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C HAPITRE 3 : Identification, traçage et variabilité des processus d’altération des phyllosilicates par des souches bactériennes

III.5 Signatures isotopiques du Mg

III.5 Signatures isotopiques du Mg

La composition isotopique en magnésium ("26Mg/DSM3) du phlogopite et l’évolution de la composition isotopique du Mg lixivié en fonction de la fraction de Mg libéré (FMg) en solution lors des expériences biotiques et chimiques sont présentées dans la figure 3-24.

CHAPITRE 3. IDENTIFICATION, TRAÇAGE ET VARIABILITE DES PROCESSUS D’ALTERATION DES PHYLLOSILICATES PAR DES SOUCHES BACTERIENNES

119 La composition isotopique initiale moyenne du magnésium du phlogopite est de "26Mg= -1,22‰ ± 0,24‰. La variation de la signature isotopique en Mg du phlogopite est large car le mica est formé à partir d’un mélange entre 2 pôles purs (phlogopite – annite) ce qui peut expliquer une certaine hétérogénéité.

Dans les expériences biotiques, les "26Mg des solutions sont de -1,41 et -1,31‰ pour RA1 à 3 et 6 jours, de -1,39 et -1,23‰ pour PA1 et AR1 à 12 jours, de -1,09 et -0.88‰ pour PS2 à 6 et 12 jours. Ces valeurs sont assez proches pour PA1, AR1 et RA1 compte tenu de la barre d’erreur de 0,15‰ (correspondant à la reproductibilité externe entre les standards, i.e. 2#). Elles sont, en revanche, assez différentes pour la souche PS2. Dans les expériences abiotiques, les "26Mg des solutions sont de -0,82‰ pour HNO3 (pH 2,5 ; 6 jours), de -1,02‰ pour l’acide gluconique (pH 3,4 ; 9 jours, 0,01M), de -1,22‰ pour l’acide gluconique (pH 3,6 ; 6 jours, 0.001M), de -1,52, -1,43, -1,42‰, pour l’acide citrique (0,001M) respectivement à 13, 6, 6 jours pour des pH de 6 , 4,6 et 3,6.

Les compositions isotopiques en Mg des solutions pendant ou à la fin des expériences sont presque toutes comprises dans la gamme de compositions isotopiques moyenne du Mg déterminée pour le phlogopite initial. Les seuls fractionnements significatifs ont été mesurés avec HNO3 à pH très acide (pH 2.5, 6 jours) et avec la souche acidifiante PS2 (à 12 jours) et l’acide citrique (pH 6, 13 jours). Dans les deux premières expériences, les solutions ont un "26Mg proche d’environ -0,85 ‰. Pour l’acide citrique, la solution a un "26Mg proche d’environ -1,52 ‰. Nos résultats indiquent donc un fractionnement isotopique faible ou négligeable pendant la lixiviation du Mg du phlogopite quel que soit l’agent chimique ou bactérien d’altération impliqué.

Cependant, deux tendances peuvent être distinguées si on se réfère à la composition isotopique moyenne du phlogopite ("26Mg= -1,22‰). D’abord pour les expériences réalisées avec HNO3, l’acide gluconique et la souche acidifiante PS2, le Mg lixivié en solution est toujours enrichi en isotope lourd (26Mg) par rapport au "26Mg moyen du phlogopite. Pour les expériences réalisées avec l’acide citrique et la souche RA1, le Mg lixivié en solution est toujours enrichi en isotope léger (24Mg) par rapport au "26Mg moyen du phlogopite. Ces tendances inverses de fractionnement semblent s’accentuer avec l’augmentation de la fraction

de Mg lixivié . Elles pourraient être expliquées par un effet activé ou non de chélation du Mg par des ligands organiques. En effet, les agents bien identifiés comme acidifiants (HNO3 et la souche PS2) semblent favoriser la lixiviation de Mg lourd. Les agents complexant, comme l’acide citrique et la souche RA1 favorisent plutôt, la lixiviation de Mg léger. Toutefois, avec l’acide gluconique, le Mg lixivié est enrichi en isotopes lourds, comme dans les expériences avec les agents acidifiants. En fait, l’expérience avec l’acide gluconique a été réalisée à pH 3,5, c’est-à-dire dans les mêmes conditions que les expériences menées avec la souche PS2. Or, à ce pH (3,5), les groupements carboxyliques de l’acide gluconique sont en majorité protonés (pKa = 3,86) et agit donc comme un acide fort. Ceci expliquerait que les compositions isotopiques en Mg dans les solutions soient assez similaires ("26Mg environ -1,05‰). De plus, le rapport Mg/Si des expériences avec l’acide gluconique se rapproche plus de celui des expériences réalisées avec l’acide nitrique que de celles réalisées avec l’acide citrique. En présence d’acide citrique, l’effet ligand est d’autant plus fort dans nos conditions expérimentales (pH d’environ 5) ce qui n’induit pas les mêmes fractionnements.

Les résultats obtenus pour les isotopes du Mg et le rapport Mg/Si en présence des différentes souches bactériennes sont différents entre la souche PS2 et les autres souches PA1, RA1 et AR1. Ces bactéries ont un métabolisme différent qui leur donne une efficacité vis-à-vis de la lixiviation des éléments qui n’est pas la même. La souche PS2 a été confirmée comme étant acidifiante et les souches RA1 et PA1 comme complexantes. Des vérifications complémentaires restent à faire, mais la mesure de la composition isotopique du Mg des solutions pourrait être un outil intéressant de mise en évidence de l’un ou l’autre de ces processus de lixiviation dans des systèmes plus complexes.

Dans la nature, les différences de compositions isotopiques mesurées entre les sols et les eaux, sont bien plus larges que celles que nous mesurons (Galy et al., 2002; Tipper et al., 2006a; Tipper et al., 2006b; Brenot et al., 2008). Plusieurs mécanismes ou processus pourraient expliquer les très faibles fractionnements isotopiques mesurés lors d’altération de minéraux en conditions expérimentales et notamment en présence de bactéries : (1) le fractionnement lors de la dissolution de phlogopite peut suivre une distillation de Rayleigh dont l’effet est d’autant plus marqué que la quantité de Mg lixiviée est faible (distillation suivant une loi exponentielle); (2) l’immobilisation du Mg par transformation partielle du mica en vermiculite (cf. I.2.4) ; et

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121 enfin (3) l’incorporation du Mg à l’intérieur des cellules bactériennes (0,5 % de Mg en poids sec). Toutefois cette dernière hypothèse est peu probable car la biomasse formée par les bactéries est tellement faible (107 bactéries/ml) qu’elle ne peut expliquer à elle seule les fractionnements observés .

Nos résultats suggèrent que l’altération du phlogopite par les bactéries ne peut pas être seulement résumée par l’action des protons et des métabolites ou ligands organiques produits. La part d’immobilisation des éléments (Mg ou Fe) est non négligeable et suggère que des processus clé à l’interface bactérie-minéral doivent être pris en compte et qui restent à étudier.

Figure 3- 24. Évolution du "26Mg/DSM3 en fonction de la fraction de Mg lixiviée lors de l'altération de phlogopite dans les expériences biotiques et abiotiques. Chaque point

représente la moyenne et l’écart-type d’au moins 6 mesures réalisées sur un échantillon.

Quel que soit le type d’expériences biotique ou abiotique, une corrélation est observée entre le pH, le taux de dissolution du phlogopite (RSi) et le "26Mg des solutions de lixiviation.

Plus le pH est acide, plus le Mg sera libéré en solution et sera enrichi en isotopes lourds 26Mg (Figure 3-25). L’étude de Pogge von Strandmann et al., (2008) décrit également une relation entre le fractionnement des isotopes du Mg et le pH des rivières (pH de neutres à basiques) drainant des basaltes. Ils montrent que plus le pH est basique, plus les rivières sont enrichies en isotopes lourds relativement aux basaltes.

Dans nos expériences avec l’acide citrique et la souche bactérienne complexante RA1, le "26Mg n’est pas corrélé avec RSi ce qui confirme cet effet ligand déjà observé. Ces résultats sont cohérents avec ceux obtenus par Brantley et al., (2001) avec les isotopes du fer. Dans leur étude, le "57Fe diminue avec l’augmentation du taux de libération du fer indiquant que les ligands ont une préférence pour les isotopes légers.

Figure 3- 25. pH versus "26Mg et le taux de dissolution du phlogopite (RSi) pour les expériences biotiques et abiotiques

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III.6 Synthèse sur l’utilisation des isotopes du Mg comme traceurs de processus