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Dispositifs expérimentaux permettant l’étude de l’altération des minéraux en conditions biotique et abiotique

Les approches expérimentales en laboratoire et sur le terrain ont été utilisées pour évaluer les taux de dissolution des minéraux silicatés. L’avantage de l’approche en laboratoire sont des conditions chimiques, physiques et biologiques relativement bien contraintes (chaque paramètre comme la température, la composition des minéraux ou des solutions est varié mais bien caractérisé). Cependant, ces taux de dissolution sont difficiles à extrapoler dans la nature.

L’approche de terrain est beaucoup plus complexe. Les taux de dissolution des minéraux sont calculés à partir de minéraux ou d’assemblage de minéraux mal caractérisés, de flux de solutés de composition très changeante avec différent temps de résidence et des variations de climats et des activités biologiques. La durée de l’expérience est le paramètre qui induit le plus de variabilité. De plus, les expériences sont difficilement reproductibles (White et Brantley, 2003). Généralement, les taux de dissolution d’un minéral en laboratoire sont 2 à 5 fois plus rapides que sur le terrain.

L’approche en laboratoire a été choisie dans nos travaux pour permettre à nos expériences d’être le plus reproductibles possible et relativement bien contraintes.

Historiquement, deux types de dispositifs expérimentaux ont été employés pour étudier la dissolution des minéraux en laboratoire : les systèmes fermés et les systèmes ouverts. Les dispositifs en système fermé (appelé également batch) sont employés majoritairement pour étudier la dissolution de minéraux en conditions abiotiques. Une fraction de minéral est déposée dans un réacteur, contenant une solution saline à une force ionique et à un pH donnés. Les premiers travaux portant sur la dissolution des minéraux et conduits en système fermé ont accordé une importance particulière aux mécanismes initiaux de dissolution qui

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21 sont indépendants du dispositif expérimental (Wollast, 1967 ; Henderson et al., 1975; Touray, 1980). En effet, ces dispositifs ne permettent pas de conduire des expériences sur de longues périodes, car le taux de dissolution du minéral diminue avec le temps. Ceci résulte d’une évolution de la chimie de la solution qui approche un état d’équilibre et de saturation à la surface du minéral.

Pour ces raisons, beaucoup de chercheurs ont abandonné ce système et utilisent des réacteurs chimiques ouverts avec des solutions renouvelées (en anglais « flow-through reactors ») (Acker et Bricker, 1992; Brantley, 2003; Chen et Brantley, 1997; Kalinowski et Schweda, 1996; Malmström et Banwart, 1997; Murakami et al., 2003). Ce dispositif consiste à faire percoler une solution au contact des minéraux. Il permet une lixiviation continue dans des conditions définies de température et de débit tout en restant très loin d’un état de saturation du système et donc loin de l’équilibre.

Les dissolutions de minéraux en présence de bactéries sont étudiées dans les deux systèmes décrits précédemment. Les systèmes fermés en batch ont été les premiers utilisés (Krumbein, 1972; Boyle et Voigt, 1973; Berthelin J., 1976; Berthelin J., 1977; Berthelin, 1983; Robert et Berthelin, 1986; Vandevivere et al., 1994; Welch et Vandevivere, 1994 ; Bennett et al., 1996). Comme dans les expériences en conditions abiotiques, ces dispositifs permettent d’obtenir des informations sur l’état initial de la dissolution de minéraux par les bactéries.

Sur de longues périodes (plus de 7 jours), dans les expériences où le pH est non tamponné, en l’absence de renouvellement de la solution, les stocks d’éléments nutritifs (Ca, Mg, ...) et de la source énergétique (carbone) diminuent avec le temps jusqu’à épuisement. Une augmentation du pH est alors généralement observée, attribuée à la mort des bactéries. Cela a pour conséquence une modification de la chimie de la solution et une diminution du taux de dissolution des minéraux (Kalinowski et al., 2000; Liermann et al., 2000). Lorsque les bactéries adhérent à la surface du minéral, l’augmentation du pH peut être restreinte à l’endroit où est fixée la bactérie avec un effet local important sur la dissolution (Barker et al. 1998) alors que dans la solution globale, cela peut être indétectable. L’étude de la dissolution bactérienne des minéraux sur de longues périodes, dans des conditions physico-chimiques constantes, est plutôt réalisée dans des bioréacteurs en système ouvert qui permettent de renouveler les solutions nutritives.

Les différents dispositifs expérimentaux permettent de calculer et de modéliser les taux de dissolution des minéraux silicatés. Cependant, les différences observées entre les taux de dissolution des silicates déterminés en laboratoire et ceux calculés sur le terrain n’ont pas encore été bien expliqués. Ce problème est dû en partie à la complexité du milieu et des réactions, surtout quand le biologique est impliqué, et à la diversité des échelles de temps des conditions climatiques et environnementales. Ainsi, le choix du dispositif est crucial pour étudier des systèmes simplifiés en laboratoire afin de mieux comprendre les processus d’altération des minéraux impliqués par les plantes ou les microorganismes.

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II. L

ES BACTERIES

,

DES AGENTS DE L

ALTERATION BIOGEOCHIMIQUE

Via les matières organiques et minérales qu’il contient, le sol est une source d’énergie et de nutriments qui permet à de nombreux microorganismes de se développer.

Les bactéries du sol sont traditionnellement divisées en deux catégories : les autochtones et les zymogènes (Van Elsas et al., 2007). En général, les bactéries autochtones sont capables de métaboliser et croître dans des environnements très pauvres en nutriments (stratégie K). Lorsque ces bactéries rencontrent des environnements très riches en nutriments, elles deviennent alors zymogènes et sont capables de métaboliser et croître rapidement (stratégie r).

Dans la nature, les réactions d’altération sont amplifiées par la présence de microorganismes (bactéries et champignons) en contact ou non avec la surface des minéraux. De nombreuses études ont montré l’importance des champignons dans la mobilisation des éléments nutritifs dans les sols et ont aussi mis en évidence les interactions entre les champignons et les bactéries dans l’altération des minéraux (Leyval et Berthelin, 1989; Leyval C. et al., 1990; Gadd, 2006; Uroz et al., 2007).

Dans ce travail de thèse, nous avons choisi d’étudier le rôle des bactéries hétérotrophes sur l’altération, car celles-ci sont ubiquistes dans les sols et dans d’autres environnements oligotrophes. De plus, leur taille et leur métabolisme variable leur permettent une grande diversité de réponse face aux stress environnementaux. Ainsi, l’état des connaissances sur les bactéries en tant qu’agents de l’altération biogéochimique sera détaillé dans cette deuxième partie de la bibliographie.

Comme schématisé sur la figure 1-2, les bactéries obtiennent les éléments nutritifs dont elles ont besoin à partir d’une source organique (présente généralement seulement en surface) et de l’altération des minéraux (dans tout le profil) par des réactions biochimiques. De nombreux travaux ont étudié l’altération des roches par les bactéries et une question revient souvent dans la discussion : ont-elles développé des stratégies spécifiques pour l’altération des minéraux ou est-ce juste une conséquence indirecte de leur métabolisme ? Dans la deuxième partie de ce chapitre, l’habitat et le fonctionnement des bactéries seront décris puis le lien connu à ce jour entre leur métabolisme et l’altération des silicates sera présenté.