanche sensible aux distorsions, telles que le bruit. Dans des conditions qui ne sont pas parfaites, elle est par conséquent moins intelligible que la parole native.

En revanche McAllister (1998) et (2000) montre que quoique l’accent étranger, dans des conditions idéales, ne diminue pas nécessairement l’intelligibilité auprès des auditeurs natifs, il peut

entraîner une baisse d’intelligibilité auprès des auditeurs non natifs. L’intelligibilité est d’autant plus aléatoire que la LM de l’auditeur est différente de celle du locuteur. Il s’agit d’une situation assez fréquente ; l’on est souvent amené à communiquer avec des étrangers dans une langue qui n’est ni la nôtre ni la leur et l’on a plus de chance d’être compris si l’on possède une prononciation neutre, non marquée.

Les conséquences de l’accent étranger peuvent se situer également au niveau social, psychologique ou communicatif (Derwing and Munro, 2009). Parler avec un accent peut conduire à des attitudes négatives (Flege, 1995). Un accent peut engendrer un comportement raciste, une discrimination de la part des auditeurs ou il peut être irritant (Munro and Derwing, 1995b). Oyama (1976) évoque pour sa part une forme de pénalisation sociale : le non-natif peut s’écarter de la société de peur de se faire remarquer par son accent étranger.

6. Méthodologie

Beaucoup de gens, peu d’idées, et comment faire pour nous différencier les uns des autres ? Milan Kundera Résumé : Le sixième chapitre explicite le protocole expérimental. Nous avons constitué trois groupes de locutrices : (1) Dix Françaises natives non-méridionales (productions en français), (2) Dix Tchèques natives de Bohème (productions en tchèque), (3) Dix futures enseignantes de FLE de LM tchèque (productions en français et en tchèque). Le corpus est composé de voyelles prononcées en isolation et dans des logatomes CVCVCVC où C est la consonne [p, t, k, ʁ] pour le français et [p, t, k, ɦ] pour le tchèque. Le corpus français est issu d’un corpus plus large défini par Landron et al. (2010).

Ensuite, nous décrivons la passation des expériences en production et perception, le traitement des données acoustiques et leur visualisation. Enfin, nous détaillons les fonctionnalités du logiciel VisuVo (Visualisation des Voyelles) que nous avons conçu dans le cadre de ce travail. Il s’agit d’un système expert qui, à partir d’une grande base de données, permet de générer en instantané trois types de graphes représentant les formants vocaliques. L’innovation de cet outil par rapport aux logiciels du marché tels que Praat (Boersma and Weenink, 1992-2011), qu’il complète, réside dans l’interaction en temps réel à partir d’un site web.

6.1 Locutrices

« An attempt should be made to form subject groups that are as homogeneous as possible … The practice of most investigators is to obtain data under identical conditions from groups of 6-12 subject. Examining fewer subjects leads to the risk of failing to observe a systematic phonetic differences between groups because of intersubject variability. »

(Flege, 1987b, p. 288) Nous avons créé trois groupes constitués de dix locutrices féminines, âgées entre 21 et 48

ans dont la composition est illustrée à la Figure 31.

Figure 31 : Locutrices ayant produit le corpus français (10 francophones natives et 10 tchécophones natives - futures enseignantes de FLE de LM tchèque) et le corpus tchèque (10 tchécophones natives - futures enseignantes de FLE de LM tchèque et 10 tchécophones natives non parlant le français)

Le corpus français a été produit par :

1. Dix francophones natives non-méridionales, résidant au moment des enregistrements dans la région parisienne

2. Dix tchécophones natives de la région de Bohème - futures enseignantes de FLE, résidant au moment des enregistrements à Plzen (Bohème de l’ouest)

Le corpus tchèque a été produit par :

1. Dix tchécophones natives de la région de Bohème - futures enseignantes de FLE, résidant au moment des enregistrements à Plzen (Bohème de l’ouest)

2. Dix tchécophones natives de la région de Bohème, n’ayant jamais appris le français

6.1.1 Francophones natives

Les francophones natives ayant produit le corpus sur les voyelles du français sont 10 femmes, âgées entre 21 et 48 ans, venant pour la plupart de la région parisienne ou du Nord de la France ou ayant vécu au moins 6 ans à Paris. Les locutrices ont toutes fait des études supérieures dans une des universités parisiennes. Les informations les concernant se trouvent dans le Tableau 23.

Locutrice Âge Région où les locutrices ont grandi

Nb d’années passées en Île-de-France

F1 30 Loire Atlantique 7

F2 24 Ile-de-France 22

F3 48 Lorraine 30

F4 30 Rhône-Alpes 8

F5 30 Ile-de-France 30

F6 24 Bretagne 6

F7 26 Lorraine 6

F8 21 Ile-de-France 21

F9 26 Ile-de-France 26

F10 26 Picardie 6

Moyenne (écart type)

28,5 (7,5)

16,2 (10,5)

Tableau 23 : Informations concernant les locutrices françaises natives indiquant leur âge (avec la moyenne et l’écart type entre parenthèses), la région où elles ont grandi et le nombre d’années passées en Ile de France (avec la moyenne et l’écart type entre parenthèses)

6.1.2 Tchécophones natives, futures enseignantes de FLE

Les tchécophones natives T1 à T10 ayant enregistré le corpus tchèque et le corpus français sont des étudiantes en Pédagogie de FLE à l’Université de Bohème de l’Ouest (situé à Plzeň) et possèdent donc un niveau du français avancé. Une fois les études de Master 2 terminées avec succès, elles pourront enseigner le FLE à l’école primaire et secondaire. Comme illustré dans le Tableau 24,

! elles sont âgées entre 25 et 28 ans (la moyenne d’âge étant de 25,7 ans),

! elles ont grandi dans la région de Bohème,

! elles ont vécu entre 25 et 28 ans en région de Bohème (la moyenne étant de 25,5 ans),

! elles ont commencé à apprendre le français à l’école entre 11 et 17 ans (la moyenne d’âge étant de 14,5 ans),

! elles ont étudié le français pendant 8 à 14 ans (la moyenne étant de 10 ans),

! elles ont séjourné entre 0 et 17 mois en France (la moyenne étant de 5,6 mois),

! seulement 4 locutrices ont pour but de parler le français comme les natifs.

Les informations sur les locutrices se trouvent dans le Tableau 24 et des informations l’apprentissage du français, le nombre d’années d’étude du français (avec les moyennes et les écarts types entre parenthèses) et le nombre de mois passés en France

6.1.3 Tchécophones natives, non parlant le français

Un autre groupe de tchécophones natives, n’ayant jamais étudié le français, ont enregistré le corpus sur les voyelles du tchèque. Il s’agit de 10 femmes, âgées de 24 à 38 ans (la moyenne étant de 28,3 ans). Elle sont nées et ont vécu dans la région de Bohème et elles ont effectué des études supérieures dans une des universités de Bohème. Ces informations se trouvent dans le Tableau 25.

Locutrice Age Région où les locutrices ont grandi Nb d’années passées en Bohème

T11 27 Bohème 27

T12 28 Bohème 27

T13 27 Bohème 26

T14 28 Bohème 26

T15 28 Bohème 28

T16 38 Bohème 38

T17 27 Bohème 27

T18 28 Bohème 28

T19 24 Bohème 24

T20 28 Bohème 28

Moyenne (écart type)

28,3 (3,6)

27,9 (3,8)

Tableau 25 : Informations concernant les locutrices tchèques natives indiquant leur âge (avec la moyenne et l’écart type entre parenthèses), la région où elles ont grandi et le nombre d’années passées en Bohème (avec la moyenne et l’écart type entre parenthèses)

6.2 Corpus

Nous avons utilisé une partie du corpus PhoDiFLE (Landron et al., 2010), construit par « le Groupe Didactique » du LPP de Paris 3 que nous avons fondé. Ce corpus permet une comparaison de données des chercheurs qui travaillent sur des problématiques liées à l’enseignement de la prononciation du FLE. Les parties du corpus utilisées dans cette thèse portent sur les voyelles orales en isolation et en contexte. Pour étudier les voyelles monophtongues du tchèque, le corpus est adapté de celui utilisé pour le français.

6.2.1 Voyelles isolées

Dans le corpus sur le français, dix voyelles orales [i, e, ɛ, y, ø, œ, u, o, ɔ, a] sont insérées dans des phrases cadre du type « Papa, il a dit <a> comme dans papa. ». Le fait de rajouter le mot « papa » en début de phrase permet de préparer le locuteur à la voyelle qu’il devra prononcer isolément. Nous sommes consciente que les voyelles isolées n’apparaissent que très rarement dans la parole spontanée (Meunier, 2001) et que les voyelles moyennes se trouvent en distribution semi-complémentaire

(Wioland, 2005). Or, le choix du corpus sur les voyelles isolées est néanmoins pertinent car il permet de définir acoustiquement la cible vocalique nécessaire pour l’étude de l’influence du contexte consonantique sur la réalisation acoustique de la voyelle (Meunier, 2001) et l’analyse acoustique montre que les locuteurs natifs sont capables de produire les dix différentes qualités vocaliques en isolation, tout comme les Français natifs de l’étude de Gottfried (1984).

Dans le corpus tchèque, les dix voyelles monophtongues [ɪ, i:, ɛ, ɛ:, u, u:, o, o:, a, a:] sont insérées dans des phrases cadre du type « Jana, říkám <a> jako ve slově Jana.10 ».

Toutes les phrases sont mélangées et sont répétées quatre fois durant la séance d’enregistrement.

6.2.2 Voyelles en contexte dans trois positions du logatome

Le corpus combine les dix voyelles orales du français [i, e, ɛ, y, ø, œ, u, o, ɔ, a] avec les consonnes de différents lieux d’articulation (labial, dental, palato-vélaire, uvulaire) [p, t, k, ʁ], dans trois syllabes différentes (initiale, médiane, finale), créant ainsi des logatomes trisyllabiques qui sont insérés dans des phrases cadre du type « Le mot papapape peut bien coller. »

Corpus français CViCVmCVfC

où C = [p, t, k, ʁ] V = [i, e, ɛ, y, ø, œ, u, o, ɔ, a]

i = initiale, m = médiane, f = finale

À côté de chaque phrase, nous avons ajouté entre crochets le symbole phonétique de la voyelle cible, à l’intention de ceux qui maîtrisent ces symboles, et des dessins de mots qui contiennent cette voyelle (par exemple le dessin d’une pelle pour la voyelle [ɛ]). Voir la Figure 32 (page 111) pour illustration.

Dans le corpus tchèque, nous combinons les dix voyelles monophtongues [ɪ, i :, ɛ, ɛ :, u, u :, o, o :, a, a:] avec les consonnes de différents lieux d’articulation (labial, dental, vélaire, glottal) [p, t, k, ɦ] (le phonème /ʁ/ n’existant pas dans le système phonologique du tchèque, il est remplacé par la consonne glottale /ɦ/). Les logatomes ainsi créés sont également trisyllabiques, du type CVCVCVC, et ils apparaissent dans des phrases cadre telles que « Slovo papapap působí divně11. ».

Corpus tchèque CViCVmCVfC

où C = [p, t, k, ɦ]

V = [ɪ, i :, ɛ, ɛ :, u, u :, o, o :, a, a:]

i = initiale, m = médiane, f = finale

10 Nous traduisons « Jana, je dis <a> comme dans le mot Jana. »

11 Nous traduisons « Le mot papapap donne une impression bizarre. »

Toutes les phrases sont mélangées et sont répétées quatre fois durant la séance d’enregistrement.