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C HAPITRE 3 : Identification, traçage et variabilité des processus d’altération des phyllosilicates par des souches bactériennes

II.3 Influence des sources de carbone et d’énergie (concentration et nature)

II.3.1 Influence de la concentration initiale en glucose

Des expériences en réacteurs ont été réalisées avec des particules de phlogopite et du glucose à différentes concentrations (2, 5, 10 g.l-1) en présence de la souche bactérienne RA1. L’évolution du nombre de bactéries planctoniques (DO600 nm), de la consommation du glucose, du pH et des quantités de fer lixivié au cours des expériences d’altération de phlogopite en réacteurs est illustrée dans la figure 3-12.

Quelle que soit la concentration initiale de glucose du milieu, la vitesse de consommation du glucose par les bactéries est constante entre le premier et le septième jour. Cependant, pour les plus basses teneurs intiales (2 g.l-1), le glucose est entièrement consommé au bout de 4 jours. Les courbes de croissance se superposent assez bien (Figure 3-12). La durée de cette phase dépend de l'âge des bactéries et de la composition du milieu. C'est le temps nécessaire à la bactérie pour synthétiser les enzymes adaptées au nouveau substrat (il n’y a pas de phase de latence si le repiquage sur le milieu est identique au précédent). Le nombre de

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93 modalités. Une concentration en glucose élevée ne semble donc pas favoriser la croissance des bactéries planctoniques. Elle n’influence pas non plus le pH qui reste constant et proche de 5. En revanche, les quantités de fer lixivié sont d’autant plus importantes que la concentration initiale de carbone est grande. À 6 jours, les quantités de fer lixivié sont de l’ordre de 0,45 et 0,9 mg.l-1 pour des concentrations initiales en glucose de 5 et 10 g.l-1 respectivement. Pour l’expérience réalisée avec 2 g.l-1, une fois la source d'énergie entièrement consommée le pH remonte (vers 6,5) et le fer lixivié précipite.

Figure 3- 12. Évolution au cours du temps de la densité cellulaire (DO600nm), du pH, du glucose et de la quantité de fer lixivié pour des concentrations initiales de glucose de 2, 5 et 10 g.l-1 en présence de la souche bactérienne RA1 et de phlogopite. Chaque point

représente une mesure unique.

La production d’acides organiques en solution par les bactéries est proportionnelle à la quantité de glucose consommé (Figure 3-13). Autrement dit, plus les bactéries consomment du glucose, plus elles produisent des acides organiques en solution et augmentent ainsi la lixiviation du fer lors de l’altération de phlogopite. D’un point de vue de leur nature, ces acides

organiques restent cependant les mêmes dans toutes les conditions d’expériences (Figure 3-13). Ce phénomène s’appelle le métabolisme de débordement (ou « overflow metabolism » en anglais) : en conditions aérobies, en présence d’un excès de source d’énergie, beaucoup de produits finaux partiellement oxydés (acétate, pyruvate, succinate) sont excrétés en plus grande quantité dans le milieu de culture (Teixeira de Mattos et Neijssel 1997).

Figure 3- 13. Concentration (mg.l-1) des acides organiques produits par la souche bactérienne RA1 pour des concentrations de glucose initiales de 2, 5 et 10 g.l-1 et % de carbone métabolisé par les bactéries au cours du temps. Chaque point représente une

mesure unique.

En termes de processus, après 3 jours d’expériences, toutes les modalités montrent une altération du phlogopite dominée par la complexolyse (Figure 3-14) via les produits sécrétés par la souche RA1. Les concentrations initiales de glucose semblent donc n’avoir aucun effet sur le processus impliqué.

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95 II.3.2 Influence d’autres facteurs limitants : source d’azote et de phosphore

En plus de la source de carbone et d’énergie, des nutriments essentiels comme l’azote (NO3-) et le phosphore (PO43-) peuvent aussi être des facteurs limitant l’activité des bactéries (Figure 3-15). Afin de vérifier cette hypothèse, les quantités de nitrates et de phosphates disponibles dans le milieu au cours des expériences ont été suivies par chromatographie ionique. Leurs concentrations initiales étaient d'environ 61 mg.l-1 de NO3- et 24 mg.l-1 de PO43-. Les concentrations en nitrates diminuent fortement les 2 premiers jours jusqu’à 20 mg.l-1 dans toutes les expériences puis restent stables pour les expériences réalisées à une concentration initiale de 5 et 10 g/l de glucose. En revanche, elles continuent à diminuer jusqu’à 5 mg.l-1 pour les expériences réalisées à 2 g/l. Les concentrations en phosphates mesurées montrent une évolution similaire à celles des nitrates : elles diminuent progressivement jusqu’à 15 mg.l-1 les premiers jours puis se stabilisent dans les expériences réalisées à une concentration initiale de 5 et 10 g/l de glucose et diminuent continuellement jusqu’à 5 mg.l-1 pour les expériences réalisées à 2 g/l. Ces résultats suggèrent que pour les expériences réalisées à une concentration initiale de 2 g/l de glucose, les apports en azote et phosphore deviendraient rapidement limitants si les expériences duraient quelques jours de plus. Cette carence en azote et phosphore pourrait alors influer sur le métabolisme des bactéries et la qualité des acides organiques produits. En effet, Teixeira de Mattos et Neijssel (1997) indiquent que lorsque le glucose est limitant, la souche

Figure 3- 14. Évolution du phénotype de la souche RA1 en fonction de la concentration initiale en glucose. Taux de dissolution du fer en fonction du pH. Chaque point représente une mesure unique.

bactérienne E. coli produit en majorité de l’acide acétique et de l’éthanol, mais que lorsque d’autres nutriments sont limitants, cette souche bactérienne produit d’autres acides organiques comme l’acide lactique et le succinique qui demandent moins d’énergie (Linton et al., 1988).

Figure 3- 15. Concentrations en nitrates (NO3-) et phosphates (PO43-) au cours du temps dans les expériences réalisées avec RA1 à différentes concentrations initiales de glucose en présence de phlogopite. Chaque point représente une mesure réalisée sur un échantillon

moyen.

En conclusion, pour conserver toute leur signification, les expériences d’altération comparatives doivent être menées pendant un temps très court : de manière optimale 2 à 3 jours maximums. L’obtention d’un quasi-équilibre dynamique est alors garantie et rend légitime les approches comparatives.