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I. 11). Cette calibration a valeur globale et permet de balayer une plus grande gamme de

4. Les marqueurs de pCO 2 atmosphérique

4.3. Le signal isotopique du bore ( 11 B)

Le bore est un élément volatile semi-métallique qui possède deux isotopes stables, le 10B peu abondant (~20%) et le 11B plus abondant (~80%). Les variations isotopiques du bore sont, comme pour les isotopes de l’oxygène et du carbone, exprimées sous la forme d’un delta :

δ11B (‰) = [ − ] ∗

Le rapport (11B/10B)std représente la composition isotopique du standard, généralement, le

Standard Reference Material (SRM) 951 boric acid (11B/10B=4,04367) issu du National Institute of Standars Technology(NIST) (D’après Foster et Rae, (2016) et références associées).

Le bore se retrouve principalement dans deux espèces chimiques dans les solutions aqueuses : l’acide borique [B(OH)3] et l’ion borate [B(OH)4-] dont l’abondance relative est dépendante du pH. Ainsi la concentration totale en bore dans l’eau de mer correspond à :

[B]sw = [B(OH)3] + [B(OH)4-]

Du fait des différences structurales entre les deux espèces dissoutes du bore, un fractionnement isotopique est observé entre elles et l’eau de mer : le B(OH)3 est ainsi enrichi en 11B par rapport au B(OH)4-. Le B(OH)3 a un rapport 11B/10B supérieur à celui de l’ion borate de 27 ‰ (Klochko et al., 2006). Comme la concentration de chaque espèce dépend du pH, lorsque celui-ci change, l’abondance relative de chaque espèce aqueuse change, de même que leur composition isotopique (Figure I.21).

4.3.1. Du rapport isotopique du bore à la reconstitution du pH océanique

Ce marqueur se base sur le fait que c’est l’ion borate qui est majoritairement incorporé dans la calcite des foraminifères, des coraux et des ostracodes. Ces carbonates présentent donc des valeurs de δ11B plus faibles que l’eau de mer d’environ 10 à 26 ‰ (Hemming et Hanson, 1992). Or, comme la composition isotopique de cette molécule dépend du pH, l’étude du δ11B enregistré par ces organismes permet de déterminer les valeurs de pH océanique (Figure I.21).

59 Ainsi, il est possible d’obtenir le pH grâce à l’équation de Zeebe et Wolf-Gladrow, (2001) si la valeur de δ11Bsw, les coefficients de fractionnement isotopique entre les deux espèces chimiques sont connus, et que la constante stœchiométrique d’équilibre � (dépendant de la température, la pression et la salinité) est estimée indépendamment (Foster et Rae, 2016):

Figure I.21 : Variation de la concentration (a) et de la composition isotopique (b) de l’ion borate (B(OH)4-) et de l’acide borique (B(OH)3) en fonction du pH (total scale). Avec T°C= 25°C, S = 34,7 psu, (p�∗ = 8,6 et αB= 1,0272) (D’après Foster and Rae, 2016)

La composition isotopique actuelle du bore total dans l’eau de mer (δ11Bsw = 39,61 ‰) est considérée invariante puisque le temps de résidence de cet élément est très long (10-20 Ma) (Foster et al., 2010). Le pH de l'océan et le CO2 aqueux étant deux variables du système de carbonate étroitement liées, il devient possible à partir du pH et de la loi de Henry de reconstituer

60 les valeurs de pCO2 atmosphérique. Pour cela, un second paramètre du système carbonate est nécessaire. Généralement c’est l’alcalinité qui est utilisée (Hönisch et Hemming, 2005; Foster, 2008; Martínez-Botí et al., 2015) car une erreur d’estimation de ce paramètre impacte très peu les valeurs de pCO2 reconstruites. A titre d’exemple, lorsque le pH est connu, une variation d’alcalinité de ± 100 με, (ce qui correspond à une grande partie des valeurs de l'océan de surface actuel), modifie les valeurs de pCO2 de seulement ± 12 μatm (soit environ 12 ppm) (Foster et Rae, 2016).

4.3.2. Incertitudes associées à l’emploi du δ11B des biocarbonates comme paléo-baromètre

Les estimations de pH sont réalisées à partir de mesures faites sur divers biocarbonates, (le plus souvent des foraminifères planctoniques et benthiques ou des coraux) qui présentent tous des relations similaires entre pH de l’eau de mer et δ11B (Figure I.22).

Figure I.22 : Composition isotopique de différents carbonates en fonction du pH de l’eau de mer. (a-d) Foraminifères benthiques et planctoniques, (e) Calcites inorganiques (f) Coraux aragonitiques. Les échelles horizontales et verticales sont identiques dans tous les graphiques. La ligne grise représente la valeur de δ11Bboratecalculée en conditions contrôlées (D’après Foster and Rae, 2016). Un décalage est observé entre le δ11Bborate et celui des organismes étudiés.

61 Cependant, s’il apparaît qu’il existe pour tous ces organismes (hormis pour les foraminifères benthiques) (Rae et al., 2011) une forte dépendance au pH, les valeurs de δ11B des biocarbonates sont plus positives que celles du δ11Bborate (Figure I.22). Ce décalage peut s’expliquer par le fait qu’une quantité variable d'acide borique est, en plus de l’ion borate, également incorporée dans les carbonates (Noireaux et al., 2015; Uchikawa et al., 2015). De plus, le δ11B des biocarbonates n’enregistre pas strictement le pH de l'eau de mer mais reflète celui du fluide de calcification (du cytoplasme ou du microenvironnement autour de l’organisme calcifiant) qui peut être modifié par des processus physiologiques facilitant la calcification (de Nooijer et al., 2009; Nehrke et al., 2013) et/ou par la présence de symbionte pour certaines espèces de foraminifères planctoniques (Rink et al., 1998). La compréhension de l’impact de ces mécanismes contrôlant l'incorporation du bore et des effets vitaux en δ11B associés fait encore défaut et complique l’interprétation des résultats issus de cet outil (Foster et Rae, 2016).

Malgré cela, les études réalisées sur les sédiments plus récents ont montré une bonne corrélation entre les résultats issus du δ11B des foraminifères planctoniques et les valeurs de CO2 provenant des carottes de glace (Figure I.23).

Figure I.23 : Valeurs de pCO2 atmosphérique des 800 derniers mille ans reconstruites à partir du

11B de foraminifères planctoniques (rond bleu : Foster 2008, carré bleu : Hönisch et al. 2009) comparées aux valeurs de pCO2 issues de carottes de glace Antarctique (Bereiter et al., 2015) (Figure d’après Foster and Rae 2016).

Pour les périodes plus anciennes, trois facteurs viennent compliquer l’emploi de ce proxy pour les reconstitutions de pCO2 atmosphérique.

62 (1) Il est difficile de quantifier les effets vitaux (i.e. les calibrations entre pH et δ11B) pour

les organismes fossiles n’ayant pas d’équivalents actuels.

(2) Des problèmes classiques liés à la préservation des foraminifères s’appliquent aussi à ce marqueur et peuvent bruiter le signal primaire recherché (Palmer et al., 2018). (3) εême si dans l’actuel la valeur de δ11Bsw est connue et constante, son évolution

temporelle est difficile à déterminer. Or, certaines études proposent une augmentation de de 1 à 3 ‰ au cours des 50 dernières millions d’années (Pearson et Palmer, 2000; Foster et al., 2012; Raitzsch et Hönisch, 2013). De la même manière, des incertitudes subsistent sur l’évolution de l’alcalinité ou de l’indice de saturation de la calcite en surface, paramètres qui sont nécessaires par recalculer les pCO2 atmosphérique (Foster et Rae, 2016).