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L’évaluation des écosystèmes pour le millénaire MEA

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 36-39)

Partie I : Cadre Conceptuel

Encadré 3. Fondement théorique de la monétarisation (Faucheux et Noel, 1995 : 32-33)

2.3.2.2. L’évaluation des écosystèmes pour le millénaire MEA

Huit ans après, un nouveau rapport fait son apparition. Il s’inscrit dans la lignée de la publication de Costanza et ses collaborateurs. C’est le rapport de l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire (en anglais « Millennium Ecosystem Assessment » (MEA)). Soutenu par les Nations-Unies, ce travail consiste à évaluer l’impact des activités anthropiques sur les écosystèmes naturels et par conséquent sur le bien-être humain (Antona et Bonin, 2010). En d’autres termes, l’objectif de cette étude, est (1) d’appuyer l’évaluation d’ordre économique proposée par Costanza et al. (1997) et (2) de tester des scénarii de prise de décision et de gestion des écosystèmes naturels.

25 Pour parler du MEA, il faut remonter à la conférence des Nations-Unies sur l'environnement et le développement en 199223, la convention sur la diversité biologique et le développement durable en demeurant le cœur. Le développement durable, déjà défini dans le rapport Brundtland en 1987, est considéré comme « un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable »24. A cela s’ajoute l’émergence du terme biodiversité qui est défini comme : « la diversité du vivant, y compris tous les processus, les modes de vie ou les fonctions qui conduisent à maintenir un organisme à l’état de vie » ou alors « la quantité et la variabilité au sein des organismes vivants d’une même espèce (diversité génétique), d’espèces différentes ou d’écosystèmes différents.» (Nonga, 2012 :23).

L’adoption de la convention engage les pays signataires non seulement à conserver et utiliser durablement la biodiversité, mais aussi à partager équitablement les ressources naturelles (MEA, 2005 ; Mehdi, 2010). De cet événement naissent d’autres travaux internationaux et locaux qui ont eu un impact considérable sur la mise en place de la plateforme MEA. Citons à titre d’exemple les rapports « Protecting our planet securing our future » et « Pilot Analysis of Global Ecosystems » publiés en 1998 ainsi que « People and Ecosystems » paru en 2000 (Méral, 2010). Tous ces rapports ont appelé à la mise en place d’une approche commune de conservation de la biodiversité et d’évaluation des SE. La biodiversité, dès lors, se retrouve liée au fonctionnement des écosystèmes et les SE générés (Rankovic et al., 2012). Loin de s’interroger sur la complexité de ce lien, les initiateurs au MEA perçoivent la biodiversité comme un support pour maximiser les SE allant jusqu’à dire que « la disparition de la biodiversité réduit la disponibilité des SE » (Nonga, 2012 :47) et inversement. Sous cet aspect Rankovic et al. (2012)25 mettent l’accent sur la gravité de la simplification de ce lien et proposent une approche analytique et fondamentale pour l’appréhender : «les cas de figure où un niveau inférieur de biodiversité permettra malgré tout de maintenir les services écosystémiques sont potentiellement nombreux également». En 2005, le MEA publie son premier rapport synthétique considéré comme un fondement pour l’application du concept de SE (Potschin et Haines-Young, 2011 ; Barnaud et al., 2011 ; Dumax, 2009). Par son cadre conceptuel et par le biais des SE, le travail du MEA dispose d’un levier pour appréhender les interactions entre l’écosystème et l’Homme qui en fait partie intégrante. Les défis de la

23 La conférence des Nations-Unies sur l'environnement et le développement en 1992 a été dans la lignée du rapport « World resources » paru en 1986 et le rapport de Brundtland publié en 1987 (Méral, 2010) ;

24 « Le développement durable est « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », citation de Mme Gro Harlem Brundtland, Premier Ministre norvégien (1987). En 1992, le Sommet de la Terre à Rio, tenu sous l'égide des Nations unies, officialise la notion de développement durable et celle des trois piliers (économie/écologie/social)»

http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/developpement-durable.htm (07/02/2014);

25 http://vertigo.revues.org/11851 (07/02/2013).

26 plateforme MEA sont (1) d’évaluer les services écosystémiques identifiés au préalable et (2) de tester l’impact des variations d’approvisionnement de ces derniers sur le bien-être humain (Dumax, 2009).

Le travail du MEA mobilise une approche interdisciplinaire : écologues et économistes travaillent ensemble pour apporter des réponses aux politiques concernant la manière d’intégrer les SE dans le processus décisionnel. Dans un premier temps, l’écologie apporte un éclairage sur les processus biophysiques et le fonctionnement des écosystèmes qui interviennent dans la production des services écosystémiques. L’économie, dans un deuxième temps, cherche les outils appropriés pour attribuer des valeurs à ces services (Dumax, 2009).

Cet exercice doit (1) prendre en considération l’emboitement d’échelles (locale, régionale et globale) et (2) prévoir des mesures d’action à court et à long terme. Sous une apparence interdisciplinaire, le MEA a tout de même privilégié le recours à l’évaluation économique.

Comme toutes les études portées sur l’évaluation des SE, les travaux du MEA ont été critiqués, car ils n’ont traité que l’apport positif des écosystèmes naturels sans tenir compte de leurs effets négatifs connus actuellement sous le terme « desservices », tels que l’émission des composés organiques volatils, les allergies ou l’introduction d’espèces invasives, etc. (Antona et Bonin, 2010). Néanmoins, les publications du MEA ont eu le mérite de pousser la communauté de chercheurs à se rapprocher des décideurs et à proposer de nouvelles stratégies d’aménagement visant à intégrer la protection de la biodiversité dans les futurs plans de développement du territoire, ibid. En dépit des controverses suscitées dans l’appréhension du concept de SE, l’approche économique a contribué à la médiatisation du dit concept. Dans ce contexte, Tietenberg et son équipe (2013 : 28) confirment que « les spécialistes de l’environnement soutiennent aujourd’hui l’évaluation économique dans la mesure où elle permet de montrer à quel point l’environnement représente une richesse pour la société moderne ». Toutefois, à force de recourir à l’approche économique, le concept de « service écosystémique » a été dépouillé de son caractère multidisciplinaire. Il devient, par conséquent,

« un avatar économique » pour le bien-être humain. Sous ce prétexte, certains chercheurs, particulièrement francophones, repoussent le recours à ce concept. Il nous semble cependant indispensable de faire ressortir deux points importants :

- Le concept s’enracine dans la biologie de la conservation. Dans ce contexte, il a eu un caractère normatif pour regrouper, en une seule catégorie, certaines notions génériques telles que « le rôle », « le bienfait », « l’utilité », « l’usage », etc. Comme le soulignent

27 Potschin et Haines-Young (2011: 577) « whether we choose to think of the ecosystem services concept as a new paradigm or not, the novel aspect of the idea is that it encourages people to re-examine the links between ecosystems and human well-being in pragmatic ways ».

- Il faut rappeler aussi que les économistes n’ont pas attendu ce concept émergent pour monétiser les écosystèmes naturels. Donner une valeur marchande à ces derniers remonte aux années 1950 avant même son apparition (Méral, 2013)26.

Au terme de cette partie, nous jugeons nécessaire de porter un regard transversal sur ce concept, en précisant d’une part, son caractère multidisciplinaire et d’autre part les incertitudes qui lui sont associées.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 36-39)