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Impact du choix de l’effet vital au cours du Paléogène

Matériels et Méthodes : du signal isotopique des coccolithes aux reconstitutions de températures

IV. 4). Bien que comprenant des coccolithes ces fractions ne seront pas interprétées en

1. Biais possibles sur les reconstitutions de température et de pCO 2 à partir de la géochimie des coccolithes

1.1. Impact du choix de l’effet vital au cours du Paléogène

δ’effet vital appliqué dans nos reconstitutions de SSTs est issu d’études ayant mis en culture plusieurs coccolithophoridés d’espèces et de tailles différentes. Ces études ont montré que les effets vitaux spécifiques en oxygène et en carbone sont fonction du degré de limitation en carbone des cellules. Ainsi, ils sont faibles (composition isotopique des coccolithes proche des conditions inorganiques/d'équilibre) lorsque les milieux de culture sont enrichis en CO2aq (Rickaby et al., 2010; Hermoso et al., 2016a; McClelland et al., 2017) ce qui serait également le cas pour les périodes à forte concentration de CO2 atmosphérique. Cependant, plusieurs autres paramètres physiologiques peuvent venir compliquer la reconstitution des SSTs et des pCO2 atmosphériques à partir de cet outil et sont donc à prendre en compte.

 Les effets vitaux en oxygène et les reconstitutions de SSTs

Dans nos reconstitutions de SSTs, l’amplitude des effet vitaux est celle tirée des cultures à fortes concentrations en DIC (et donc de CO2aq) de G. oceanica et de C. pelagicus (Rickaby et al., 2010; Hermoso et al., 2016a). Même si les pCO2 atmosphériques estimées pour notre période d’étude restent toujours au-dessus de 500 ppm, l’application à tous les niveaux stratigraphiques d’un effet vital unique peut poser question car des variations de tailles au sein des assemblages existent au cours du Cénozoïque (Henderiks et Pagani, 2008) et peuvent donc également exister au sein nos fractions séparées. Or c’est la taille des cellules qui est un des principaux contrôles de l’expression des effets vitaux en oxygène (cf. chapitre III.2. Le δ18O des coccolithes : un nouveau paléothermomètre)

La taille des coccolithes a donc été mesurée sur les fractions séparées de 28 niveaux stratigraphiques (Figure V.1). Cette comparaison entre la taille des coccolithes présents dans nos fractions et celles issues des cultures actuelles permet de valider l’emploi de la valeur d’effet vital choisie. Il apparaît alors que la taille des coccolithes au sein des fractions ciblées reste

188 relativement constante sur notre intervalle d’étude. Les grands axes des coccolithes des fractions 5-8 µm sont compris entre 8 µm et 11 µm et sont donc plus gros que pour C. pelagicus

actuel qui présentent un effet vital en oxygène très réduit (-0,2 ‰). Les coccolithes des fractions 3-5 µm ont quant à eux une taille moyenne comprise entre 6 µm et 8 µm et sont en grande majorité représentatifs de la gamme de taille des G. oceanica actuel (Figure V.1). Ce contrôle justifie l’emploi de l’effet vital calibré en culture pour cette espèce pour les reconstitutions de températures issues des fractions 3-5µm de cette étude. Toutefois, afin d’étudier l’influence sur nos reconstitutions d’une erreur dans le choix de l’effet vital, les températures ont été reconstituées en appliquant un effet vital minimal de type C. pelagicus (« EV C. pelagicus ») et maximal de type E. huxleyi (« EV E. huxleyi »). εême si l’emploi d’un effet vital de type E. huxleyin’est pas raisonnable car elles possèdent une physiologie très différente de nos espèce étudiées (taux de croissance très élevées et CCMs importants), ces deux évolutions de températures représenteront ainsi les « cas aux limites » de l’influence du choix de l’effet vital sur les reconstitutions de SSTs proposées.

δa valeur de l’effet vital en oxygène pour les différents cas a été modulée en fonction de l’évolution de la gamme de valeur des pCO2 atmosphériques paléogènes estimée indépendamment à ce travail. Les valeurs moyennes ont été estimées par période à partir de la compilation de données provenant de différents marqueurs (alcénones, stomates, isotopie du bore, paléosols et nahcolithe) issu de l’étude de Beerling et Royer, (2011). Ainsi celles-ci seront de 500 µatm pour le Paléocène, 1600 µatm à l’Eocène inférieur et l’EECO, 950 µatm à l’Eocène moyen, 850 µatm à l’Eocène supérieur et de 575 µatm pour l’Oligocène inférieur (Figure II.3).

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Figure V.1 : (A) Exemple de la distribution de la taille des coccolithes au sein des fractions 3-5 µm (ici fraction du site DSDP 516) (B) Relation entre la taille des coccolithes et le diamètre des coccosphères d’espèces actuel et fossile. (C) Evolution de la taille des coccolithes des fractions 3-5 µm et 5-8 µm des sites ODP 689/690, ODP 511, DSDP 549 et DSDP 516 au cours du Paléogène.

190 δa valeur de l’effet vital en oxygène étant constante pour les grosses cellules de type C. pelagicus, le décalage entre nos reconstitutions initiales et celles issues de l’emploi de « EV C. pelagicus» est constant et de l’ordre de ± 1°C. A l’inverse, la valeur de l’effet vital pour les petites cellules d’E. huxleyi varie grandement avec la pCO2, le décalage entre SSTs initiales et SSTs re-calibrées avec « EV E. huxleyi » varie donc au cours du Paléogène. Ce différentiel est plus faible au cours de l’Eocène inférieur où les valeurs de pCO2 sont élevées et est très important à l’Oligocène inférieur où les pCO2 estimées sont très basses (Figure V.2). En prenant en compte un effet vital maximal de type E. huxleyi les températures reconstruites sont ainsi entre 4°C et 6 °C plus élevées.

Figure V.2 : Evolution des SSTs pour les différents sites d’étude en fonction de la valeur de l’effet vital appliqué à l’équation de thermodépendance. Températures obtenues à partir des fractions 3-5 µm. δes enveloppes de couleur représentent l’impact du choix de l’effet vital sur la reconstitution de température pour chaque site. Les courbes représentent les SSTs pour un effet vital de type G. oceanica

pour des valeurs de pCO2 fortes et constantes. La taille des coccolithes dans nos fractions étant proche de celles de G. oceanica et C. pelagicus les enveloppes foncées représentent la gamme de température possible pour un effet vital compris entre « EV C. pelagicus » et « EV G. oceanica ».

191 δ’utilisation d’un « EV E. huxleyi » apparaît cependant inappropriée. Ces cellules sont particulièrement petites en comparaison des cellules de coccolithophoridés paléogènes, elles possèdent un taux de croissance (µ) extrêmement important et elles ne sont apparues que très récemment dans le registre fossile sous des conditions de faibles concentrations de [CO2] et possèdent donc d’importants CCεs. De plus quand la gamme de taille des coccolithes présents dans les différentes fractions dévie des valeurs de G. oceanica ces elles varient vers des valeurs plus importantes et proches de celles propres aux C. pelagicus. Or le décalage entre les effets vitaux de G. oceanica et C. pelagicus est très faible à forte concentration de CO2 (~0,18 ‰) et l’impact sur les températures est donc très faible (<1°C).

En conclusion le choix d’un effet vital en oxygène de type G. oceanica, ou C. pelagicus

aura peu d’influence sur les reconstitutions de température au Paléogène. Dans la suite de ce travail la valeur de +0,69 ‰ propre aux G. oceanica sera donc utilisée dans les reconstitutions de SSTs et les interprétations issues des fractions 3-5 µm.

 δ’effet vital en carbone et les reconstitutions de pCO2 atmosphérique

Nos reconstitutions de pCO2 se basent uniquement sur le différentiel en limitation en carbone entre des cellules modernes de tailles différentes (Rickaby et al., 2010; Hermoso et al., 2016a). Or si la taille, via le rapport volume/surface, est un des contrôles principaux de l’amplitude de l’effet vital pour l’oxygène, pour le carbone, la calibration précise de l’effet vital est plus complexe (cf. chapitre : III.3. Le Δ13C des coccolithes : un nouveau paléobaromètre du CO2). δ’amplitude de ce dernier dépend à la fois du rapport entre la production inorganique de carbone et la production organique de carbone (PIC/POC) et de l’index d’utilisation τ (McClelland et al., 2017). En effet, au sein du chloroplaste la formation de la matière organique est catalysée par l’enzyme RuBisCO qui incorpore préférentiellement le 12C dans la matière organique par rapport au 13C. La matière organique des coccolithophores aura donc un δ13C faible. En conséquence le δ13C du cytosol, de la vésicule de calcification et donc des coccolithes sera plus élevé que celui de la matière organique. Cette relation obéis à un processus de distillation de Rayleigh et explique l’importance des rapports PIC/POC dans l’expression des effets vitaux. Ainsi, plus la production de matière organique sera importante, plus la calcite aura une composition en δ13C élevé. La composition isotopique de la calcite est donc intrinsèquement liée à la production de matières organique (McClelland et al., 2017). Or, le

192 PIC/POC n’est surement pas fixe dans le temps, car il dépend de la physiologie des cellules. En effet, il est fonction du degré d’utilisation du carbone par rapport à ce qui est disponible dans le milieu (τ) ainsi il est probable qu’une petite cellule soit moins limitée en carbone et donc que son PIC/POC soit plus faible que celui d’une grosse cellule.

Plusieurs paramètres permettre d’exprimer τ : le rayon de la cellule, la densité du carbone cellulaire, le taux de croissance, la perméabilité de la membrane et la concentration de CO2 externe (McClelland et al., 2017).

τ

=

�� � é � � é� � � � � � � � �� é� � ∗[ ]

=�

��[ ]

Où r est le rayon de la cellule (m), � est la densité du carbone cellulaire (constant, en mol.m-3), µ le taux de croissance (s-1), Pc la perméabilité de la membrane (constant, en m.s-1) et [CO2] la concentration externe en CO2 (mol.m-3).

δ’écart par rapport à la référence inorganique est plus élevé lorsque l’utilisation du carbone intracellulaire est élevée, c’est-à-dire quand µ ou r sont élevés ou que la [CO2] est faible (McClelland et al., 2017) (Figure V.3). Or l’influence du taux de croissance et du rapport PIC/POC sur le δ13C de la calcite n’est pas directement pris en compte dans notre calibration de pCO2. δ’impact de ces deux autres paramètres (PIC/POC et τ) sur le δ13Ccoccolithes est d’autant plus énigmatique que ces derniers ont certainement varié au cours du Cénozoïque.

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Figure V.3 : Effet de l’utilisation cellulaire en carbone (τ) et du PIC : POC sur le signal isotopique des coccolithes et de la matière organique.

Des mises en culture complémentaires en milieu contrôlé sur des souches d’intérêt géologique restent à être effectuées afin d’améliorer notre compréhension de l’influence de ces paramètres (PIC/POC, µ) sur le signal isotopique en carbone des coccolithes et donc d’améliorer nos reconstitutions de pCO2 atmosphérique.

Enfin, la calibration ∆13C/CO2aq présentée dans le chapitre III. Matériel et Méthodes et appliquée dans cette thèse et dans Tremblin et al. (2016) repose sur une assimilation passive de CO2 au travers des membranes des coccolithophoridés pour constituer le réservoir intracellulaire de DIC. Or, comme nous l’avons vu, il est possible que les cellules incorporent du carbone à la fois par diffusion passive de CO2, mais également par l’assimilation par gradient ou par voies actives d’ions bicarbonates (HCO3-) à travers les parois cellulaires (cf. chapitre : I.4. Les marqueurs de pCO2 atmosphérique). Le HCO3- ayant un δ13C environ 10 ‰ plus positif que celui du CO2 (25°C), il peut influer sur la composition isotopique des coccolithes. Ce point biogéochimique a été discuté en détail par Pagani (2014) avec la quantification de l’expression des CCεs (pompage actif de HCO3-) sur les valeurs p et donc sur les reconstitutions du CO2 aqueux ambiants (Pagani, 2014).

Toutefois il est probable que les CCεs ne soient devenus un mécanisme important qu’à partir du εiocène du fait de l’importante chute de la concentration de CO2 atmosphérique (Zhang et al., 2013) (Figure I.27). Cette l'hypothèse a déjà été proposée par Bolton et Stoll (2013) avec un "Miocene threshold" étayé par des données à long terme de ∆13C sur le Cénozoïque.

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