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Services écosystémiques: définitions et typologies

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Partie I : Cadre Conceptuel

1. Services écosystémiques: définitions et typologies

Depuis son émergence, la définition du concept de « services écosystémiques » a donné lieu à une littérature aussi riche que diversifiée. Nous relevons dans ce qui suit une variété de définitions et de typologies que nous allons passer en revue. Notons que nous ne cherchons pas l’exhaustivité dans cet exercice, mais nous proposons les écrits qui ont marqué le débat sémantique sur ce sujet.

Daily (1997) a défini les SE comme l’ensemble des conditions et des processus à travers lesquels les écosystèmes naturels et les espèces qui y trouvent refuge soutiennent la vie humaine. Si l’on s’en tient à cette définition, il semblerait que Daily ne fasse pas la distinction entre les termes « services », « fonctions » et « processus ». Réunies dans la même sphère, ces notions n’ont qu’une seule vocation, satisfaire les besoins humains. Nous verrons par la suite qu’une telle association devient à partir des années 2000 le centre des controverses.

1 Nous renvoyons les lecteurs à l’article intitulé « multifonctionnalité des espaces végétalisés urbains » pour avoir de plus amples informations sur la place du concept dans la littérature scientifique.

11 Une autre définition a été proposée par Costanza et son équipe (Costanza et al., 1997) pour qui les services écosystémiques sont « les bénéfices directs et indirects » rendus à la société par les fonctions des écosystèmes. Le terme « bénéfice », très répandu en économie, s’ajoute à la définition en incitant, comme nous le verrons par la suite, à la mise en place d’une approche d’évaluation économique. Costanza et ses collègues (1997) proposent aussi une typologie de SE renfermant dix-sept (17) grandes catégories. Cette typologie affiche une certaine ressemblance avec celle proposée par de Groot et al. (2002). Cependant, en les comparant toutes les deux, nous remarquons le désaccord des auteurs quant à la classification des bénéfices. Si la première équipe privilégie le recours au terme « service », la deuxième, quant à elle, préfère celui de « fonction » et propose une classification synthétique en quatre grandes catégories qui se déclinent en vingt-trois sous-classes.

Tableau 1. Comparaison entre la classification de Costanza et al (1997) et de de Groot et al.

(2002)

Service/fonction Costanza et al 1997 de Groot et al., 2002

Exemples Régulation du climat Régulation des gaz à effets de serre

Régulation des perturbations climatologiques

Protection contre les tempêtes et les inondations

Régulation de l’eau Approvisionnement en eau pour l’agriculture et l’industrie

Approvisionnement en eau Approvisionnement en eau potable et création des réservoirs

Contrôle d’érosion et la rétention des sédiments

Prévention contre les pertes des sols, stockage des eaux de ruissellement Formation du sol Accumulation de matière organique Maintien du cycle des

éléments nutritifs

Fixation d’azote du phosphore et du potassium

Traitement des déchets Contrôle de la pollution

Pollinisation Rôle des pollinisateurs dans la

reproduction des plantes Contrôle biologique Maintien du réseau trophique

Refuge Refuge pour la biodiversité,

Fonctions d’habitat

Réservoir pour la biodiversité -

12 Production alimentaire Production des fruits, légumes,

poissons, etc.

Ressources génétiques Production des produits

pharmaceutiques, donnant des définitions explicites à chacun de ces termes (de Groot et al., 2002):

- Processus : l’ensemble des interactions et des échanges de matière et d’énergie entre les composantes abiotiques et biotiques de l’écosystème ;

- Fonction : la capacité des composantes naturelles à générer des biens et des services qui satisfont directement et indirectement les besoins humains ;

- Service : « bien » issu du fonctionnement des écosystèmes au profit des sociétés. Ce

« bien » a non seulement une valeur économique mais aussi une valeur écologique et/ou socioculturelle.

Il semblerait que de Groot et son équipe soient les précurseurs ayant rendu explicite le lien entre « fonction » et « service », déjà évoqué par Costanza, créant ainsi un chemin causal non-linéaire entre les deux concepts (Hawkins, 2003).

En 2005, le «Millennium Ecosystem Assessment» (MEA) a élaboré son propre cadre conceptuel définissant les services écosystémiques comme l’ensemble des bénéfices rendus par les écosystèmes (MEA, 2005 in Fisher et al., 2009) et proposant une typologie en quatre grandes classes de SE (MEA, 2005) :

13 - les services d’approvisionnement qui sont les biens et les produits procurés à partir des

écosystèmes (nourriture, eau, bois, etc.) ;

- les services de régulation issus de la régulation des processus écosystémiques (séquestration du carbone, régulation du microclimat, etc.) ;

- les services culturels non matériels (éducation, détente, loisir, etc.) ;

- les services de soutien qui maintiennent la production des trois premiers services (production de la biomasse, cycle de l’eau, cycle des éléments nutritifs, etc.)

En 2007, Boyd et Banzhaf, adeptes des idées de Daily, reprennent sa définition mais en excluant tous les services indirects qui doivent subir des modifications avant d’être consommés (services de production par exemple). Les auteurs se focalisent, ainsi, sur les services directs qui désignent l’ensemble des processus écologiques consommés directement par la population (régulation du climat, infiltration d’eau de ruissellement).

Fisher et Turner (2008) quant à eux, affirment que les SE correspondent à l’ensemble des bénéfices directs et indirects. Ils considèrent que tout processus et/ou fonction écologique sont des services tant qu’il existe un bénéfice tiré par l’homme2, « ecosystem services are the aspects of ecosystemsutilized (actively or passively) to produce human well-being » (Fisher et Turner, 2008 : 1168).

À la lecture de ces définitions, nous remarquons que le concept de « service écosystémique » relève d’une diversité de sens qui donne lieu à une littérature riche, certes, mais non conciliante. Cette diversité a ainsi divisé le corps scientifique en deux groupes.

Le premier groupe voit dans cette richesse la complexité que révèle le concept. Il est du devoir des scientifiques de favoriser ce pluralisme afin de nourrir les débats qui conduiront à une meilleure compréhension du concept. Nous rapportons ici le propos de Costanza (2008:

350) qui adhère à cette idée en refusant les discours simplistes: “In the messy world we inhabit, weneed multiple classification systems for different purposes, and this is an opportunity to enrich our thinking about ecosystem services rather than a problem to be defined away”. Par ailleurs, les définitions et les typologies du concept ne doivent pas être statiques. Elles appellent à une actualisation en fonction de l’avancée de la recherche et en fonction des confrontations disciplinaires : “There are many useful ways to classify ecosystem

2 “The functions or processes become services if there are humans that benefit from them. Without human beneficiaries they are not services” (Fisher et al., 2009: 645).

14 goods and services and our goal is not a single, consistent systems (…) but rather a pluralism of typologies that will each be useful for different purposes” (Costanza, 2008 :351).

Le deuxième groupe illustre l’autre tendance de ce pluralisme. En effet, les différentes initiatives proposées par les chercheurs ont engendré des controverses scientifiques tant au niveau conceptuel qu’opérationnel. Une standardisation du concept est donc essentielle pour ce second groupe pour pouvoir l’intégrer dans le processus de prise de décision (Boyd et Banzhaf, 2007 ; Fisher et al., 2009).

À ce stade, il convient de poser la question sur l’origine de cette richesse. Le concept de

« services écosystémiques » se trouve-t-il à une confluence interdisciplinaire ?

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