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Première'partie ! :"Introduction !

3. Apprentissage phonétique

3.4 Théories de l’apprentissage phonétique

3.4.3 Perceptual Assimilation Model – PAM (Best, 1995)

Le Modèle PAM s’appuie sur une théorie écologique de perception qui revendique la possibilité de percevoir les sons de la parole directement, sans l’obligation de passer par des représentations mentales de ces sons. L’homme observe les gestes articulatoires de son interlocuteur, il voit directement le lieu d’articulation des sons produits et à partir de ces gestes, il lui est possible d’extraire immédiatement l’information linguistique (Best et al., 2001). L’accès à l’information linguistique véhiculée par les gestes des organes de la parole est le résultat d’un long apprentissage où les enfants établissent progressivement un lien entre les constellations articulatoires spécifiques à leur

LM et le message linguistique qu’elles portent. Chaque langue possèderait ainsi des invariantes linguistiques qui lui sont propres. Selon PAM, l’expérience linguistique avec la LM modifie rapidement la perception qui devient phonémique, c’est-à-dire qu’elle se réalise au travers des catégories phonologiques établies pour la LM. Ainsi suite à la réorganisation perceptuelle, les enfants entre 10 et 12 mois perçoivent certains contrastes non-natifs avec difficulté, par exemple les éjectifs, alors que ceux âgés de 6-8 mois ne présentent aucune difficulté (Best et al., 1995; Best et al., 1988).

Dans l’apprentissage d’une LE, il faut pouvoir créer une association entre les configurations articulatoires et le sens linguistique. Les configurations articulatoires qui ont une fonction phonologique dans la LM de l’apprenant sont naturellement plus facilement reconnues que les configurations nouvelles. Les sons de la LE sont souvent interprétés et perçus par les constellations gestuelles propres à la LM de l’apprenant qui sont les plus proches.

Malgré l’existence de configurations propres à une langue donnée, il existe également des constellations gestuelles communes. Selon Best, de nombreuses constellations sont partagées par les différentes langues du monde. Ceci est dû aux limites de l’appareil phonatoire de l’homme. Le modèle PAM se distingue de la théorie motrice dans le sens où elle ne stipule pas un module neuronal inné qui permet d’interpréter les configurations des articulateurs. Selon PAM, les auditeurs ne passent pas par les représentations motrices des gestes pour pouvoir les interpréter. Ainsi les sons (la phonétique) et le sens qu’ils véhiculent (la phonologie) émergent au même moment, à la sortie des organes de la parole.

Ce modèle fournit des prédictions sur l’assimilation perceptive des contrastes non-natifs. La perception des sons de la LE qui sont en contraste dépend de leur similarité phonétique et phonologique avec les sons de la LM (Best et al., 2001). Selon PAM, la similarité phonologique fait qu’on utilise l’une ou l’autre catégorie native alors que la similarité phonétique provoque notre jugement de justesse sur la réalisation de cette catégorie. La similarité est définie dans PAM par des caractéristiques articulatoires. Ainsi, dès que possible, l’auditeur essaye d’assimiler le son non-natif au phonème natif qui est le plus proche au niveau articulatoire. En fonction du type de contraste, PAM prédit les assimilations possibles suivantes :

! les deux sons de la LE sont assimilés à une seule catégorie native ; les deux sons présentent le même degré de justesse que la catégorie native ; ils sont soit de bons soit de mauvais exemples.

La discrimination attendue est mauvaise ;

! les deux sons de la LE sont assimilés à une seule catégorie native ; l’un est alors un bon représentant et l’autre un mauvais représentant de la catégorie native. La discrimination attendue est moyenne ;

! les deux sons de la LE sont assimilés à des catégories natives différentes. On attend une très bonne, voir excellente discrimination ;

! un son de la paire renvoie à une catégorie native, l’autre son ne peut pas être catégorisé. La discrimination devrait alors être très bonne ;

! les deux sons ne renvoient à aucune catégorie native. La discrimination est soit mauvaise (si les deux sons renvoient au même ensemble de sonsmaternels), soit moyenne ;

! les sons du contraste sont tellement différents au niveau articulatoire des phonèmes natifs que l’apprenant ne les identifie pas comme sons de la parole. Les catégories ne sont pas assimilables. La discrimination attendue est bonne, voir excellente car les sons échappent aux effets de la LM.

Le type d’assimilation le plus fréquent est celui qui lie les deux catégories non-natives à une seule catégorie native (Best et al., 1995). Le type d’assimilation le plus rare se produit pour les sons que l’auditeur n’identifie pas comme sons de la parole (Best and Tyler, 2007). C’est par exemple le cas des Anglophones qui perçoivent les clics du zoulou (Best et al., 2001) : même s’ils n’ont jamais entendu ces sons en anglais, ils peuvent les discriminer sans difficulté. En effet, en l’absence d’assimilation avec les sons de la parole, ils accèdent à la perception phonétique (Best et al., 1988) et ils peuvent se concentrer par conséquent sur les détails articulatoires.

PAM prédit la hiérarchie de difficultés de perception des contrastes non-natifs (Best et al., 2001). Les sons les plus difficiles à discriminer sont ceux qui correspondent à la même catégorie native, sans différence de jugement. Ensuite, les sons qui renvoient à la même catégorie native mais avec des degrés de justesse différents sont plus faciles. Enfin, les sons qui activent deux catégories natives distinctes sont les plus faciles à discriminer.

PAM se distingue de SLM et NLM par la prédiction de la facilité à discriminer un contraste entre deux sons de la LE qui correspondent à une seule catégorie native mais provoquent des jugements de justesse différents. Dans ce type d’assimilation, une paire de sons similaires peut être relativement facile à discriminer.

Best et al. (2001) ne soutiennent pas l’hypothèse de la période critique. Malgré une diminution de capacité à discriminer certains contrastes non-natifs avec l’âge, il est possible d’améliorer la performance avec des entraînements dans des laboratoires phonétiques ou avec une expérience naturelle.

Le modèle dans sa version d’origine explique la perception des contrastes non-natifs par des auditeurs naïfs qui n’ont aucune expérience avec la LE. Il ne concerne pas directement les apprenants de la LE et ne permet pas de prédire les différentes étapes d’apprentissage. C’est pour cette raison que Best and Tyler (2007) font évoluer le modèle en créant PAM-L2.

3.4.3.1 PAM-L2 (Best and Tyler, 2007)

Ce modèle est dédié spécifiquement à l’apprentissage d’une LE et prédit le succès pour un apprentissage perceptif de la LE chez les apprenants. PAM-L2 s’adresse notamment aux apprenants ayant appris la LE d’une manière naturelle, c’est-à-dire dans une situation d’immersion. Les apprenants sont ici définis comme des sujets qui apprennent activement la LE, dans le but de pouvoir communiquer. Leur apprentissage est influencé par de nombreux facteurs qui interagissent ; il s’agit de l’âge au début de l’apprentissage, qualité et quantité d’input, durée de résidence dans le pays où l’on parle la LE et utilisation relative de la LE par rapport à la LM.

PAM-L2 prévoit les évolutions suivantes :

! quand les deux sons de la L2 renvoient à un son de la L1 mais avec des degrés de justesse différents, une nouvelle catégorie peut être créée pour le mauvais représentant mais pas pour le bon. La nouvelle catégorie sera d’abord d’ordre phonétique, puis éventuellement d’ordre phonologique ;

! quand les deux sons de la L2 correspondent à un seul son de la L1 et qu’ils présentent le même degré de justesse (ils sont aussi bons ou aussi mauvais l’un que l’autre), ces sons seront difficiles à discriminer au début et ils seront alors perçus comme homophones. La discrimination pourrait s’améliorer pour les sons qui sont des mauvais représentants de la catégorie native mais ce progrès n’est pas réellement attendu par PAM. La chance de progresser augmente avec la fréquence des mots : si les mots contenant ces sons sont très fréquents dans le vocabulaire et si les sons permettent de créer de nombreuses paires minimales dans la L2, il y a alors plus de chance de réussite pour un apprentissage perceptif ;

! quand seulement l’un des deux sons est assimilé perceptivement à une catégorie native et l’autre son n’est pas catégorisé, la discrimination est bonne. Le son assimilé peut être perçu comme un bon ou un mauvais exemple de la catégorie native. Si c’est un mauvais représentant, une nouvelle catégorie pourra être créée. S’il s’agit d’un bon exemple, il y a peu de chance de créer une nouvelle catégorie pour ce son ;

! quand les deux sons ne sont assimilés à aucune catégorie native, ils renvoient à des catégories natives multiples où aucune ne prédomine. Dans les cas où les deux sons renvoient à des ensembles de sons maternels différents, les catégories phonologiques de L2 peuvent être faciles

à acquérir. Si les deux sons de L2 renvoient en revanche au même ensemble de sons, une seule catégorie phonologique sera créée pour ces deux sons ;

! quand les deux sons ne sont pas perçus comme des sons de la parole, leur discrimination est bonne dès le départ même chez des auditeurs naïfs.

Pour résumer, pour les sons qui sont assimilés à une catégorie native avec un grand degré de justesse, aucun progrès significatif n’est prévu. Ainsi, les voyelles qui sont de bons représentants de sons maternels ne subiront pas d’importants changements lors de l’apprentissage. En revanche, PAM-L2 prévoit un apprentissage pour les voyelles qui sont perçues comme différentes des voyelles natives.

Le succès de la création de nouvelles catégories phonétique et phonologique pour les deux sons en contraste dépendra de la similarité perçue entre elles. Si les deux sons renvoient au même ensemble de sons similaires, la différence perçue entre les deux sons est alors moindre. Si en revanche les deux sons renvoient à des ensembles de sons différents, la différence perçue entre les deux sons est plus grande et les deux sons sont alors plus faciles à discriminer.

PAM est alors un modèle articulatoire de perception, qui prédit l’évolution de l’apprentissage depuis le niveau débutant (PAM) au niveau plus avancé (PAM-L2).

3.4.4 Native Language Magnet – NLM (Kuhl and