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La composition isotopique en carbone des alcénones

I. 11). Cette calibration a valeur globale et permet de balayer une plus grande gamme de

4. Les marqueurs de pCO 2 atmosphérique

4.4. La composition isotopique en carbone des alcénones

Outre les reconstitutions de température grâce à l’Uk′, il est possible à partir du δ13C des alcénones d’estimer les valeurs de [CO2]aq et donc les valeurs de pCO2 atmosphérique (Pagani, 2014).

4.4.1. Du signal isotopique en carbone des alcénones aux valeurs de [CO2] aqueux

Ce marqueur se base sur le fait qu’il existe un fractionnement isotopique au cours de la photosynthèse entre la source de carbone, le [CO2] aqueux, et la matière organique produite (Jasper et Hayes, 1990; Jasper et al., 1994; Bidigare et al., 1997; Bidigare et al., 1999; Pagani et al., 1999a). Ce fractionnement induit un enrichissement : p (Pagani, 2014) :

Si le δ13Corg correspond au signal isotopique de la biomasse algaire, le δ13CCO2aq doit être estimé indépendamment, avec le δ13C d’un carbonate précipitant en équilibre avec le δ13C du DIC. Le

63 plus souvent le δ13C du bulk carbonate ou celui des tests de foraminifères planctoniques sont utilisés pour approximer cette valeur (Jasper et Hayes, 1990; Pagani et al., 1999a).

δ13Ccalc = δ13CDIC +1

Les alcénones sont comme tous les autres lipides relativement appauvris en 13C par rapport à la composition isotopique de la cellule (δ13Corg). Ainsi, le calcul de p à partir du signal isotopique en carbone des alcénones (δ13C37 :2) implique de connaître la correction (Δδ) à appliquer entre δ13C37 :2 et δ13Corg :

δ13C37 : 2 = δ13Corg - Δδ

Si plusieurs valeurs de Δδ ont été mesurées en cultures (entre 3,1 ‰ et 5,9 ‰) une valeur de 4,2 ‰ pour les alcénones di-insaturés est le plus souvent utilisée dans les reconstitutions de paléo-pCO2.

Les valeurs de [CO2] peuvent alors être estimées par la relation simplifiée décrite par Jasper et al, 1994 :

p37 :2 = f – b / [CO2aq]

δe terme f représente le fractionnement isotopique lié à toutes les réactions de fixation du carbone. δa plupart des études considèrent une valeur de f de 25 ‰, mais celle-ci peut être comprise entre 25 et 28 ‰ (Popp et al., 1998b; Pagani et al., 2011; Pagani, 2014)). Le terme b intègre toutes les variables pouvant affecter le fractionnement isotopique total du carbone ( p) au cours de la photosynthèse (taille de la cellule, taux de croissance, concentration en nutriments) (Jasper et al., 1994; Laws et al., 1995; Bidigare et al., 1997; Popp et al., 1998a; Pagani, 2014). Plusieurs études ont montré que la concentration en phosphate [PO43-] des eaux de surface influence directement le taux de croissance algaire (Bidigare et al., 1997). Cette valeur est donc utilisée pour estimer la valeur du terme b (Figure I.24). Dans les océans modernes, ce terme est fortement corrélé avec les concentrations de phosphate à travers la relation (ici pour f=25 ‰) :

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Figure I.24 : Compilation de valeurs calculées du terme b en fonction des phosphates solubles pour une population naturelle d’haptophytes. b calculé par actualisme à partir des valeurs de [CO2aq], des valeurs de δ13C37 :2 alcénones et des SSTSlocalepour f=25 ‰. Si une autre valeur de f est employée la régression linéaire est modifiée. Une déviation de ± 50 à la régression linéaire est observée sur le terme b(D’après Pagani, 2014).

A concentrations en CO2aq similaires, le fractionnement isotopique total ( p) est plus faible pour les grandes cellules phytoplanctoniques (avec un faible taux de croissance) que pour les petites cellules (avec un taux de croissance élevé) (Laws et al., 1995; Popp et al., 1998a; Pagani et al., 2011). Cette différence de taux de croissance peut donc influencer les valeurs de p et le terme b doit donc être corrigé de cet effet de taille de la cellule (Henderiks et Pagani, 2007; Pagani et al., 2011):

b’ = b * [V:SAfossil/V:SAE.hux]

Avec V:SAfossil le rapport entre le volume (V) et la surface (SA) de la cellule considérée normalisé à celui d’une cellule actuelle d’E. huxleyi (V:SAE.hux).

Ce rapport peut être estimé à partir de la morphologie du coccolithe fossile puisque le diamètre moyen de la cellule des coccolithophoridés (Dcell) est linéairement corrélé à la longueur du grand axe des coccolithes (Lcoccolithe) (Henderiks et Pagani, 2007; Henderiks, 2008):

66 4.4.2. Incertitudes associées à la méthode

Dans le cas des alcénones, les incertitudes dans les reconstitutions de pCO2 proviennent essentiellement de la calibration des différents paramètres employés.

 Estimation du f, du Δ et de b

Tout d’abord, une erreur sur la mesure de Δδ peut avoir un fort impact sur les reconstitutions de CO2, d’autant plus si la valeur de p est élevée. Or, on ignore s’il existe une variabilité importante de ce paramètre au sein des systèmes naturels ou au cours des temps géologiques (Pagani, 2014).

De même, l’incertitude sur le terme f (entre 25 ‰ et 28 ‰), peut changer les valeurs de p et donc les valeurs de pCO2 reconstituées pour une température donnée (Pagani, 2014).

δ’estimation du terme b peut également représenter une source d’erreur potentielle. En effet, celle-ci est grandement dépendante de la valeur de [PO43-] qui varie régionalement dans les océans actuels et ne peut être évaluée pour les océans passés. Les études employant ce marqueur utilisent donc la valeur actuelle au site considéré (Pagani et al., 1999a). De plus, une forte corrélation est observée entre p et la géométrie des cellules (Popp et al., 1998b), la taille des cellules a donc un impact sur les valeurs de p reconstituées. δes grosses cellules ont un rapport volume sur surface plus grand et donc des flux de diffusion de CO2 différents entraînant des valeurs p plus faibles (Laws et al., 1995; Popp et al., 1998b; Pagani, 2014). Une connaissance fine de la variation de taille des cellules au cours du temps est donc fondamentale pour déterminer le terme b.

 δ’estimation du 13CCO2aq

Une autre source d’erreur possible vient de l’estimation du δ13CCO2aq, calculées à partir de celui du DIC, lui-même calculé à partir de la valeur mesurée sur la calcite des foraminifères planctoniques. Même si on considère que ces organismes cacifient dans la même masse d'eau (incertitude d'écologie cf chapitre : I.1 Les producteurs carbonatés), ces tests peuvent être mal préservés au cours des temps géologiques et peuvent donc considérablement bruiter le signal reconstruit. De plus, afin de calculer les valeurs de δ13CCO2aq à partir du δ13CCaCO3 et de

67 transformer les valeurs de [CO2aq] en pCO2, des estimations de températures, avec les erreurs associées, sont indispensables (Pagani et al., 1999a; Pagani, 2014).

Pagani (2014) estime ainsi que l’incertitude sur les pCO2 associée à cette méthode se situe entre 20% et 30 % pour des valeurs de p sous les 20 ‰, pour des valeurs de phosphates relativement bien contraintes et des valeurs de pCO2 faibles. δ’erreur augmente énormément lorsque les valeurs de p se rapprochent de celles de f, reflétant une perte de sensitivité pour des fortes valeurs de p (Figure I.26).

Figure I.26 : Influence de la valeur de f et de p sur les valeurs de pCO2 issues de l’étude des alcénones [PO43-] = 0,3 µM, T= 20°C. A titre d’exemple pour une valeur de p de 23‰, l’incertitude sur les pCO2est d’environ 750 ppm entre une valeur de f de 25‰ et de 28‰. (εodifié d’après Pagani, 2014).

 Impact des mécanismes de concentration en carbone (CCMs)

Il est possible que les cellules n’incorporent pas simplement du carbone par diffusion passive de CO2. En effet actuellement de nombreuses algues marines ont la capacité de transporter activement du carbone (CCεs) afin d’augmenter leur concentration cellulaire de CO2. Or l’incorporation d’ions bicarbonates (HCO3-) qui a un δ13C environ 10 ‰ plus positif

68 que celui du CO2 (à 25°C) aura au final d’importante conséquence sur l’expression du p et donc sur les reconstitutions du CO2 aqueux (Pagani, 2014).

Cependant est difficile de savoir si ces mécanismes étaient opérants au cours des périodes plus anciennes du Cénozoïque. Il est probable que les CCMs soient devenus un mécanisme important qu’au cours du Néogène du fait de l’importante chute de la concentration de CO2 atmosphérique (Zhang et al., 2013) (Figure I.27). Les pCO2 reconstituées à partir des alcénones au Paléogène sont donc certainement peu affectées par ce biais. La détermination de l’expression et de l’influence de ces CCεs sur les signaux isotopiques des alcénones constitue une étape décisive pour la validation des résultats issus de cet outil pour les périodes les plus anciennes (Pagani, 2014).

Figure I.27 : Potentiel d’activité des CCεs au cours des temps géologiques. Les calculs ont été effectuées pour différents taux de croissance (0,3 ; 0,5 ; et 0,8 j-1). δ’influence des CCεs devient importante au cours du Néogène. (Modifié d'après Zhang et al., 2013; Pagani, 2014)

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Chapitre II :

Contexte paléocéanographique et