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C HAPITRE 3 : Identification, traçage et variabilité des processus d’altération des phyllosilicates par des souches bactériennes

I.3 Détermination des phénotypes d’altération des souches bactériennes

Nous avons vu précédemment que le modèle permettait d’identifier pour les altérations biologiques de minéraux, les processus (acidolyse, complexolyse et immobilisation) contrôlant la libération et le devenir du fer en solution à partir de deux paramètres : l’activité des protons et le taux de libération du fer. Il est alors possible de distinguer des phénotypes d’altération de souches bactériennes en construisant un diagramme ternaire paramétré suivant la contribution de chacun de ces processus au taux globales de lixiviation du fer (rFe) : rT = rH +rL = ra +rc+ri

Ainsi le diagramme ternaire A-C-I de la figure 3-4 propose la représentation de chaque souche étudiée en fonction des composantes Acidolyse (rT = KH+ (aH+)n), Complexolyse (si rT > KH+ (aH+)n) et Immobilisation (si rT < KH+ (aH+)n). On suppose que tous les processus altération étudiés sont toujours décomposables selon ces 3 paramètres (A,C,I). Ce mode de représentation ACI est défini par :

* A = rH/rT ; avec rH représentant le taux de libération du fer dû uniquement à l’activité des protons et rT le taux global de lixiviation du fer

* C= 1 – (rH/rT) - rI /rT avec rI représentant le taux de libération du fer suite à la solubilisation des colloïdes de fer grâce au chlorhydrate d’hydroxylamine.

* I = rI /rT.

En présence de phlogopite (diagramme ACI figure 3-4 A), 4 combinaisons ou groupes de

processus d’altération sont ainsi mis en évidence.

- Le groupe 1 [A0,1 ; C0,9; I0,3] rassemble les souches bactériennes B2, B3 (Burkholderia sp.) et PS2 (Pseudomonas sp.) en présence desquelles la lixiviation du fer est due exclusivement à la complexolyse. Comme discutées dans le paragraphe précédent, ces bactéries aérobies sont les souches les plus efficaces pour lixivier le fer contenu dans le phlogopite. Sans qu’on puisse apporter la preuve d’une production de sidérophores, en terme d’acides organiques, ces bactéries produisent principalement de l’ acide gluconique (0,1 à 2 mM).

- Le groupe 2 [A0,8 ; C0,1; I0,1] est représenté uniquement par la souche PS1 (Pseudomonas sp.) qui entraîne une acidification importante du milieu (jusqu’à pH 3). Ce

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75 processus exclusivement d’acidolyse conduit à une importante lixiviation du fer. Les acides organiques produits sont alors tous dissociés et agissent comme des acides forts.

=> Ces groupes complexolyse (I) et acidolyse (II) sont associés au plus fort taux de dissolution du fer du phlogopite (rFe = 10-11 mol.m-2.s-2) mais via des processus très distincts.

- Le groupe 3 [A0,7 ; C0,6; I0,1] est formé des souches AR1 (Agrobacterium sp.), PA1 (Pantoae sp.), PC1 (Paracoccus sp.) et RA1 (Rhanella sp.) peu efficaces pour lixivier le fer (rFe = 10-12 - 10-13 mol.m-2.s-2). Ces souches, anaérobies facultatives, produisent des quantités importantes d’acides organiques simples (mono-carbobylique) peu complexants comme les acides lactique ou acétique (1 à 2 mM) qui ont un impact modéré sur l’altération du phlogopite.

- le groupe 4 [A0,1 ; C0,8; I0,8] est formé des souches BE1 (Bacteroidetes sp.) et B1(Burkholderia sp.) qui acidifient très peu le milieu (pH final de 5 à 6,5) et produisent peu d’acides organiques comme l’acide formique (0,1 mM). Ainsi, le fer lixivié ne peut être maintenu en solution et précipite sous la forme d’oxydes amorphes.

=> Dans ces 2 derniers groupes sont regroupés les agents bactériens qui ont peu d’effet sur la lixiviation du fer. Ces bactéries produisent soit majoritairement des acides simples peu complexants, soit des acides plus complexants mais en trop faibles quantités. Les

bactéries formant le groupe 3 acidifient toutefois plus le milieu (pH 4,5) que les souches du groupe 4 ce qui leur permet de maintenir le fer en solution.

En présence de biotite (diagramme ACI figure 3-4 B), seuls 2 groupes ont été mis en

évidence.

- Le groupe 1 [A0,1 ; C0,8; I0,4] est formé de pratiquement toutes les souches bactériennes B1, B2, B3, PS1, PS2, PA1. La lixiviation du fer est due exclusivement à la complexolyse via la grande production d’acides organiques complexants (2 à 7 mM).

- Le groupe 2 [A1 ; C0,7; I0] est représenté par les souches AR1, BE1 et RA1 pour lesquels, la lixiviation du fer est due exclusivement à l’acidolyse. Une forte production d’acides organiques monofonctionnels (1 à 13 mM) entraîne une forte acidification du milieu.

Cependant, l’impact de ce bas pH sur la lixiviation fer lors de l’altération de la biotite reste modéré (rFe = 5 10-12 -10-13 mol.m-2.s-2).

Figure 3- 4. Diagramme ternaire A-C-I représentant la contribution de l'acidolyse, de la complexolyse et de l'immobilisation à la lixiviation du fer dans les expériences biotiques d’altération de phlogopite (A) et de biotite (B)

La comparaison des deux diagrammes amène quelques résultats intéressants :

Quatre phénotypes d’altération ont pu être mis en évidence en présence de phlogopite contre deux en présence de biotite, bien que les souches bactériennes utilisées et les conditions expérimentales soient les mêmes. En particulier, certaines souches bactériennes changent de groupe (acidolyse -› complexolyse pour PS1) ou ont leurs activités renforcées (acidolyse de RA1). Il semblerait que, sans parler de stratégie d’altération, les processus impliqués et l’efficacité d’une souche dépendraient du minéral cible. En effet, les acides organiques et les protons sont produits en plus grande quantité par les bactéries en présence de biotite qu’en présence de phlogopite.

Pour expliquer ce phénomène, on peut envisager soit des processus de dissolution différents pour les deux micas ou une « adaptation fonctionnelle » des bactéries au minéral. En effet, les processus de précipitation sont très présents en présence de phlogopite. Des réactions plus complexes et la balance Fe/Mg dans les sites octaédriques peuvent être à l’origine de l’apparition de composés secondaires insolubles contenant du fer. La répartition du magnésium

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77 au sein des sites octaédriques crée une balance réactionnelle oxyde/vermiculite qui peut changer la stoechiométrie de la réaction (Acker et Bricker, 1992).

Néanmoins, dans les expériences réalisées avec les bactéries, les acides organiques sont produits en plus grande quantité en présence de biotite qu’en présence de phlogopite. Ces résultats complètent ceux de nombreux travaux (Zobell, 1943; Van Loosdrecht et al., 1990; Bennett et al., 1996; Gleeson et al., 2006) qui ont montré que la composition chimique et la structure du minéral influençaient les processus d’altération des bactéries notamment leur physiologie et leur colonisation à la surface du minéral. Toutefois, les résultats indiquent des changements de processus d’altération minéral- et souche- dépendant. Les variations observées dans cette étude pourraient être expliquées par une répartition et une disponibilité différente des éléments nutritifs à la surface des minéraux, plus ou moins stimulante pour la production de métabolites et pour les processus d’altération biologique des minéraux. La qualité (complexante) et la quantité d’acides organiques produits sont donc primordiales.